La Réunion relativement épargnée

Les refus d'obtempérer augmentent, les tirs des forces de l'ordre aussi

  • Publié le 20 juin 2023 à 08:24

Ce mercredi 14 juin 2023, un automobiliste a été tué non loin d'Angoulême par le tir d'un policier après un refus d'obtempérer. Un décès qui intervient alors que la police dénonce une hausse des refus d'obtempérer lors des contrôles routiers. Ce week-end, se sont également trois policiers qui ont été blessés à Aubagne après un refus d'obtempérer. D'après les syndicats, "il y a un refus d'obtempérer toutes les vingt minutes en France". Mais est-ce que chaque refus d'obtempérer doit se terminer en drame ? L'utilisation de l'arme est-elle toujours justifiée ? Si à La Réunion, les refus d'obtempérer sont également de plus en plus fréquents, notre département n'a pas encore connu – fort heureusement – de drame de ce genre (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)

À La Réunion, "il y a plus de refus d'obtempérer qu'auparavant", déclare Stéphane Lebreton d'Unité SGP Police FO. De fait, selon les chiffres des contrôles routiers, au moins un délit de ce type se produit chaque semaine. À noter que ces infractions sont couplées à une hausse des violences de tels que des outrages et rébellion envers les forces de l'ordre.

Il n'y a qu'à regarder ce week-end du 16 au 18 juin 2023, au total, 789 infractions ont été constatées par les effectifs de la police et de la gendarmerie, dont trois refus d'obtempérer.

"Les refus d'obtempérer sont toujours un fléau à La Réunion", déclare de son côté Idriss Rangassamy d'Alliance Police 974.  "Des collègues se sont même mis en danger pour intercepter des véhicules où les personnes ne voulaient pas se soumettre au contrôle", dit-il.

Dans notre département, sur le secteur gendarmerie, on note en 2021, 184 refus d'obtempérer et 146 en 2022. Côté police, les données chiffrées n'ont pas été fournies.

Le nombre de ces faits reste moins élevé que dans l'Hexagone, mais selon les forces de l'ordre cela s'explique surtout par l'étroitesse du territoire. "Certains n'ont pas compris que l'on est sur une île et qu'avec le temps on finira par les retrouver et là, la sanction sera plus sévère", commente Idriss Rangassamy.

"Les gens ont du mal à prendre conscience de la dangerosité de leur inconscience tant qu'ils ne sont pas touchés directement. Ça peut arriver de fauter, mais il fait aussi accepter la sanction" dit-il.

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- Alcool, stupéfiants, défaut d'assurance... les automobilistes préfèrent fuir -

Alcool, zamal, défaut d'assurance, de permis… nombreuses sont les raisons pour lesquelles ces automobilistes préfèrent prendre la fuite plutôt que de se confronter aux forces de l'ordre, et ce, en dépit de la loi.

En ce qui concerne les assurances, entre le début de l'année et le 31 mai 2023 à La Réunion, la police a constaté "plus de 660 infractions contre 542 sur la même période en 2022, soit une augmentation de 23%" a indiqué la préfecture. Côté gendarmerie "on constate une stabilité et un haut niveau d'infractions : 623 faits cette année".

Les jeunes sont par ailleurs les principaux concernés par les défauts d'assurance. "Il apparaît en effet que la moitié des conducteurs pris en défaut d'assurance ont moins de 30 ans" regrette le Fonds de garantie des victimes.

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En juillet 2022, un conducteur a été contrôlé du côté de Saint-Paul sous l'emprise de stupéfiants après avoir refusé d'obtempérer. Intercepté, il s'est avéré qu'il conduisait sans assurance.

Le 23 octobre de la même année, à Saint-André, un conducteur a refusé le contrôle et a pris la fuite. Dans sa course, l’automobiliste a heurté plusieurs véhicules dont celui de la BAC (Brigade anticriminalité).

Le 20 décembre, c’est un autre refus d’obtempérer qui aurait pu virer au drame. Alors que les gendarmes souhaitent l’interpeller, le conducteur accélère et refuse de s’arrêter. S’en suit alors une course-poursuite à plus de 180 km/h dans le flux de circulation sur la RN1. Toutefois, il perd le contrôle de son véhicule et percute un trottoir. Ne perdant pas espoir, le conducteur tente de s’enfuir en courant. Il est rapidement attrapé et placé en garde à vue.

Des accidents qui n’ont pas fait de victimes, mais ne sont pas sans rappeler le drame qui avait eu lieu au Chaudron (Saint-Denis) en 2019. Une course-poursuite avait viré au drame et entraîné la mort d’un homme d’une cinquantaine d’années, percuté par la camionnette des fuyards.

Mais est-ce à dire que les automobilistes n'ont "plus peur de rien" ? Pas forcément mais "les méthodes sont de plus en plus violentes", déplore Stéphane Lebreton d'Unité SGP Police.

Face à ce refus d’obtempérer, "une réponse pénale est nécessaire", souligne les forces de l’ordre. "Malheureusement derrière, ces personnes sortent libres du tribunal", déclare le secrétaire d’Alliance Police 974.

Des forces de l'ordre qui insistent sur la nécessité de faire en sorte "que des peines plus fortes soient prévues par le code pénal envers l'auteur", ajoute le syndicaliste.

"La police ne peut pas éradiquer cela toute seule, il faut un travail de prévention en amont."

- Refus en hausse et tirs de policiers en hausse -

Parallèlement, les tirs policiers sur les véhicules en mouvement ont augmenté, ce que les syndicats de police attribuent à la hausse des refus d’obtempérer.

