L'île aux parfums a soif

Mayotte : une crise de l'eau aussi prévisible que le manque d'action de l'Etat

  • Publié le 30 août 2023 à 09:29
  • Actualisé le 30 août 2023 à 10:14

Imaginez un département où vous n'auriez de l'eau courante qu'un jour sur trois. Imaginez que cette eau, une fois de retour, ne soit pas potable. Imaginez, en plus, que cette situation aurait pu être anticipée depuis des années. N'importe où en France, cela aurait fait scandale. La situation aurait fait l'ouverture des journaux télévisés nationaux, la Première ministre se serait sûrement exprimée sur la question, une cellule de crise aurait été ouverte dans la foulée. Oui, mais voilà : cette situation existe bien, seulement elle concerne Mayotte. Pas de quoi fouetter un chat donc, semble-t-il (Photo : rb/www.imazpress.com)

Que reste-t-il du "plan eau" mis en place par Annick Girardin, ministre des Outre-mer entre 2017 et 2020 ? Pas grand-chose, apparemment. Lancé en 2017, quelques mois après une grave crise de l'eau dans l'île aux parfums, ce plan à hauteur de 17 millions d'euros devait "sécuriser et augmenter la ressource en eau" dans le département. Mission – très – loin d'être réussie.

Ce plan est aussi la preuve que la catastrophe qui se profile était largement anticipée. Mais que les moyens à mettre en place pour l'arrêter ont été grossièrement sous-évalués. Comment expliquer sinon que la même situation qu'en 2017 se reproduise, en pire ?

Un début de réponse se trouve peut-être dans les défaillances de la Société mahoraise des eaux – filiale de Vinci - qui assure la gestion de l'eau dans le territoire, selon la députée Estelle Youssoupha.

"Une extension (de l'usine de dessalement de Petite-Terre ; ndlr) estimée à 7,5M d'euros et livrée en 2018 devait fournir 4 800 m3 par jour et permettre à l'usine de produire au total 5 300 m3 par jour. Or depuis sa livraison, pour un défaut de calibrage de la zone de pompage en mer (eau trop turbide), elle n'a jamais fourni la production escomptée" dénonçait-elle déjà en mars dernier.

Le gouvernement a bien proposé quelques solutions (création de l'usine de dessalement à Grande-Terre, travaux pour l'usine de Petite-Terre), mais elles concernent surtout le long terme. Pour le court terme, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure, avait assuré que "le Gouvernement se tient évidemment prêt à agir et à réagir, en lien étroit avec les acteurs locaux, en cas de sécheresse importante".

Les Mahorais.es attendent toujours. L'unique mesure prise pour l'heure consiste en un blocage des prix de l'eau jusqu'à la fin de l'année. Bouteilles dont l'achat est limité à trois packs par passage en caisse. Et l'attention au niveau national ne commence qu'à peine à émerger, en grande partie grâce aux habitants qui se sont saisis des réseaux sociaux ces derniers jours pour alerter sur la situation. Le hashtag #MayotteASoif fait son bout de chemin sur X (anciennement Twitter), et les médias semblent enfin s'intéresser au sujet.

Ce que le gouvernement, lui, a fait ces derniers mois, c'est investir dans une opération d'expulsion massive au coût inconnu mais probablement faramineux. Une opération qui a tout d'un échec pour l'heure, alors que les destructions d'habitats illégaux suivent difficilement leur cours et que les expulsions restent finalement assez limitées.

Et l'opération Wuambushu est loin d'être terminée. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, a en effet promis une "nouvelle formule" pour septembre. Espérons qu'il emmènera dans ses valises de réelles solutions – et pourquoi pas des bouteilles d'eau.

www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Mike
Mike
1 an

Il est étonnant que nous parlions toujours des mêmes problèmes

Ded
Ded
1 an

Y a -t-il une seule société de fermage des eaux qui anticipe quoi que ce soit? NON
Y a-t-il une seule société qui entretient préventivement ses réseaux? NON
Toutes ces sociétés , créées avec la bienveillance voire la complicité de l'état et de ses pseudo serviteurs de l'état ne sont là que pour dégager du fric afin de verser des dividendes aux actionnaires...
Il faut attendre des pénuries comme à Mayotte , ou de belles fuites géantes et des déperditions énormes en eau sur les réseaux pour que ces gens se bougent..
Autrefois , lorsque les municipalités géraient l'eau , le réseau fonctionnaient , les prix étaient décents , la preuve , toutes les grandes villes qui ont su (voulu ,surtout) récupérer la gestion des eaux arrivent à faire baisser les coûts tout en remettant les réseaux laissés à l'abandon depuis la privatisation de la distribution!
Faudra qu'on m'explique pourquoi!