Deux poids, deux mesures

Selon que vous serez une grosse ou petite entreprise, vos dettes seront effacées ou non

  • Publié le 19 octobre 2023 à 10:48

Réduction, voire effacement des dettes sociales et fiscales des entreprises en difficulté par l’État et les banques relèverait de l'utopie ? Pas vraiment. à La Réunion au cours des derniers mois ces créances ont été gommées pour un certain nombre de (grosses) sociétés. Sans surprise, cela a alimenté la frustration des petites et moyennes entreprises. Croulant sous les dettes, dans un contexte économique difficile, sans aide de l’État ou des banques, ces petites structures s'interrogent sur les raisons de cette "discrimination" (Photo photo RB imazpress)

À La Réunion, sur les six premiers mois de l'année 2023, près de 400 entreprises ne pouvaient plus faire face à leurs dettes, à leurs charges fiscales et sociales.

Alors ce mercredi 18 octobre 2023, des dirigeants de petites et moyennes entreprises ont pris la parole. Ils ont dénoncé la situation dans laquelle ces entreprises, artisans, indépendants se trouvent alors que l'inflation mine toujours plus leur trésorerie. Des entreprises pour lesquelles surtout, les dettes sont bel et bien là.

"Il y a un ras-le-bol général" lance Jean-François Maillot, dirigeant du CSAPR. "Au total, les PME totalisent 700 millions de dettes, 60% des entreprises sont impactées 15.000 contraintes à payer à l'encontre de dirigeants de PME et il n'y a aucune réaction de la part de l'État. On ne peut pas continuer comme ça" détaille-t-il.

"Pour de grosses entreprises comme Air Austral et Run Market, il a été possible d'effacer des millions d'euros dettes. Pourquoi cela ne serait pas possible pour nous" lâche ensuite Jean-François Maillot. "On peut effacer pour certains et pas pour d'autres", ajoute-t-il

"Nous sommes asphyxiés par l'Etat, nous avons trop de dettes et de charges" s'emporte Jean-Charles, chef d'entreprise."Il y a du boulot à La Réunion, il faut juste nous aider, nous les petites entreprises, comme on aide Air Austral, et Run Market" dit-il.

Lire aussi - Devant la préfecture : des dirigeants de PME réclament l'effacement de leurs dettes

- Des emplois à sauver -

Une situation alarmante des TPE-PME sur laquelle la Chambre des métiers et de l'artisanat avait alerté le ministre délégué aux outre-mer - Philippe Vigier - lors de sa venue. "J'avais demandé à Philippe Vigier de mettre en place des échéanciers plus longs pour que les entreprises puissent éponger leurs dettes", déclare Bernard Picardo.

Le président de la CMA qui avait également invité le ministre "à avoir un regard attentif sur les dossiers". "Si ces entreprises mettent la clé sous la porte ce sera difficile. On a besoin de garder ces entreprises car elles rendent service aux Réunionnais, elles ont des compétences, ce sont des services de proximité."

Ce que demande la Chambre des métiers et de l'artisanat, "c'est de ne pas abandonner les entreprises sur le bord du chemin".

Parlant sous couvert d'anonymat, le dirigeant d'une grande entreprise estime qu'"il ne s'agit pas d'opposer grands et petits mais de sauver des emplois".

Petits commerces, artisans, électriciens, bouchers… "les petites entreprises créent de l'emploi", lance pour sa part Younous Adame, président de l'ORTPE (organisation réunionnaise des très petites entreprises 974).

"Sauver des emplois à Air Austral et Run Market - deux entreprises prises en exemple par les dirigeants en colère -, c'est une très bonne chose, mais il faut aussi sauver les TPE." Et pour cela "il faut donner autant de facilités que pour les grosses enseignes", martèle le chef d'entreprise.

L'effacement des dettes d'Air Austral et d'autres grosses sociétés a permis de sauver des milliers d'emplois, reconnaît Younous Adame, "mais si on regroupe tous les petits commerces d'une commune, celle de la Possession par exemple, on arrive au même total de salariés que dans cette grosse entreprise" constate-t-il.

"L'État doit mettre en place un plan pour réduire les dettes de toutes les entreprises qu'elles soient grosses ou petites", insiste le président de l'ORTPE.

