Exposition à Saint-Paul

Histoire, trésors, mythes… les pirates de La Réunion fascinent et intriguent

  • Publié le 20 août 2023 à 13:30
  • Actualisé le 21 août 2023 à 05:17

Depuis des années, les pirates de La Réunion questionnent, intriguent…, laissant même libre cours aux histoires fascinantes, poussant même certaines personnes à se lancer à la recherche des trésors (peut-être) cachés. Des pirates dont la ville de Saint-Paul narre les histoires passionnantes au cœur d'une exposition située au centre culturel Sudel Fuma. Alors, embarquez pour une aventure palpitante ! (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)

Il y a trois siècles, de 1687 à 1724, des capitaines forbans de renom ont accosté sur les rivages de l'île Bourbon (La Réunion). "Ils profitèrent parfois de l'occasion pour débarquer des dizaines d'hommes d'équipage en quête d'amnistie et de vie honnête", nous raconte William Cally, auteur-réalisateur et commissaire de l'exposition "Pirates de l'île Bourbon".

Nombreux de ces pirates ne partiront plus. "Ils se marieront et feront souche dans l'île, contribuant ainsi à son peuplement originel", nous dit-il.

En tout, au cours de ces quelques décennies, on dénombre neuf débarquements de vaisseaux pirates clairement identifiés. "Des recherches généalogiques ont par ailleurs permis d'exhumer des archives insulaires, pas moins d'une soixantaine de patronymes de ces forbans amnistiés et restés sur l'île."

"Une anecdote célèbre relate que le pirate anglais Henry Avery, surnommé le roi des pirates et à qui Daniel Defoe consacre un chapitre dans sa célèbre Histoire générale des plus fameux pirates, débarqua à Bourbon en 1695 avec 70 flibustiers couverts d’or. Une petite dizaine restera, bénéficiant d’une amnistie", précise Charles-Mézence Briseul, écrivain expert en pirates de la région, et guide lors de l'exposition.

Des pirates dont les descendants sont nombreux à La Réunion. Clain, Picard, Robert, Bachelier, Ducheman, Baillif, Léger… "Notre exposition entraîne les visiteurs dans cette fascinante enquête sur le peuplement insulaire, à la découverte de l’identité et de l’histoire de ces ancêtres pirates. C'est d'ailleurs souvent une surprise et une émotion pour les visiteurs réunionnais de se découvrir, au détour d'un panneau, un ancêtre pirate...", confie William Cally.

- "La Buse", un pirate entré dans la légende -

Parmi les pirates les plus célèbres, Olivier Levasseur dit "La Buse", dont la sépulture se trouve au cimetière marin de Saint-Paul.

"Son histoire, que j’essaie de retracer avec précision dans mon ouvrage La Buse, la biographie du plus grand pirate français, est littéralement incroyable", confie Charles-Mézence Briseul. "Né à Calais à 1695, Olivier Le Vasseur, dit La Buse, pirate dès 1716 dans les Caraïbes en multipliant les prises mais aussi les déconvenues aux côtés des plus célèbres capitaines pirates anglais tels que Benjamin Hornigold et Samuel Bellamy", précise l'écrivain.

"On retrouve ensuite La Buse dans le Golfe de Guinée puis dans l’océan Indien où il s’allie, entre autres, avec le capitaine pirate anglais Taylor. Les prises seront modestes et le sort s’acharnera sur les deux complices qui manqueront de mourir de faim et de soif après avoir été pourchassés des côtes de l’Inde et essuyé une terrible tempête. La Buse et Taylor parviennent à Bourbon en avril 1721, où par un hasard extraordinaire, ils surprennent un vaisseau portugais endommagé par la tempête en baie de Saint-Denis", conte l'auteur.

"À son bord, le vice-roi des Indes portugaises et surtout une cargaison exceptionnelle : de l’or, des pierres précieuses, des vases d’une très grande valeur…".

"S’ensuit une bataille haute en couleurs que les pirates remportent. "C’est l’une des prises les plus importantes de ce que l’on a appelé l’âge d’or de la piraterie. La Buse et ses complices se retirent alors à Madagascar puis se séparent. La Buse finira misérablement à Madagascar après avoir refusé l’amnistie du gouverneur de Bourbon et sera capturé en 1730 par le lieutenant Dhermitte qui le ramène à Bourbon où il sera jugé et pendu", poursuit l'homme passionné par les pirates.

"Auteur d'une multitude de pillages, ce pirate français s’est construit une solide réputation sous le surnom inquiétant et mystérieux de "La Buse", raconte celui qui est également le commissaire de l'exposition.

"Sa carrière de pirate est remarquable par sa longévité et par le nombre de ses prises", note Charles-Mézence Briseul.

Ce pirate est aujourd’hui entré dans la légende et dans le panthéon imaginaire des îles de l'océan Indien.

- Dans les secrets des pirates -

Un pirate qui renferme, quelques secrets, comme "le cryptogramme que La Buse aurait lancé à la foule avant de mourir avec des indications sur l’emplacement de son trésor", raconte Charles-Mézence Briseul.

