L'application des mesures pose question

Redoublement, bac… "le choc des savoirs" confronté au "choc salarial" selon les syndicats

  • Publié le 6 décembre 2023 à 14:38

Ce mardi 5 décembre 2023, le ministre de l'Éducation nationale avec, comme objectif, rehausser le niveau de l'école en France. Redoublement, nouvelles modalités du bac et du brevet, groupe de niveaux… Des mesures qui - si elles sont saluées par le Snalc, laissent les syndicats sceptiques quant à leurs mises en place, notamment concernant les postes des enseignants (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)

Guillaume Lefèvre, président du Snalc Réunion le dit, "nous serons peut-être les seuls à être heureux d'entendre ce discours". "Nous estimons qu'enfin on repart dans le bon sens après des années de réforme, de réductions budgétaires. Enfin il y a une prise de conscience et ça nous le saluons."

Des annonces qui satisfont le Snalc, qui a porté certaines de ces mesures. "Nous avions demandé le recours au redoublement, le fait de laisser la parole et l'expertise aux enseignants, nous avions aussi demandé que soit conditionné le passage au lycée par l'obtention du brevet."

Concernant les groupes de niveau, "c'est une chose que nous avions faite depuis 2015 avec le projet de collège modulaire".

"Il faut moduler les en fonction des besoins des élèves, de manière que chacun puisse avancer à son rythme", précise le président du Snalc Réunion.

Pour Jérôme Motet, également au Snalc, "on est enfin plus dans un système de cruauté qui faisait passer les élèves sans le niveau. On les envoyait à l'abattoir social et on les condamnait à l'échec".

Mais selon lui, cette mesure, si tentée qu'elle soit bien, "devrait être étendue à tous les paliers".

Ce que note surtout le Snalc, "c'est que le ministre revient à plus de soutien pour l'enseignant. Il priorise l'expertise de l'enseignant qui est plus à même de voir l'évolution de l'élève".

"On sait qu'il ne va pas révolutionner l'Éducation, mais au moins il y a quelque chose", conclut Guillaume Lefèvre.

-  Les syndicats sceptiques après les annonces de Gabriel Attal -

Si le Snalc se réjouit de l'annonce de ces mesures, de grands questionnements persistent : "comment mettre en place ces classes de niveau (en mathématiques et en français) sans créer de postes et comment ne pas aller à l'encontre des autres disciplines".

"Si c'est pour imposer des missions supplémentaires aux professeurs par le biais du PACTE, on n'en veut pas. On ne veut pas d'un choc des savoirs face à un choc salarial", souligne Jérôme Motet.

"Il faut donner les possibilités de réaliser ces mesures en remettant plus de postes aux concours", ajoute Guillaume Lefèvre.

C'est d'ailleurs en ce sens que le Snalc sera reçu très prochainement par le ministre de l'Éducation nationale, "pour voir comment réaliser ces objectifs".

Les autres syndicats sont quant à eux plus réservés.

"Des annonces toujours plus réactionnaires pour contenter l'électorat qui pense que tout était tellement mieux avant", se consterne Éric Annonier.

"Trois leviers essentiels ne sont évidemment pas mentionnés : il est primordial de réduire les effectifs en classe, de recruter des enseignants titulaires et pas des précaires et d'arrêter de bidonner les examens, les élèves ayant bien compris qu'ils auraient leurs examens sans fournir d'efforts", s'insurge Éric Annonier de Sud Éducation.

Même scepticisme du côté d'Éric Dijoux du syndicat SE-Unsa Section de La Réunion. " Lorsque l’on écoute les mesures proposées, on pourrait comprendre que cela va permettre à nos élèves de mieux réussir. Mais lorsque l’on prend le temps d’analyser les mesures, cela se résume encore une fois à un exercice de communication, qui ignore le fonctionnement de l’école, qui méprise le travail fait par les enseignants."

"Le ministre propose des solutions qui ne tiennent pas compte de la réalité du terrain, des mesures qui vont davantage éloigner le plus fragiles de la réussite. Le parcours des élèves est maintenant lié à des sanctions : redoublement, brevet obligatoire pour la seconde, stages pour les plus fragiles."

