Ils peinent à recruter

Restauration, commerces, BTP : La Réunion manque de main-d’œuvre

  • Publié le 5 janvier 2023 à 11:54
  • Actualisé le 5 janvier 2023 à 16:33

À La Réunion comme dans l'Hexagone, le secteur de la restauration et de l’hôtellerie se trouvent dans une situation tendue. Tendue puisque depuis des mois, le manque de salariés se fait sentir, le Covid étant passé par là. Le chef Thierry Marx a d’ailleurs lancé l’alerte évoquant l’absence de plus de 200.000 postes en France. Un constat inquiétant mais qui concerne plus de secteurs que l’on ne le croit. (Photo : rb/www.imazpress.com)

Dans la restauration, 200.000 postes sont vacants. « On a énormément de mal à recruter », nous confiait Christian Wolff, gérant du groupe hôtelier « Côté Sun hôtels » et président de l’Union des hôteliers de La Réunion (UHR).

« Il y a une grande démission des gens du métier » nous dit-il. Et ce, en raison de la crise sanitaire mais également des conditions de travail. « Beaucoup de gens ont voulu changer de métier, de mode de vie », indique-t-il.

Le secteur de l'hôtellerie-restauration manque donc de personnels. « On manque de cuisiniers, de serveurs de barmans, de tout… », note le président de l'UHR. « On trouve également moins de personnels qualifiés. » Il n’y a d’ailleurs qu'à jeter un petit coup d’œil au site de Pôle-emploi Réunion pour voir le nombre d’offres disponibles.

À la Villa Fleurié, dans les hauts de Bellepierre à Saint-Denis, "les difficultés de recrutement sont les mêmes ici à la Réunion depuis près de deux années, post Covid et se sont amplifiées en 2022". "Les raisons sont multiples et malheureusement ne s’amélioreront pas dans les années futures si les professionnels de la restauration et aussi de l’hôtellerie ne se remettent pas en question", note l'établissement.

Premièrement, "les salaires sont trop bas dans notre profession, même avec des diplômes importants et également malgré l’expérience de plusieurs années dans le métier". Deuxièmement, "les conditions de travail sont très compliquées, souvent des journées de travail en coupure midi et soir, le week-end, travail de nuit, fêtes calendaires tout au long de l’année". Autre point qui coince, "les prix des logements même ici à La Réunion sont très élevés, surtout sur la côte Ouest près des hôtels et resorts de plage, et qui est un haut lieu du tourisme réunionnais".

Si encore il n'y avait que cela. La liste que dresse la Villa Fleurié pour expliquer le manque de main-d’œuvre est encore longue. "Il y a un vrai manque de formation et d’intégration des nouveaux collaborateurs embauchés et dont l’encadrement demande parfois une efficacité immédiate", déclare le responsable du restaurant.

"Beaucoup de contrats de travail sont précaires, on propose peu de CDI, souvent des CDD ou des contrats saisonniers qui s’enchainent, avec même des périodes d’extra entre deux contrats, donc peu de stabilité et de vision pour un collaborateur". De plus, "trop peu d’établissements de restauration ou d’hôtellerie proposent des primes d’intéressement ou de participation à leurs collaborateurs" et "très ou trop peu d’établissements proposent un logement comme cela se fait beaucoup sur la côte d’Azur ou en saison d’hiver en montagne".

"Nous avons pris le parti dans notre établissement Villa Fleurié de proposer des salaires très confortables (30% à 40% au-dessus de la moyenne des salaires de la profession) et nous ne proposons que des CDI chez nous", ajoute le responsable de l'établissement, espérant donc rendre plus attractive la profession.

Anthony Lesprit, associé-propriétaire de la franchise les Burgers de Papa à La Réunion reconnait également que la situation est tendue. « Le recrutement est assez compliqué », nous dit-il. « On essaye au maximum de recruter en interne pour faire évoluer les personnes et ont fait appel à la mission locale et à Pôle emploi pour pallier ce manque », ajoute Anthony Lesprit.

https://www.youtube.com/watch?v=rdJvYZAxLWQ

Ce manque de personnel, le gérant des Burgers de Papa le ressent depuis la crise sanitaire. « Et on sent que ça ne s’améliore pas », conclut-il.

- L'hôtellerie-restauration ne séduit plus les travailleurs -

L’une des raisons de ce manque de mains-d’œuvre, l’attractivité. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) déplore 200.000 postes vacants, en raison d'une difficulté à "retrouver l'attractivité" dans les professions liées à la restauration.

