À La Réunion, changer de prénom ou de mention de genre à l’état civil reste un parcours semé d’embûches pour nombre de personnes trans. Si la loi française a facilité ces démarches depuis 2016, les réalités du terrain sont souvent plus complexes, entre lenteurs administratives, méconnaissance des procédures et discriminations. À l’occasion du Mois des Visibilités, des personnes trans réunionnaises témoignent de leur combat pour faire reconnaître leur identité (Photo : rb/www.imazpress.com)
Président de l’association Timizé, Xylric Lepinay débute sa transition en 2011. Après une première phase difficile, il reprend son parcours en 2014. "Ce n’est pas un exercice facile de choisir son prénom. On n’est pas censé se nommer soi-même. Mais j’ai fini par en trouver un qui me convenait", confie-t-il.
- Des démarches simplifiées depuis 2016 -
Quelques années plus tard, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, dite "Justice du XXIe siècle", facilite les démarches de changement de prénom et de modification de la mention du genre à l’état civil. Xylric décide alors de faire changer son prénom sur ses documents d'identité. "Mon visage devenait de plus en plus masculin, alors que mon prénom était particulièrement féminin. Le changement devenait urgent", explique-t-il.
Dans son cas, l'expérience a été plutôt positive. Sa demande est acceptée trois mois après avoir déposé ses documents. "J’ai peut-être exagéré un peu sur la taille du dossier", plaisante-t-il. Toutefois, il ne peut pas conserver le prénom "Xylric", jugé trop proche d’une marque commerciale. Écoutez.
- "Ce n'est pas normal de refuser une demande si le dossier est complet"
Il insiste aujourd’hui sur l’importance de choisir un prénom en accord avec son identité : "Les gens ont le droit d’être appelés comme ils le souhaitent. C’est un droit acquis. Et si c’est nécessaire, il ne faut pas hésiter à insister". Pour celles et ceux qui rencontrent des difficultés, les associations LGBTQIA+ locales, comme Timizé, peuvent accompagner les démarches. "Ce n'est pas normal de refuser une demande si le dossier est complet", martèle Xylric. Écoutez.
Actuellement, le président d'association prépare une nouvelle demande pour faire figurer "Xylric" sur ses papiers et modifier également la mention de son genre. Malgré ses 15 ans de transition et un dossier bien fourni, il avoue ressentir une certaine appréhension : "On a toujours cette peur du refus, même quand tout est en règle".
Au sein de son association, il a vu passer de nombreux parcours entravés. Il se souvient notamment d’une demande refusée sans justification valable : "Une personne en situation de handicap, avec un passing masculin très clair, a vu sa demande bloquée. Et pourtant, dans cette mairie, les démarches se passent d’habitude très bien. Là, on sait que c’est un agent qui a bloqué par conviction personnelle". Écoutez.
- "Je suis enfin prête à être moi-même" -
Pour Elvine, la prise de conscience a commencé très tôt. "Depuis petite, j’ai toujours été efféminée. Au lycée, j’ai commencé à m’habiller de manière plus féminine. C’est là que j’ai été harcelée". En classe de seconde, elle confie à ses proches qu’elle ne se sent pas dans le bon corps. Elle tente alors d’entamer une première démarche de transition, mais se heurte à des obstacles qui l’obligent à tout suspendre. Aujourd’hui, Elvine est déterminée à reprendre le fil de son parcours. "Je suis enfin prête à être moi-même. Je vais commencer un traitement hormonal et lancer les démarches administratives pour changer de prénom et de genre", affirme-t-elle avec conviction. Écoutez.
- "Je me suis dirigée vers des professionnels bienveillants et formés sur le sujet" -
Entre 2020 et 2022, Gaëlle, aujourd'hui âgée de 28 ans, entame sa transition administrative alors qu'elle vit encore dans l'Hexagone. Travaillant dans le secteur de la santé, elle parvient à s'informer et à s'entourer de professionnels bienveillants. "Je me suis dirigée vers des thérapeutes qui comprenaient les enjeux ou qui avaient été formés sur le sujet. C'était très important pour moi", confie-t-elle. Son changement de prénom se passe relativement bien, mais lorsqu'elle démarre la procédure pour modifier la mention de son genre à l’état civil, Gaëlle constitue un dossier conséquent : 69 pages au total. "J’ai pu le monter grâce aux ressources et aux témoignages disponibles sur des forums en ligne. C’est vraiment l’entraide entre adelphes qui m’a permis d’avancer, même sans accompagnement spécifique. Le travail effectué par celles et ceux qui sont passés par là avant moi a été précieux". Écoutez.
Mais entre la demande et l’obtention des nouveaux papiers, le décalage entre l’identité administrative et l’identité sociale reste une période compliquée. Gaëlle explique qu’elle a dû, temporairement, endosser son ancienne identité masculine dans certaines situations, le temps que sa nouvelle carte d’identité lui soit délivrée. Un retour en arrière qui peut être violent. Écoutez Gaëlle.