Automobilistes plus violents, forces de l'ordre sous tension – si La Réunion a pour l'heure échappé au pire, dans l'Hexagone, plusieurs refus d'obtempérer ont viré au drame.

Le dernier en date, nous l'évoquions, ce jeune de 19 ans tué par balle lorsqu'un policier a fait feu après son refus d'obtempérer.

Mais alors, l'usage de l'arme lors de ces faits est-il de plus en plus utilisé ? Est-ce le seul moyen pour les forces de l'ordre de se faire respecter ?

"Le policier peut faire feu qu'en cas de légitime défense et quand une vie est directement en danger", nous explique Stéphane Lebreton. "Quand l'automobiliste fonce sur le collègue – qui n'a pas le temps de se défendre – on peut faire feu, de même que si l'automobiliste fonce sur un badaud."

"La force est utilisée afin de stopper la double infraction – refus d'obtempérer et la rébellion – et aussi permettre de sauver des personnes", ajoute Idriss Rangassamy d'Alliance Police nationale.

"Nous sommes régis par des textes dont la légitime défense est le volet proportionnalité est un critère fondamental", ajoute-t-il. Et ce, par le biais de l'article 435-1 alinéa 4 du code de la sécurité intérieure qui lui permet de tirer sur les occupants d’un véhicule "susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui".

Après "beaucoup oublient que derrière la tenue de policier se trouvent des hommes et des femmes, souvent père ou mère de famille qui ne sont là que pour faire respecter la loi", indique Idriss Rangassamy. "Ce ne sont pas eux qui prennent la décision de se soustraire au contrôle et de mettre en danger la vie d'autres personnes. Il ne faut pas inverser les rôles." "Certes c'est dramatique et c'est très mal vécu par les collègues et la famille, mais qui a voulu ça ? À un moment donné il faut savoir s'arrêter. Certains veulent repousser leur limite et prennent des risques énormes", conclut-il.

- Usage des armes excessifs ou laxisme de la justice ? -

Pour Jasmine Hoefler, juge et membre du syndicat de la magistrature, "ce qui est certain, c’est que cet usage est très strictement encadré et le refus d’obtempérer constitue en lui-même un délit régulièrement poursuivi". Elle note toutefois que "à la Réunion, rare que les forces de police fassent usage de leurs armes dans cette hypothèse".

Toutefois, il arrive parfois que l'usage de la force, d'une arme ou d'un véhicule ne soit pas forcément proportionné. "Dans une de mes affaires, les gendarmes ont fait usage de leur véhicule pour percuter un jeune en scooter qui refusait de s'arrêter. Pour nous, il a été percuté de manière disproportionnée", déclare Maître Aurélien Rochambeaud, spécialiste du droit routier. Une affaire toujours en cours avec une plainte déposée et constitution de partie civile.

À part cela, "on a rarement usage des armes de façon disproportionnée", ajoute l'avocat.

L'avocat répond également sur le volet de la loi. Si les syndicats jugent que la "réponse pénale est insuffisante", Maître Rochambeaud explique que de nombreux textes existent déjà. "Il y a plusieurs articles du code qui répriment les comportements violents mais après se pose la question de l'application des textes par les magistrats, cela dépend de chaque cas de figure", ajoute-t-il.

"Chaque auteur a un passé différent. Se pose également la question de la récidive ou pas. Est-ce que l'on a besoin de mettre en prison l'auteur pendant 20 ans, pas sûr. Mais c'est un sujet délicat", conclut Maître Aurélien Rochambeaud.

Il n'est d'ailleurs "pas certain qu'il faille aggraver les textes d'origine".

Concernant l'usage de l'arme par les policiers régit par l'article L-435-1 du code de la sécurité intérieure, c'est "un texte qui règlemente l'usage de manière générale des armes par les gendarmes et policiers, mais un texte controversé notamment pour ce qui concerne les refus d'obtempérer", indique un avocat du barreau de Saint-Pierre.

La définition ainsi que les sanctions passibles en cas de refus d’obtempérer sont définies dans l’article L233-1 du Code de la route. Cet article spécifie que "le fait pour tout conducteur d'omettre d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité est puni d'un an d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende.”

Des peines nettement plus lourdes pourront être retenues contre les conducteurs dont le comportement aura mis en danger la vie des autres usagers de la route. Ainsi, la peine de prison pourra être ramenée à 5 ans, assortie d’une amende pouvant atteindre jusqu’à 750.000 euros et d’une suspension totale du permis de conduire (sans aménagements liés à l’activité professionnelle de l’usager condamné).

En 2022, en France, les refus d'obtempérer ont provoqué la mort de 13 personnes. La même année, cinq policiers ont été mis en examen dans le cadre des 13 dossiers de tirs mortels sur une voiture en fuite. Les autres ont été libérés sans poursuite à ce stade.

En 2021, 5.247 refus d’obtempérer "avec risque de mort ou de blessures" ont été recensés, selon les derniers chiffres de la Sécurité routière. Une hausse de 88% depuis dix ans, avec une nette accélération depuis 2018 (+64%).

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
HULK
HULK
1 an

Les "bien-pensants" vous affirmeront que les actes de violence ne sont pas en augmentation. Ben voyons! La lâcheté par la négation et le mensonge.

CHABAN
CHABAN
1 an

Mais est-ce que chaque refus d'obtempérer doit se terminer en drame ?

Merci imaz, tout est dit dans cette très belle question.

Il y a une réponse du fonctionnaire syndiqué intéressante: il parle de se soumettre

Voilà voilà voilà....