- "Il faut accompagner les entreprises -

Chaque jour, chaque matin, des femmes et hommes de petites et moyennes entreprises "se cassent en deux pour remplir leurs obligations, il faut les aider", remarque Raymond Vaitilingom, secrétaire général de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb).

"Il faut trouver des solutions, accompagner nos entreprises qui se trouvent aujourd'hui dans une économie dégradée", souligne-t-il. "Il ne faut pas les laisser seules. On n'a pas demandé à vivre cette situation", note Raymond Vaitilingom.

"À situation exceptionnelle, mesures d'accompagnement exceptionnelle" dit-il encore en citant l'exemple du prêt garanti par l'État (PGE). Le dispositif avait été mis en place lors de la crise sanitaire pour aider les entreprises à faire face aux difficultés engendrées par le covid. L''État avait alors parié sur un fort rebond de l'économie après la récession liée à la pandémie. Cela n'a pas été le cas, c'est même l'inverse qui s'est produit, "mais les entreprises doivent néanmoins tout rembourser" déplore Raymond Vaitilingom.

"Nous avons toujours milité pour un délai plus long de cinq à six ans pour accompagner les artisans dans le paiement de leurs dettes sociales" rappelle le secrétaire général de la Capeb. "Compte tenu de la morosité de l'économie et de l'inflation, il n'est pas possible de nous imposer un calendrier sur 24 mois."

"Nos entreprises créent de la richesse, elles ont besoin d'être accompagnées sinon c'est l'effondrement de cette catégorie sociale et professionnelle", note la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment.

- 400 entreprises en grandes difficultés en 2023 -

À La Réunion – tout secteur d'activités confondu (industrie, BTP, commerce, transport…) – depuis le début de l'année 395 entreprises ont été défaillantes, indiquent les chiffres de l'Insee.

Une entreprise est en situation de défaillance ou de dépôt de bilan à partir du moment où une procédure de redressement judiciaire est ouverte à son encontre. L'ouverture de cette procédure de redressement judiciaire intervient quand l'entreprise est en situation de cessation de paiements et qu'elle ne peut donc plus faire face à ses dettes.

Les statistiques de défaillances d'entreprises couvrent l'ensemble des jugements prononçant soit l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire soit directement la liquidation judiciaire. Il n'est pas tenu compte de l'issue des procédures : liquidation ou redressement par continuation ou reprise.

Ces difficultés risquent d’avoir de lourdes répercussions sur l’emploi. Elles sont susceptibles d’engendrer la suppression de milliers de postes.

Lire aussi - Inflation : il y a (de plus en plus) d'écart entre le lèche-vitrines et le passage en caisse

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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4 Commentaires
charif
charif
1 mois

Cela serait trop simple d'effacer les dettes des entreprises d'un claquement de doigt sinon tout le monde serait chef d'entreprise.Il faudrait déjà différencier les entreprises en difficultés involontairement et celles qui l'ont organisés par une mauvaise gestion ou en confondant comptes de l'entreprise et comptes personnels.Il faudrait parler aussi de certaines associations qui sont des entreprises déguisées et ne paient aucun impôt

Ded
Ded
1 mois

Pourquoi? mais regardez qui possède ces grosses boites , qui sont les actionnaires et qui sont les politiques qui font partie des conseils d'administrations et autres assemblées où on se cooptent , on se connait , on s'allie ( quand on ne se marie pas ensemble pour augmenter les revenus). Bref qui sont les gens ( de droite comme de gauche si cela veut encore dire quelque chose) qui caressent les ministres et le président ( porte parole du CAC40 ne l'oublions pas)?

Contribuables
Contribuables
1 mois

Ils y en ont qui vivent au dessus de leurs moyens et qui ce comparent à des entreprises comme air Austral ou run market arrêter pas question à nous de payer pour vous. Vous allez voir au fil du temps que ce responsable pense qu à son bien être

Yvan
Yvan
1 mois

Effacer la dette sous certaines conditions,car des chefs d' entreprises mènent grand train de vie,ils ne s en privent pas berlines de haut de gamme voyage etc,ce n est pas au contribuable de passer à la caisse.