"Après des recherches approfondies, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il s’agit d’un canular historico-littéraire, fort poétique au demeurant. On trouve la première mention du cryptogramme dans le livre de Charles de La Roncière, Le flibustier mystérieux, publié en 1934… Tout lecteur attentif de cet étrange petit livre ne pourra que percevoir l’humour et l’ironie de son auteur", précise l'écrivain.

Mais alors, ces pirates qui ont arpenté les mers de l'Océan indien et venu à La Réunion, ont-ils des trésors cachés, d'autres secrets ? Si l'on ne les connaît pas, "c’est peut-être qu’ils n’en ont pas !", souligne l'auteur.

"Tout l’imaginaire pirate est en grande partie hérité du dix-neuvième siècle et nous vient d’écrivains comme Edgar Allan Poe avec sa nouvelle Le Scarabée d’or ou Robert Louis Stevenson avec L’île au trésor. Le cinéma, par la suite, a largement contribué au développement de cet imaginaire romantique et libertaire. Le pirate ne cache pas de trésor, il s’empare d’un butin qu’il dépense le plus vite possible. Il faut donc essayer de faire preuve, autant que faire se peut, de pragmatisme et de logique pour tenter de comprendre les pirates qui sont avant tout des bandits qui jouent dans les marges du droit", poursuit Charles-Mézence Briseul.

- Des pirates qui fascinent par leur histoire -

Mais alors, pourquoi les pirates et surtout "La Buse" fascinent-ils toujours autant les Réunionnais ?

"La Buse" est mort à La Réunion en 1730. "Il est donc lié à notre île de manière viscérale et indéfectible. La fascination pour ce pirate, dont la figure et la légende ont traversé les siècles, trouve sa raison dans plusieurs choses selon moi", indique William Cally.

"La première chose, c'est que sa mort par pendaison a signé symboliquement la fin de l'ère des pirates occidentaux dans l'océan Indien - une période d'une cinquantaine d'années environ, -qui fut brève mais particulièrement palpitante." La seconde chose, "c'est que ce personnage historique conjugue pratiquement tous les poncifs imaginaires de la figure du forban. Avec La Buse, on va de l'aventurier extraordinaire au bandit des mers sanguinaire, en passant par le mythe d'un trésor caché... C'est assez incroyable !"

"La Buse" incarne donc véritablement la figure du Pirate par excellence", lance l'auteur-réalisateur de Kapali Studios.

"La Buse fascine en raison de la légende ou plutôt des légendes qui l’entourent : le trésor, le cryptogramme, sa fausse tombe dans le cimetière marin de Saint-Paul", note Charles-Mézence Briseul. "Beaucoup de personnes ont arpenté, et continuent de le faire, les ravines de La Réunion à la recherche de son trésor, la plus célèbre d’entre elles étant Bibique. Cela fait partie de la culture réunionnaise."

"Et si les pirates parlent à notre âme d’enfant, ils nourrissent également nos aspirations politiques. On les imagine épris de liberté, vivant loin des lois, recréant dans leur navire et sur leurs îles une société utopique. Le mythe de Libertalia, république pirate égalitaire qui aurait existé à Madagascar, est encore très vivace. La réalité était certainement très différente mais là n’est pas l’important. Les pirates nous aident à savoir qui l’on est et à connaître nos aspirations. La rigueur historique n’interdit pas aux mythes de vivre leur propre vie", conclut l'écrivain.

- Les pirates investissent l'espace culturel Sudel Fuma -

La ville de Saint-Paul – labellisée ville d'art et d'histoire - a d'ailleurs décidé de mettre ces pirates à l'honneur à l'occasion d'une exposition intitulée "Les Pirates de l'île Bourbon".

Une exposition qui prend place à l'espace culturel Sudel Fuma jusqu'au 3 septembre 2023 et ce, dans le cadre du 360ème anniversaire du peuplement de La Réunion, organisé en collaboration avec Kapali Studios.

L'occasion pour les Réunionnais de découvrir une collection inédite d'œuvres liées à l'univers des pirates.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Souvenir de légende
Souvenir de légende
1 an

Et qu'en est-il du fameux trésor de Bernardin Nageon de l'Estang qu'un certain Benoît Forestier avait découvert ? La conférence qu'il avait faite il y a des années était pourtant pleine de bons indices. A moins que ce fut une invention de ce soit-diant chercheur de trésor.
500 millions de pièces et de lingots d'or ne se refusent pas lorsque les indices sont là.
La DRAC n'a jamais donné l'autorisation à ce thouarsais pris d'hallucination, de creuser malgré des relevés de peintures qui déterminaient qu'ils étaient bien d'époque.
Peut-être une invention de toute pièce pour faire parler de lui ou alors un réel trésor qui ne verra jamais le jour.
Ce qui est sûr en revanche, c'est que ce chercheur de trésor a une vie faite de tas de contradictions. Blessé de guerre, mutilé alors qu'il est bardé de médailles sportives toutes plus étranges que les autres, des cicatrices de pirates qui apparaissent bien des années plus tard.
Peut-être un mythe aussi ce chercheur de trésor qui aujourd'hui à toujours à son actif de nombreuses histoires toutes aussi burlesques qu'invérifiables.
Un pirate moderne quoi !