Après plusieurs attaques de chiens

Errance animale : un fléau pas (encore) suffisamment pris au sérieux à La Réunion

  • Publié le 18 juillet 2024 à 15:31

La forêt de l'Étang-Salé a récemment été le théâtre d'attaques de chiens errants. Une joggeuse mordue, un homme victime lui aussi des ces animaux… Ces faits inquiètent les habitants, familles, joggeurs et randonneurs de passage qui arpentent les sentiers. Ces attaques - interrogent également sur la façon dont est pris en considération le fléau de l'errance animale à La Réunion, tant du côté des collectivités et de élus, que du côté des propriétaires dont certains animaux divaguent (Photo sly/www.imazpress.com)

Pointée du doigt pour son inaction par des élus, la commune de l'Étang-Salé dénonce "les abandons des animaux par des propriétaires irresponsables".

La mairie de l'Étang-Salé expliquant que suite aux attaques, des "opérations de capture des chiens errants et divagants en meutes ont été organisées sur la forêt".

La Semrre (Société d'économie mixte Réunion reyclage, environnement) organise depuis les premiers signalements "des rondes dans le secteur, épaulée par la police de l'Étang-Salé", explique Eddy Turby, responsable de l'action environnement animal à la Semrre.

"Mais la capture de ces animaux qui pour certains sont devenus sauvages, au cœur de la forêt est un exercice difficile qui de plus est contrarié par des incivilités : libération des chiens capturés, détérioration ou vol des cages… Nous déplorons ces actes qui compromettent la sécurité des usagers de la forêt et engagent la responsabilité de leurs auteurs" dénonce la ville. Une plainte a d'ailleurs été déposée contre ceux qui détériorent.

"On continue la tache indubitablement, même si on n'est pas aidé", ajoute Eddy Turby.

"Depuis la première attaque début juillet, 12 chiens ont ainsi été capturés. Après enquête des services de la Civis, il en est ressorti qu’un certain nombre sont identifiés et pucés", explique la collectivité.

Sur l'ensemble de l'année 2023, la Semrre a pris en charge 1.193 animaux sur six communes pour la Civis, la Cinor et la Casud.

- L'errance animale, "une politique prioritaire", selon l'État -

Le préfet a lui aussi été interpellé suite à ces différentes attaques. Dans un communiqué, il déclaré "apporter son soutien aux victimes et à leurs proches et les invite à porter plainte".

"Le préfet a fait de la lutte contre l’errance animale une politique prioritaire depuis sa prise de poste à La Réunion. Avec plus de 70.000 chiens errants recensés dans l’espace public, dont plus de 40% sont divagants et ont donc des propriétaires, nous avons conscience du problème sécuritaire sur les personnes, de l’impact sur les animaux d’élevage, ou encore du risque sanitaire et en matière de biodiversité", ajoute le représentant de l'État.

Parmi les principaux moyens d’action identifiés par les acteurs de la lutte contre la présence animale sur l’espace public figurent, "d’une part, l’identification des animaux, qui pour rappel est une obligation pour leur propriétaire, et d’autre part, la stérilisation (non obligatoire) pour limiter les reproductions incontrôlées".

"L’État finance également des réhabilitations de refuges et fourrières, des études et des équipements. Sur ce dernier point, l’an dernier l’État a acquis 70 lecteurs de puce d’identification pour doter l’ensemble des commissariats de police, brigades de police municipale et brigades de gendarmerie, ainsi que 34 cages de capture d’animaux errants pour les agriculteurs concernés."

Capture, mis en fourrière, campagne de stérilisation… à La Réunion, les cinq intercommunalités sont compétentes en matière de lutte contre l'errance et la divagation animale.

La Civis a mis en œuvre un plan d’actions conséquent pour lutter contre l’errance animale : la capture des animaux errants et divagants sur des tournées systématiques ou sur demandes, la garde des animaux errants capturés pendant un délai légal de 4 jours à la fourrière - en 2023, 2 318 animaux ont été pris en charge à la fourrière animale, dont 137 rendus à leur propriétaire.

