Depuis la rentrée scolaire 2023, l'ensemble des lycéens de l'île – inscrits à la cantine - bénéficient d'un repas équilibré à seulement un euro. Un dispositif qui permet aux familles de ne plus se préoccuper de la façon dont ils payeront le repas de leurs enfants – surtout en cette période d'inflation. Si la Région a lancé ce dispositif favorable aux familles, ne faudrait-il pas étendre la "Kantine à un euro" dans l'ensemble des établissements scolaires de l'île, des plus petits aux plus grands ? C'est en tout cas ce que souhaiteraient les parents… (Photo : rb/www.imazpress.com)
"Pour les lycéens c'est bien mais ce serait pas mal pour les collégiens aussi", note Laurence, mère de famille. "Cela devrait s'appliquer à toutes les classes, comme ça cela permettra à plus d'enfants de s'inscrire à la cantine", ajoute-t-elle.
Fanny, également mère de famille, salue la décision de la Région Réunion. "Avec ça je n'ai plus à me demander comment faire et combien mettre de côté pour la cantine."
"Et puis", ajoute-t-elle, "cet argent économisé va me permettre de financer les activités sportives de ma fille, c'est mieux". Avec ce dispositif, les familles "font un gain de plus de 300 euros par an et par enfant scolarisé", a expliqué la Région.
- Inciter les élèves... à ne plus manger dehors -
Un euro par repas… que l'enfant soit boursier ou non. Un moyen de lutter également contre la malbouffe et l'obésité.
"Actuellement, seulement 25% des élèves de lycée fréquentent la cantine contre 98% quand ils sont en école primaire", s'était-elle insurgée à l'époque, clamant haut et fort à maintes reprises que le repas en restaurant scolaire est "bon pour la santé et bon pour nos marmailles".
De plus, parfois, "ce repas à la cantine est le seul repas complet de la journée chez les jeunes", avait déclaré Huguette Bello. Un effort qui a un coût, huit millions d'euros supplémentaires à la Réunion, en plus de 15 millions déjà investis, sachant qu'un repas coût 10 euros.
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- Un dispositif dont l'exclusivité n'est pas seulement réservée à la Région -
Mais si la Région Réunion a pu faire l'effort de mettre la cantine à un euro, alors pourquoi l'ensemble des communes ainsi que le Département ne le ferait pas ?
Si l'on pense – à tort – que la Région est la seule à avoir mis ce dispositif en place, c'est faux. Plusieurs communes, et même bien avant la Région, avait déjà mis en place la cantine presque gratuite pour les établissements de primaire et de maternelle.
Dans le chef-lieu par exemple, la cantine a un euro est déjà en place depuis 2015. "Nous avons été parmi les premiers à mettre cela en place", indique Claudette Clain, déléguée à la restauration scolaire de la mairie de Saint-Denis. "On a fait par tranche et pour l'heure, 80% des enfants ne paient pas ou très peu la cantine." Tout en sachant que la somme de un euro est versée par les parents seulement tous les trimestres.
"À l'époque – et encore maintenant – c'était la volonté de la municipalité de mettre cela en place pour que les classes moyennes puissent avoir du pouvoir d'achat et cela résonne d'autant plus aujourd'hui avec l'augmentation des prix", déclare Claudette Clain. "Ça permet aussi à l'enfant qui n'a qu'un seul repas, d'avoir un repas complet." Un dispositif rendu possible par la collectivité mais aussi grâce à l'apport financier de la CAF.
Autre commune, celle de Saint-Benoît. "Pour notre ville, la cantine est quasi gratuite – à peine quelques centimes d'euros le repas", indique la commune. "La mise en place de la gratuité se fait progressivement par tranche."
À savoir qu'en 2024, "toutes les tranches bénéficieront de la cantine quasi gratuite", ajoute la mairie.
À l'Entre-Deux, "la cantine est déjà à un euro pour tous les enfants de la ville". "Un dispositif qui est l'un des fers de lance de notre plan alimentaire territorial."
À Saint-Paul, cette mesure est appliquée depuis 2020. "Pour les familles les plus modestes, le seul repas équilibré et complet de la journée est parfois celui de la cantine. Ainsi, depuis août 2023, ce sont 6.535 élèves soit 56,4% des marmay qui bénéficient de la cantine à un euro sur le territoire de Saint-Paul. En effet, le contexte économique et géopolitique particulièrement difficile a des conséquences lourdes et concrètes sur les ménages saint-paulois, et Réunionnais en règle générale."
"C’est pourquoi la municipalité agit pour préserver le pouvoir d’achat de sa population et continuera à élargir cette mesure forte à d’autres tranches de familles jusqu’en 2026. Ce dispositif de soutien à la population a d’ailleurs permis de redistribuer 525 760 euros de pouvoir d’achat aux familles saint-pauloises", ajoute la commune.
