50.000 futurs retraités impactés

Réforme : ils comptaient partir à la retraite dans quelques mois, c'est raté

  • Publié le 25 janvier 2023 à 08:30
  • Actualisé le 25 janvier 2023 à 15:23

Alors que la contestation se poursuit, le lundi 23 janvier 2023, le gouvernement l’a annoncé, il restera « inflexible » sur la réforme des retraites. Pourtant, cette réforme et notamment la hausse de l’âge légal de départ dès septembre, n’est pas sans conséquences pour de nombreux Français. Parmi eux, 50.000 personnes obligées de revoir leurs plans et de décaler leur départ à la retraite cette année. (Photo Gramoune en Capeline Photo RB imazpress )

Josy L., 60 ans, travaille dans le milieu social depuis l’âge de 19 ans. « Au 1er octobre 2023 j’ai mes 168 trimestres, plus mes cinq trimestres fait avant l’âge de 20 ans, nécessaires pour pouvoir partir convenablement à la retraite » dit-elle. Congés posés, jours épargnés, Josy s’apprête donc à partir dès le 1er mars 2023. « Mon but était de partir plus tôt car j’estimais que j’avais fait mon nombre d’années et que le travail étant devenu très difficile, je voulais partir », précise Josy. Toutefois, cela, c’était avant… Avant la réforme des retraites annoncée par le gouvernement.

Peu de temps avant la grande mobilisation du 19 janvier 2023, Josy tombe des nues. La future retraitée se rend compte qu’avec le projet de loi de l’exécutif, elle est directement impactée. « Là c’est la grosse panique, qu’est-ce que je vais devenir, qu’est-ce que je dois faire par rapport au mois de mars », s’alarme-t-elle.

Dans le projet de réforme, et pour les carrières longues, rien n’est prévu. Rien sauf, un dispositif « carrières très longues » avec un départ à 61 ans, concernant seulement les personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans. Pourtant Josy, 60 ans, travaille depuis l’âge de ses 18 ans. Si cela n’est pas une carrière déjà longue, on ne voit pas ce que c’est.

Après simulation de calcul de son âge de départ à la retraite, Josy est donc contrainte de partir à 62 ans. La travailleuse sociale part donc rencontrer sa responsable des ressources humaines pour savoir quoi faire, puisqu’à la place d’octobre 2023, son départ serait repoussé – après calcul – à avril 2024. Ce à quoi on lui a répondu qu’elle pouvait tout à fait maintenir son plan de départ. « Mais si je pars, entre octobre et avril 2024 je suis quoi ? », s’inquiète-t-elle. « Si je pars en octobre je ne suis plus salariée de mon organisme mais en même temps jusqu’en avril 2024 je ne suis pas non plus retraitée. » Pour Josy qui avait déjà imaginé des projets pour sa retraite, c’est la panique. « Je passe par le chaud, le froid, je dois prendre une décision vite et psychologiquement c’est très difficile. »

D’autant plus difficile que Josy avait déjà fait des plans pour son avenir et envisageait de partir couler des jours tranquilles en dehors de l’île. « J’ai même vendu ma maison », dit-elle.

Ce qu’elle ne comprend pas par contre, c’est l’envie du gouvernement de mettre en application cette réforme tout de suite, comme si l’urgence le justifiait. « Pourquoi il n’y a pas de période de transition », s’insurge-t-elle. « C’est inhumain, le gouvernement ne pense pas aux personnes qui avaient déjà planifié de partir. »

Ce qui est certain, c’est que face à une telle situation, Josy sera de nouveau dans la rue le 31 janvier 2023, date de la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites.

- Travailler toute sa vie, mais à quel prix ? -

Décaler sa date de départ à la retraite pour pouvoir partir convenablement et avec un salaire suffisant est donc obligatoire pour de nombreuses personnes.

À La Réunion, les retraités perçoivent les pensions de retraite les plus faibles des régions françaises. Difficiles donc pour ces gramounes qui ont travaillé dur toute leur vie de vivre décemment.

Joëlle, sexagénaire, a travaillé comme aide-ménagère durant sa vie. Un travail mis entre parenthèse avec l’arrivée de ses enfants. Chaque mois, chaque semaine, la gramoune compte ses sous. Chaque sortie dans les magasins ou au supermarché est calculée. Quand vient le moment des courses, Joëlle mise sur les produits pas cher : le riz, le grain, les brèdes, les sardines et pour le soir, une petite soupe. Et pourtant, malgré sa petite retraite, Joëlle aime faire plaisirs à ses enfants et petits-enfants, préparant chaque jour un délicieux repas. En situation de grande précarité, cette gramoune qui touche à peine 800 euros par mois, peut compter sur ses enfants pour l’aider. Sans eux elle le dit, « mi koné pa komen mi noré fait pou vivre ».

Jean-Pierre lui, vit avec à peine 900 euros tous les mois. Et ce, malgré ses 44 années de cotisations dans le milieu hospitalier. « Je ne touche que 900 euros et pourtant, comme je suis propriétaire, je n’ai pas droit a beaucoup d’aides pour m’épauler financièrement. »

Vivre avec de tels revenus après des années à travailler, est inconcevable. À La Réunion, les retraités touchent en moyenne 1.110 euros brut par mois. Soit moins que le seuil de pauvreté fixé à 1.130 euros. Des pensions de retraite qui sont les plus faibles des régions françaises, de l’ordre de 28% de moins que dans l’Hexagone. La pension, sans les aides, s’élève à 930 euros brut en moyenne par mois. Mais que voulez-vous faire avec une telle somme. Comment ces gramounes peuvent vivre dignement avec cette pension, alors que l’inflation ne cesse de croître.

- Une espérance de vie envolée -

C’est d’ailleurs pour cela que de nombreux seniors tardent à partir à la retraite. En 2016, selon l’Insee, 22% des retraités sont partis à 65 ans contre 15% dans l’Hexagone.

Mais retarder, encore et encore l’âge de départ à la retraite pour ces personnes est « inhumain ». « Inhumain », sachant qu’à La Réunion, « les gramounes à partir de 50 ans sont dans un état de santé plus dégradé que les gens de métropole », martèle la Fédération générale des retraités de la fonction publique.

« Nous vivons plus longtemps et donc, nous devons travailler plus longtemps et partir à la retraite plus tard » avait clamé Emmanuel Macron en 2021. S’il est vrai que l’espérance de vie s’allonge à en France, avec une moyenne de 85,3 ans pour les femmes et 79,2 ans pour les hommes, en revanche pour la santé on repassera. Pour les femmes elle l’espérance de vie en bonne santé est de 65,4 ans et de 63,9 ans pour les hommes.

Alors comment travailler en bonne santé jusqu’à 64 ans ?  Devoir partir si tard par manque de moyens, jusqu’à se rendre malade, à quoi cela sert si on ne peut même pas profiter de ses quelques années de retraite ?

Pour les femmes, la situation est d’autant plus inquiétante. Le ministre Franck Riester l’a d’ailleurs reconnu, « les femmes sont un peu pénalisées par le report de l’âge légal ». Les femmes, à l’arrêt pendant leur congé maternité, ne cotisent pas pour leur retraite. Un manque de cotisation qui fait que les femmes touchent environ 40% de moins que les hommes pour leur pension.

Toutefois, selon les dires de Franck Riester, cela devrait changer avec la réforme. « Des périodes de congé parental seront à l’avenir prises en compte », une mesure « « plus juste pour les femmes », selon le gouvernement.

Lire aussi : Saint-Denis : plus de 2.000 personnes dans la rue pour dire non à la réforme des retraites

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

guest
0 Commentaires