Eric Dijoux poursuit en déclarant. "Le ministre dans son projet ne propose aucune solution pour dans le primaire pour lutter contre les inégalités ou les échecs scolaires. On aurait préféré des effectifs allégés au primaire, car c’est là que tout se construit."

" Les mesures proposées ne sont pas novatrices, pour l’Unsa, elles font partie du passé. Les études menées précédemment sur les groupes, ou l’uniformisation de programmes et méthodes n’ont pas montré de résultats significatifs."

"Ces mesures sont un ensemble de propositions qui ne répondent pas au mal-être de nos élèves, et de la communauté éducative. Elle remet en cause la liberté pédagogique des enseignants en imposant des manuels et des méthodes. De plus sur la logique des groupes, le budget de l'éducation nationale est voté, avec des suppressions de postes. Le Ministre lui parle de création", s'insurge Éric Dijoux de l'Unsa.

"Une fois encore, il y a les annonces et la réalité du terrain. Sans enseignants supplémentaires, ces mesures ne pourront pas s’appliquer. Nous sommes toujours dans les annonces, le coup médiatique. Sur le terrain, ces mesures relèveront plus du casse-tête que de la réussite de nos élèves Elle n'apporte pas de réponses à la question du vivre-ensemble, de la réussite des plus fragiles et l’intégration des élèves à besoin particuliers. Nous sommes profondément déçus par ces annonces", conclut le représentant syndical.

Pour Pierre Fourny du Snes-Fsu, "le fait que ces mesures soient dévoilées le jour des résultats PISA n'est pas une coïncidence et cela montre une réforme idéologique plus que pragmatique adossée sur un diagnostic".

"C'est la continuité du tri social", poursuit-il. "Le brevet serait bloquant pour accéder au lycée. On surfe sur le populisme pédagogique ou de comptoir pour flatter la profession et un électorat."

Faire des groupes d'élèves sans professeurs supplémentaires ? "Comment va-t-il faire" se questionne Pierre Fourny ? "Le budget n'est pas prévu." "Depuis 2017 les gouvernements ont supprimé près de 9.000 postes de professeurs : qui peut croire à leur bonne volonté de redresser la barre."

- Pour une "école plus exigeante" -

Alors qu'un nouveau rapport Pisa alerte sur le niveau des élèves dans l'Hexagone, le ministre de l'Éducation a présenté ce mardi 5 décembre son plan de réforme du système éducatif. Gabriel Attal a affiché la volonté d'une école "plus exigeante" et "synonyme d'efforts" pour les élèves. Il a également ambitionné un rétablissement de "l'autorité pédagogique".

Ce sera désormais "l'équipe pédagogique" et les professeurs, et non plus les familles, qui auront "le dernier mot s'agissant" du redoublement de l'élève. "Dès le premier trimestre de l’année 2024, je publierai un décret qui rendra à l’équipe pédagogique - et non plus aux familles - le dernier mot s’agissant du redoublement de l’élève", a précisé Gabriel Attal.

Deux cas de figure seront possibles. Soit l'élève présente un niveau en dessous des attentes mais peut profiter d'un "tutorat pendant les vacances scolaires", des stages qui existent déjà l'été et lui permettent de poursuivre si la remise à niveau est suffisante. Dans l'autre cas, pour des élèves "en très grande difficulté", le redoublement sera exigé sans repêchage.

Le diplôme du brevet conditionnera désormais l'accès direct au lycée. Les élèves en difficulté et qui n'obtiendront pas leur brevet ne feront pas leur entrée en seconde l’année suivante, "mais rejoindront une classe 'prépa-lycée' pour consolider leur niveau", avait ajouté le ministre, sans plus de détail, avant la présentation complète de son plan en début d'après-midi. Un dispositif dont les contours n'ont pas encore été précisés.

Les élèves de 6e et 5e seront répartis en trois groupes de niveaux pour leurs enseignements de français et de mathématiques à partir de la rentrée 2024, une mesure évoquée par Gabriel Attal dès le mois d'octobre.

Lire aussi - Gabriel Attal veut "remettre de l'exigence" à l'école, au collège et au lycée

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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