Mais si certaines communes proposent déjà la cantine presque gratuite, d'autres n'y sont pas encore.
À Sainte-Suzanne par exemple, "nous avons une grille tarifaire pour la cantine mais elle n'est pas à un euro", répond la directrice de la restauration scolaire, Clarisse Merat.
- Cantine gratuite pour 21.000 collégiens -
Lycées, primaires… il reste les collèges, gérés par le Département.
Si l'ensemble des collégiens paient la cantine – à des prix variants en fonction des ressources des parents – certains bénéficient toutefois de la cantine gratuite.
"La restauration scolaire est déjà gratuite pour 60% des 35.000 demi-pensionnaires collégiens", indique le Conseil départemental. Ce qui représente 21.000 collégiens. Un chiffre même plus élevé que les 15.000 demi-pensionnaires en lycées qui paient un euro.
Le Palais de la Source expliquant que "le coût de revient d'un repas pour le Département est de huit euros" et que "les demi-pensionnaires non boursiers paient 1,33 euros s'ils mangent cinq jours par semaine au collège". Des tarifs gelés depuis 2011.
Par ailleurs, ce que déplore le Département – qui aimerait élargir ce dispositif – c'est que "le dispositif cantine à un euro découle d'une aide de l'État mise en place en 2019 pour les lycées uniquement mais le Département n'en bénéficie pas".
- À l'État maintenant d'agir... -
Le Département n'est d'ailleurs pas le seul à déplorer le fait que cette aide de l'État ne soit mise en place que pour les lycées. "Emmanuel Macron et le gouvernement devraient s'en inspirer pour cette rentrée", déclare Karine Lebon, députée.
"Un élève qui mange à sa faim est un élève plus concentré et qui apprend mieux."
"Il nous faut investir dans notre jeunesse, le principe de la cantine à un euro doit donc être étendu à l'ensemble des élèves des 1er et 2nd degrés de l'île. Certaines communes ont déjà mis en place des dispositifs similaires pour l'école primaire : à Saint-Paul par exemple, où je suis aussi conseillère municipale, nous avons fait en sorte que la cantine revienne à un euro par mois pour nombre de familles. Déjà plus 56% des élèves bénéficient de ce dispositif d'aide sociale et nous l'étendons progressivement à chaque rentrée scolaire afin que 100% des familles puissent y prétendre d'ici quelques années."
"Le courage politique et la bonne gestion des comptes publics permettent de telles mesures. Il est urgent que les familles de collégiens réunionnais puissent également voir le poids des frais de cantine diminuer. Les collèges étant gérés par le Département, ce dernier est le seul à pouvoir mettre en place ce type de dispositif. La Région a pris ses responsabilités, c'est au tour des élus du conseil départemental d'en faire autant", clame Karine Lebon.
Et pourquoi pas également l'élargir à tous les étudiants. "La précarité étudiante se fait de plus en plus sentir chaque année et en cette période de rentrée ce sont des milliers d'étudiants réunionnais qui se retrouveront en situation de précarité, affrontant à la fois inflation et crise du logement étudiant. Le gouvernement et les députés de la majorité présidentielle avait alors rejeté d'un revers de main cette mesure pourtant essentielle dans la lutte contre le décrochage et les inégalités. Nous reviendrons évidemment sur cette proposition pour faire en sorte que l'Etat soutienne massivement le Crous dans cette perspective", poursuit la députée.
"C’est une très bonne décision de la Région Réunion qui a lancé au mois d’août dernier cette opération le repas à 1 euro pour tous les lycéens de l’ile boursiers et non boursiers fréquentant les établissements publics", note le député Jean-Hugues Ratenon. "Trop peu d’élèves fréquentent en effet les cantines par manque de moyens."
"Je rappelle d’ailleurs, à cet effet, qu’au mois de février dernier, une proposition de projet de loi de nos collègues socialistes visait à instaurer le repas à 1 euro pour les étudiants. Proposition que j’ai votée mais rejetée à une voix près à l’Assemblée Nationale", ajoute-t-il.
"Pour revenir au repas à 1 euro à la Réunion, bien sûr qu’il faudrait l’étendre à tous les élèves dans les écoles et collèges. Premièrement, cela soulagerait des dizaines de milliers de familles car on ne peut pas nier l’existence de la pauvreté à la Réunion ; Deuxièmement cela permettrait d’offrir aux enfants un repas complet, de qualité et avec des produits péï. Troisièmement, elle permettrait de lutter contre l’obésité et le diabète notamment ; Et quatrièmement, elle assurera aux élèves de mieux manger et de lutter ainsi contre la malbouffe", ajoute le député.
"Mais pour cela et compte tenu de l’état des finances des collectivités, l’Etat doit accompagner financièrement les communes. Il n’y a pas à regarder à la dépense quand il s’agit de la santé de nos jeunes", conclut-il.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com