- Une charge administrative encore trop lourde -
Elle insiste aussi sur la complexité des démarches. "Constituer un dossier complet, suivre les procédures… tout ça demande du temps, de l’énergie, et une certaine maîtrise administrative. On demande ça à des jeunes de 19 à 21 ans, qui parfois sont en décrochage scolaire, ou en souffrance à cause de harcèlement. Dans ces conditions, beaucoup n’arrivent pas à aller au bout de leur demande".
Si Gaëlle reconnaît que les droits des personnes LGBTQIA+ avancent, elle déplore encore de nombreux blocages. "Les lois changent, mais dans les administrations, il reste du chemin à faire". Écoutez.
- À Saint-Denis, 70 demandes de changement de prénom entre 2021 et 2024 -
À la mairie de Saint-Denis, entre 2017 et 2024, 366 demandes de changement de prénom ont été traitées. Parmi elles, près de 10% par an, soit environ 70 dossiers sur la période, concernent des modifications liées à une transition de genre. "Pour le moment, les demandes venant de personnes trans restent minoritaires et généralement, elles sont toutes acceptées puisque les dossiers déposés sont très complets", explique l'agent communal en charge des changements de prénom, au sein du service d'état civil de Saint-Denis.
Contactées par Imaz Press Réunion, les mairies de Saint-Paul et Saint-Pierre n'ont pas répondu à nos sollicitations. Même constat pour les tribunaux de Saint-Denis et Saint-Pierre qui n'ont pas pu nous apporter de chiffres sur les demandes de changement de la mention de genre à l'état civil, dans les délais impartis.
- Traitement médical, opération ou stérilisation ne sont pas obligatoires -
Pour rappel, toute personne peut demander à changer de prénom en s'adressant à l'officier de l'état civil de son lieu de résidence ou du lieu où son acte de naissance a été dressé. La demande doit être motivée par un "intérêt légitime", tel que l'usage prolongé d'un autre prénom dans la sphère familiale ou professionnelle, ou encore la volonté d'éviter un prénom perçu comme ridicule ou péjoratif. Si l'officier d'état civil estime que l'intérêt légitime n'est pas démontré, il peut saisir le procureur de la République. En cas de refus, le demandeur peut alors saisir le juge aux affaires familiales.
Concernant la modification de la mention de genre à l'état civil, la personne concernée doit être majeure ou mineure émancipée et présenter sa demande devant le tribunal judiciaire de son lieu de résidence (ou du lieu où son acte de naissance a été dressé). La loi précise que "le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande". Le demandeur doit fournir des éléments de preuve attestant que la mention de son genre dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel il se présente et est reconnu dans la sphère sociale. Ces éléments peuvent inclure des attestations de proches, des documents administratifs ou professionnels, ou toute autre preuve pertinente.
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Ces réformes ont pour ambition de faciliter les démarches des personnes transgenres en leur permettant d'obtenir des documents d'identité conformes à leur identité de genre, sans obligation de parcours médical ou chirurgical. Si elles marquent une avancée importante dans la reconnaissance des droits des personnes trans en France, dans les faits, de nombreux obstacles subsistent, à La Réunion comme dans l'Hexagone. Lenteurs administratives, inégalités de traitement d'une commune ou d'un tribunal à l'autre, et manque de formation des agents continuent de freiner l'accès à ces droits.
vg / www.imazpress.com / redac@ipreunion.com
Rien à voir mais je veux apostasier (quitter ma religion) et c'est pas plus simple. Au baptème on ne m'a pas laissé le choix. Je veux être reconnu comme athé.
J'ai été adoptée et j'ai réalisé des démarches administratives pour me réapproprier un nom et un prénom plus en adéquation avec mes origines coréennes, même si je ne renie rien de la culture française dans laquelle j'ai grandi. C'est un parcours du combattant auprès de toutes les administrations et qui met plusieurs années avant d'aboutir, enfin. Le top 2 a été la cgss : j'ai du écrire au ministre de la santé pour voir aboutir ma demande après plus d'1 an de tentative vaine. Le top 1 reste les impôts, surtout quand vous êtes en profession libérale (je n'ai pas toujours terminé après plus de 3 ans de procédure). Ce d'autant qu'avec la dématérialisation, vous vous retrouvez face à une machinerie virtuelle pour laquelle votre demande ne répond à aucune procédure classique (robot chat - envoie de liens de tuto). Bref, je me suis sentie bien seule, avec le sentiment d'avoir à me justifier pour tout et tout le temps, à étaler ma vie privée et mes motivations personnelles devant des personnes inconnues, pas franchement compétentes ni compréhensives. Où est le respect de la vie privée et la dignité de la personne ??
On s'en fiche. C'est pas woke tout ça