Cannabidiol

Ti pa ti pa, la filière CBD péi se structure

  • Publié le 6 janvier 2025 à 18:12

En pleine expansion un peu partout en Europe, le Cannabidiol (CBD) s'est exporté aussi à La Réunion. Si les boutiques se sont multipliées ces dernières années dans l'île, la production, elle, reste encore assez marginale. Une dizaine de producteurs s'est lancée dans l'aventure, avec son lot de difficultés. Mais ti ti pa, la filière CBD péi est en train de se structurer. Le producteur de Zerbaz nous a ouvert les portes de son terrain (Photos : sly/www.imazpress.com)

C'est à la Plaine-des-Cafres que Jérémy nous accueille. Au détour d'une route, ce qui était il y a encore quelque temps une exploitation de maraîchage et de volailles bio s'est transformée en plantation de CBD – bio, elle aussi.  

Alors que la saison cyclonique a débuté, seuls quelques plants sont encore visibles. Certains poussent librement, sans entretien, afin de déterminer si la variété pourrait convenir au climat réunionnais. D'autres, plus fournis et bien entretenus, finissent de maturer avant leur récolte.  

Lire aussi - Ce n'est pas du zamal, c'est du chanvre CBD péi et c'est légal

- La filière CBD se structure à La Réunion -

"La filière est jeune, on est donc encore dans des phases de tests pour déterminer quelles variétés sont les plus adaptées à notre climat", explique Jérémy, producteur de la marque "Zerbaz CBD".

Il faut dire que la chaleur et l'humidité ambiantes de l'été austral ne facilitent pas le travail des producteurs.

"Dès que la pluie arrive, on ne peut pas arriver à 100% de maturité de la fleur parce qu'elle risque de moisir avec l'humidité. On est donc obligé de récolter avant l'arrivée à maturité totale, ce qui fait qu'on n'a pas toutes les vertus, tous les goûts, toutes les odeurs qu'on aimerait avoir", détaille Jérémy.

Les cyclones impactent aussi les plantations, comme pour toute filière agricole. "Pendant Belal, j'ai perdu tout un carreau", souffle-t-il.

Et si l'hiver est le moment idéal pour cultiver cette plante, les difficultés persistent en raison du manque d'ensoleillement. Pas de quoi décourager Jérémy cependant, à l'instar de la dizaine d'autres producteurs présents dans l'île. Ils se sont d'ailleurs lancés dans une nouvelle association, appelée Hybride département, pour se structurer au mieux.

"La Réunion pourrait être une terre idéale pour la culture du CBD, si on avait des variétés adaptées", avance Jérémy. "Aujourd'hui, on est obligé de commander des semences de l'Union européenne, qui ne sont pas toutes adaptées au climat réunionnais", souligne le producteur.

Un problème sur lequel travaille la filière. "Il y a des recherches qui sont faites avec le Cannabinoïd Bourbon Research (CBR), pour arriver à faire des croisements de plantes qui auraient 0,3% de THC mais qui auraient la même façon de pousser que du zamal – le cannabis endémique de La Réunion." Ce qui faciliterait grandement la culture, mais "ça prend du temps, au moins trois à cinq ans".

- Des vertus thérapeutiques -

Mais le CBD, qu'est-ce que c'est ? D'un point de vue botanique, le CBD est l’un des constituants majeurs du chanvre (Cannabis sativa), aussi appelé cannabis. Les producteurs font pousser des variétés où la teneur en THC est inférieure à 0,3% - le taux maximum autorisé en France, pour n'en exploiter que le CBD.  

Dans les magasins, on peut aussi trouver du Cannabigérol (CBG), qui est une autre molécule qui constitue le cannabis, et qui est exploitée de la même façon que le CBD, généralement utilisée comme anti-inflammatoires.

Entre le moment où la graine est plantée à la récolte, comptez environ six mois. Il faut compter la germination, la cultivation des semis, les rempotages et le passage en terre. Les fleurs récoltées sont ensuite séchées avant d'être commercialisées, ou transformées.

Les fleurs sont ensuite analysées en laboratoire pour vérifier que la limite des 0,3% de TCH n'est pas dépassée. "Ça peut arriver de dépasser, et à ce moment-là je ne peux pas commercialiser la variété, donc je la détruis", précise Jérémy.

La plante peut ensuite être consommée en fleur à fumer, en tisane, en produit de vapotage, en cosmétique ou encore en aliment.

"C'est une alternative incroyable aux psychotropes", avance Jérémy. "C'est une plante de qualité gustative, et qui a énormément de vertus. On n'a pas encore le droit d'utiliser le terme de plante médicinale, mais on peut l'utiliser pour soulager quelques maux, comme l'anxiété, les douleurs, le manque d'appétit", détaille-t-il. "On peut aussi l'utiliser en alternative aux psychotropes, ce qui est très intéressant si on veut arrêter le zamal."



Aujourd'hui, Zerbaz propose des fleurs et des tisanes. Mais Jérémy vise haut, et veut se diversifier à l'avenir. "Je suis en pourparlers avec un laboratoire pour faire des extractions huileuses. J'aimerais aussi faire des gélules, des pommades, des produits pour les chiens…Il y a un spectre incroyable d'utilisation avec le CBD", avance-t-il.