Les conditions et le rythme de travail sont rédhibitoires pour de nombreux salariés. Ajouté à cela un salaire peu attrayant et donc de nombreux postes vacants. Pourtant, la grille des salaires de la profession a été revalorisée de 16,5 % en début d’année par les organisations professionnelles (GNC, GNI, SNRTC et Umih). Mais cela ne suffit pas.

Le chef étoilé Thierry Marx affirme que les restaurateurs ne veulent plus d'un "rapport sacrificiel au travail". Les gens ne disent pas qu'ils sont mal payés (...) ils disent qu’ils veulent planifier leur vie autrement, qu'ils veulent garder du lien social", rapporte-t-il. « Les gens ne veulent plus travailler le soir, le week-end ou en coupure."

https://twitter.com/RTLFrance/status/1607630454932340739

Pour Christian Wolff, président de l’Union des hôteliers de La Réunion (UHR), « il faut rendre le métier plus attractif, en augmentant les salaires, organisant différemment les emplois du temps ». Toutefois, il déplore qu’à La Réunion nous n’ayons pas suffisamment d’outils de formation pour ces métiers de la restauration.

Un manque de main d'oeuvre pour un secteur déjà en grande difficulté et qui se relève tout juste des conséquences de la crise sanitaire.

- Cinq secteurs sous tension à La Réunion -

Hôtellerie, restauration… ces métiers sont fortement sous tension, mais ils ne sont pas les seuls. À La Réunion, d’autres corps de métier peinent à recruter. Le commerce, le BTP, la santé, l’action sociale, le transport et la logistique sont sous tension. Autres métiers où la tension est forte mais dans une moindre mesure « les aides-soignants, cuisiniers, ou encore conducteur de transport en commun sur route », nous indique Pôle Emploi. Vous pouvez d'ailleurs voir sur cette carte les différents métiers sous tension à La Réunion.

Pour pallier cela, « Pôle emploi met en place des actions à destination des demandeurs d’emploi et des entreprises afin de satisfaire les besoins des secteurs qui recrutent ».

Un des leviers principaux est celui de la formation visant à accompagner le développement des compétences de demandeurs d’emploi en lien étroit avec les besoins des entreprises. "Ces formations sont déterminées en fonction des besoins de notre territoire et partagées avec les acteurs socio-économiques de La Réunion; elles peuvent être qualifiantes, certifiantes, courtes et adaptées aux besoins de l’entreprise. En 2022, 25 000 demandeurs d’emploi ont suivi une formation et pour 50% d’entre eux, ils ont accédé à un emploi dans les 6 mois qui ont suivi la fin de la formation", précise Pôle Emploi.

Le deuxième levier consiste à travailler avec les entreprises sur l’attractivité et la découverte de leurs métiers. "Pour cela, des événements de découverte des métiers sont organisés tous les mois dans les 17 agences de l’île et sont visibles sur le site de Pôle emploi. Des immersions en entreprise sont également proposées, pour permettre aux demandeurs d’emploi de découvrir le métier et s’assurer qu’il est en adéquation avec son profil et ses compétences", souligne l'établissement public. "Enfin, depuis un an et demi, Pôle emploi reçoit plus particulièrement les demandeurs d’emploi de longue durée pour leur présenter le marché du travail, les offres disponibles et déterminer avec eux les leviers à mettre en place pour un retour à l’emploi."

Pourtant, au deuxième trimestre 2022, 1.800 emplois ont été créés, après le ralentissement du trimestre précédent lié aux conditions sanitaires. L’activité touristique retrouve une dynamique : la moitié des emplois sont créés dans l’hébergement-restauration et dans le commerce. En revanche, l’emploi baisse dans le secteur public pour le troisième trimestre consécutif. Dans ce contexte, le taux de chômage est stable et concerne 19 % de la population active.

Pour ces métiers, ce manque de candidatures peut s’expliquer par un déficit de formation et surtout en raison d’un manque d’attractivité. Que cela soit en raison des conditions salariales ou des conditions de travail. Depuis la crise sanitaire, les Français ne veulent plus travailler comme avant. Ils veulent travailler bien, être bien payés mais aussi et surtout ne plus se sacrifier. Ils ne veulent plus vivre pour travailler mais travailler pour vivre.

Face à cela, le gouvernement envisage de créer un titre de séjour « métier en tension » pour favoriser l’emploi des travailleurs immigrés dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre.

Une aberration, alors que le taux de chômage reste particulièrement élevé.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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