Mais également la gestion du refuge animalier pour une "adoption responsable" ainsi que la stérilisation des carnivores domestiques (chiennes et chattes essentiellement) sous condition de ressources. Cette prestation, réalisée par les Vétérinaires pour Tous, a permis de stériliser 969 animaux en 2023.

La Civis a également mis en place une grille tarifaire permettant de facturer l’ensemble des frais occasionnés par la prise en charge des animaux à la fourrière dans le cadre des procédures de restitutions aux propriétaires et des abandons.

La Casud elle, "est consciente de l'importance du fléau de l'errance animale à La Réunion et des nuisances provoquées tant sur le plan environnemental (destruction des espèces endémiques notamment), humain (attaques) et économique (destruction de cheptel)". Aussi, elle organise régulièrement des actions sur son territoire, dont certaines en partenariat avec les services de l'État et de la Préfecture de La Réunion".

Des actions préventives et de sensibilisation auprès de la population, des scolaires. Des rondes en partenariat avec les polices municipales des quatre communes, la gendarmerie nationale, la Semrre et les agents du service environnement de la Casud.

"Des cages-appâts sont également mises en place sur le territoire", précise la collectivité.

Dans la continuité de ses actions, la Casud profite des vacances pour mener des actions de sensibilisation auprès de la population. Pour dispenser – grâce à des flyers – des rappels "de la réglementation en vigueur et des campagnes annuelles et gratuites de stérilisations animales, ainsi que sur la capture d'animaux errants".

- Des mesures largement insuffisantes à La Réunion -

Mais tous ces plans mis en place sont-ils suffisants ? Selon les syndicats de police, "le plan de l'État n'est pas suffisant. On le voit. Si c'était le cas nous n'aurions pas été aux prises d'attaque de chiens errants", indique Aude Robert d'Unité SGP Police. "Il faut faire plus."

"La problématique ne date pas d'aujourd'hui mais forcé de constater que les choses bougent difficilement", ajoute-t-elle. "La faute sans doute au coût lié à la gestion de l'errance animale qui représente un budget. Possible que cela ne soit pas les dépenses prioritaires des municipalités." "Le risque est pourtant réel", alerte Aude Robert.

Interrogé en direct à la radio, Frédéric Vienne s'est également exprimé sur ce sujet. Selon le président de la Chambre d'agriculture, "il ne faut pas qu'il y arrive un drame pour prendre conscience de la dangerosité de ce phénomène et quand on est attaqué par une meute on ne peut pas lutter". "Nous, nos éleveurs, subissent cela en silence parce que c'est un phénomène quasiment impossible à enrayer."

D'après Eddy Turby, le "volet répressif mériterait également d'être densifié".

Jean-Luc Mignot, président de la SPA, n'est "pas très optimiste sur la situation. On a un préfet sensible à cela mais ce n'est pas suffisant. Il y a aussi une question de moyens et d'argents sur la table, notamment pour stériliser les chiens errants".

"Si un chien divague et qu'il n'est pas pucé, on ne peut pas contacter le propriétaire et lui mettre une prune et on ne va pas demander aux policiers d'arrêter chaque personne qui promène son chien pour vérifier s'il est pucé."

Selon Cécile Squarzoni, présidente de l'association Apeba, il faudrait que l'État revoie entièrement sa politique en matière d'errance animale. "L'ensemble des mesures en place pour réduire l'errance ne résolvent rien."

"Contrôler la population par l'euthanasie ne fonctionne pas, d'autant que la dynamique de reproduction va plus vite." "Si l'on n'augmente pas la pression sur la stérilisation on n'y arrivera jamais. Il faudrait inverser les budgets. Actuellement l'État met cinq millions sur l'euthanasie et moins de 400.000 euros sur la stérilisation."

"Il y a un gros problème dans l'utilisation des fonds, d'autant que ce sont nos impôts qui financent les euthanasies."

- L'errance animale - un problème encore trop loin dans l'esprit de la population -

"Beaucoup de gens se plaignent mais non, il n’y a pas de prise de conscience des propriétaires, et les élus ne savent pas comment résoudre le problème", déplore Joëlle Forbes, vétérinaire à la clinique de La Montagne. "Nous avons des meutes de chiens errants à la Montagne qui sévissent en attaquant les passants ( piétons, cyclistes, 2 roues…) et en tuant tous les chats, mais il n’y a aucune action visible des élus."