Sur son exploitation, Jérémy multiplie les recherches pour trouver les croisements les plus intéressants. "Et ils sont secrets", sourit-il. "J'aime la recherche, même quand j'aurai déterminé ce qui marche le mieux pour La Réunion, je continuerai mes recherches", affirme-t-il.

Un problème – encore – se pose cependant : la filière n'est pas autorisée à faire des boutures. "C'est interdit, il faut faire marcher le business des graines, et donc recommander à chaque fois en Europe", peste-t-il.

"Quand je trouve la variété qui me convient, je ne peux pas bouturer, et je dois recommander au même producteur de graine. Mais si le producteur a changé son croisement, je repars à zéro".

- Les autorités veillent au grain -

Le lancement de la filière n'a pas été de tout repos. "Le gouvernement nous a mis beaucoup de bâtons dans les roues. Et il continue de le faire, à vrai dire", souligne Jérémy. "Il y a une vraie confusion entre le cannabis et le CBD, et les autorités veillent au grain."

Le producteur se rappelle d'une opération de contrôle sur son terrain, où la gendarmerie "était persuadée qu'(il) mentait". "D'apparence, c'est impossible de distinguer le CBD du zamal. J'ai dû leur dire de faire un prélèvement pour aller tester la plante en laboratoire, s'ils ne me croyaient pas", se rappelle-t-il, amusé.

Il faut dire que la France a usé de tous les moyens pour empêcher la légalisation de la vente des fleurs de CBD. Les vendeurs comme les producteurs ont dû composer pendant plusieurs années avec les tentatives du gouvernement à faire interdire la vente de ces dernières.

L'une des justifications se basait notamment sur l'apparence de la fleur, qui aurait pu porter les forces de l'ordre à confusion.

En décembre 2021, l'Etat avait d'ailleurs, par arrêté interministériel, autorisé la vente de produits dérivés du CBD d'une teneur en THC inférieure ou égale à 0,3%, mais interdit dans le même temps la vente des fleurs et feuilles de ce même cannabis à très faible dosage de THC.

Une décision annulée par le Conseil d'Etat le 29 décembre 2022, qui avait jugé sur le fond "disproportionnée l'interdiction générale et absolue de commercialisation à l'état brut" de cette substance.

"Il n'est pas établi que la consommation des fleurs et feuilles de ces variétés de cannabis avec un faible taux de THC comporterait des risques pour la santé publique", avait expliqué la plus haute juridiction administrative, jugeant "illégale l'interdiction générale et absolue de leur commercialisation".

Sur l'argument d'une impossibilité pour les forces de l'ordre de faire la différence en cas de contrôle entre les plantes pourvues ou dépourvues de "propriété stupéfiantes", qui compromettrait la lutte contre les stupéfiants, le Conseil d'Etat avait estimé que le taux de THC "pouvait être contrôlé au moyen de tests rapides".

Pour autant, "le gouvernement n'est toujours pas réglo sur la question", estime Jérémy. "On peut toujours être testé positif au THC et perdre son permis, alors qu'on a consommé uniquement du CBD. Et la substance reste active plusieurs jours dans la salive."

- CBD Cup -

 Malgré ces difficultés, Jérémy est confiant pour l'avenir de la filière. "On a un manque d'organisation aujourd'hui, mais on peut y remédier. La Réunion a un grand potentiel", assure-t-il.

C'est tout l'objet de l'association Hybrid Département, qui va d'ailleurs organiser une "CBD Cup" le dimanche 19 janvier prochain. Organisé dans le magasin Chop-chop de Saint-Leu, cet événement veut mettre en avant les variétés réunionnaises de CBD.

Quatre à cinq producteurs seront présents pour présenter leurs meilleures fleurs. Un jury d'expert sélectionné par l'association, ainsi que le public seront invités à voter pour la meilleure variété de CBD.

"On a un pack public jury, pour inviter les visiteurs à participer au vote via un questionnaire à remplir. L'entrée est libre pour les autres", indique Jérémy. L'occasion d'en apprendre plus sur le CBD et sa culture.

as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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6 Commentaires
Eve
Eve
4 semaines

https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/01/06/a-la-reunion-une-economie-de-comptoir-au-defi-de-l-ouverture_6483543_823448.html

Le Monde

Clio
Clio
4 semaines

Arrêtons l’hypocrisie de l’état ils nous emmerdent

Bonhomme
Bonhomme
4 semaines

THC ?
Merci de décoder...

Bonhomme
Bonhomme
4 semaines

André B

ben
ben
4 semaines

"En Europe, les premières drogues consommées et qui font le plus de dégâts sont des drogues licites, telles que l'alcool et le tabac, qui sont beaucoup plus consommées. Elles causent la mort de 80 000 personnes par an pour le tabac et près de 50 000 pour l'alcool. Il est important que nos politiques, qui pointent en permanence la responsabilité du consommateur, s'attardent également sur la responsabilité de l'État. La question de l'absence d'une véritable politique de prévention. De plus, concernant les drogues illégales, 10 % des consommateurs de drogue sont des usagers qui ont des problèmes avec ces substances, c'est-à-dire de dépendance. Cela veut dire que 90 % des personnes qui consomment des substances en France n'ont pas de rapport problématique à ces substances."https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/consommation-de-drogues-a-la-source-du-narcotrafic-5814118

Gege
Gege
4 semaines

Enfin