"La difficulté c'est que l'errance animale est liée au fait que les gens ne font pas stériliser leurs animaux", déplore Jean-Luc Mignot, président de la SPA de Sainte-Marie. "Certains sont mal informés et d'autres n'en ont juste rien à faire", lance-t-il.

Pour Eddy Turby de la Semrre, "le gros souci c'est celui de la responsabilité des propriétaires. Il ne faut pas se voiler face". "Ce n'est pas encore rentré dans les esprits que l'identification est une obligation." "Malheureusement, la prise de conscience n'est soit pas arrivée, soit elle se fait encore trop lentement", ajoute-t-il.

À La Réunion, "35% des animaux seulement sont identifiés", explique Cécile Squarzoni, présidente de Apeba. De plus "on compte plus de 50 abandons par jours". "L'animal est comme un objet que l'on peut prendre et jeter comme on veut", s'indigne-t-elle.

De plus, "la communication auprès de la population est mal faite", selon l'association Apeba. "Cela ne touche que quelques personnes plus ou moins connectées mais il faudrait délocaliser cela dans les associations de quartier, faire du porte-à-porte."

Selon Jean-Luc Mignot, "il y a aussi un gros travail de sensibilisation à faire et c'est ce que nous faisons avec les écoles". "On explique aux enfants la nécessité de stériliser, d'identifié. La génération à venir doit être plus sensibilisée."

Ce qu'il propose également, "c'est, à l'instar du recensement de l'Insee, fait un recensement des animaux dans les foyers et savoir si oui ou non ils sont identifiés et stérilisés".

Selon Cécile Squarzoni, "il faut également renforcer les peines des tribunaux pour qu'elles servent d'exemple". "À Saint-Denis, il y a une amende immédiate pour chien non-identifié", donne-t-elle en exemple.

Ce que déplore la présidente de l'association, c'est que "lorsque les animaux errants sont retrouvés et ont un propriétaire ils ne viennent souvent pas les récupérer. Et de l'autre côté, ils ne reçoivent qu'une petite amende".

La loi rappelle d'ailleurs que : "l’abandon d’un animal domestique ou d’un animal sauvage apprivoisé ou tenu en captivité est puni de 3 ans de prison et peut aller jusqu'à 45.000 euros d’amende en cas de blessures inovlontaires causées par l'animal".

Par ailleurs, "le fait de détenir un chien ou un chat non identifié, né après le 1er janvier 2012, peut être puni d’une amende de 750 euros."

"Ainsi, il est rappelé aux propriétaires de chiens et chats que détenir un animal, c’est en être responsable et cela entraîne des obligations légales qu’il appartient à toutes et tous de respecter : ne pas abandonner son animal, l’identifier, ne pas le laisser divaguer, s’assurer de son bien-être par des conditions de détention, une attention et des soins adaptés", ajoute le préfet, Jérôme Filippini.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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4 Commentaires
Clara
Clara
1 mois

Traquer les proprio de chiens divagants et les amender plus un stage au ramassage des cadavres sur les routes

Pierrot 974
Pierrot 974
2 mois

Quand on se décidera à simplement appliquer la loi, les choses commenceront à bouger.
Toucher au porte-monnaie est la seule manière de réveiller les j'm'en foutistes.
Mais visiblement faire respecter la loi donne des boutons à la police sur le problème des chiens errants ou du vacarme nocturne.

HULK
HULK
2 mois

Tout le monde se fout de ce fléau,parce que dès que vous "osez" dénoncer celà,tous les bien-pensants vous culpabilisent au nom de l'amour des animaux. Pas de sanctions, pas d'actions et surtout pas de responsables. Mais un jour le problème explose et là tout le monde commence à s'agiter et à faire du vent. Mais que du vent...

leon
leon
2 mois

Si certains chiens errants capturés sont pucés ou tatoués c'est qu'ils ont été abandonnés par leur propriétaire. Ces derniers peuvent donc être retracés et contactés.