Une galère pour les commerçants

Travaux routiers et fréquentation touristique ne font pas forcément bon ménage

  • Publié le 7 août 2023 à 14:21
  • Actualisé le 7 août 2023 à 16:07

Cela fait des jours, des semaines voire même des mois que ça dure… Dans plusieurs communes de l'île, l'heure est aux travaux de voiries. Des travaux qui ne tombent pas forcément aux meilleurs moments, surtout lorsque La Réunion est en pleine période de vacances scolaires. Difficulté d'accès, moins de place de parking… des galères qui freinent la venue des Réunionnais et touristes de passage dans les commerces et qui entament la bonne humeur des commerçants (Photo : sly/www.imazpress.com)

Rénovation des réseaux d'eaux usées, modernisation du centre-ville, places de parking supplémentaires, amélioration et renouvellement urbain... Les travaux n'en finissent plus, et plusieurs communes de La Réunion sont concernées.

Des travaux qui occasionnent embouteillages, ballet de camion, poussière et surtout désertion de la part des clients.

- Dans l'Ouest, les villes balnéaires difficiles d'accès -

À Saint-Leu – où les travaux ont démarré en octobre 2022 et ne sont pas près de s'arrêter, le chiffre d'affaires est en chute libre.

Situé sur l'axe principal rue Général Lambert, le magasin Vival ressent cette baisse de fréquentation. "On voit une baisse du chiffre total depuis des mois", nous indique le responsable.

"La ville est vide en période de vacances scolaires, il n'y a que les habitués qui viennent." Toutefois, il note l'ouverture de la route le week-end, pour redynamiser la fréquentation.

Et si les commerçants ont demandé une aide à la commune, pas de nouvelle pour l'instant. "La mairie ne fait rien, on a demandé des indemnités mais on n'en a pas eu", ajoute le responsable du magasin.

Même constat pour Joseph Fayol de la boutique L'Apotiki 974. "Depuis le début des travaux à Saint-Leu d'une manière générale, la fréquentation a baissé pour tous les commerçants. Les plus impactés bien sûr étant ceux qui se trouvent directement – même temporairement – dans la zone de travaux."

"Pour ma part, mon chiffre est en chute libre depuis trois mois", déplore-t-il. "Les locaux sont dissuadés de venir en ville étant donné les sens de circulation qui changent du jour au lendemain et les difficultés de stationnement. En ce qui concerne les touristes, il semblerait qu'ils ne soient pas trop attirés par le centre de Saint-Leu", note Joseph Fayol.

Chez S Center, "on sent une baisse de la fréquentation, mais est-ce dû à l'inflation ou aux travaux on ne sait pas". Ce que l'on espère surtout, "c'est que ces travaux se terminent le plus vite possible".

- 14 millions d'euros de travaux -

Le TCO – en charge des travaux sur Saint-Leu – s'attèle à informer chaque semaine les habitants et commerçants de l'avancée des travaux dans le centre-ville.

À l'entrée nord, l'atelier de terrassement et de pose de réseau se poursuivra jusqu'au 4 août. De l'autre côté, à l'entrée sud, c'est la RN1A qui est fermée au niveau du commerce de fruits et légumes.

Durant ces périodes de chantier, la circulation sera parfois alternée, parfois coupée, parfois déviée.

Des travaux "planifiés de sorte à minimiser les perturbations pendant les vacances scolaires, afin de redonner un peu de souffle aux commerçants du centre-ville", précise le TCO.

Des travaux pour la modernisation du réseau des eaux usées débutés en octobre 2022 et qui devraient durer jusqu'en février 2024, financés à hauteur de 14 millions d'euros.

Lire aussi - La ville de Saint-Leu se lance dans une modernisation de son centre-ville

- "Pas de place pour se garer à Saint-Gilles" -

À Saint-Gilles, les travaux rythment la vie des commerces et des habitants depuis le mois de février.

"C'est catastrophique", note Christophe Salort, gérant de la boutique Bedeland. "Au début on a eu les blocages du Cap Lahoussaye et là déjà on a ressenti la baisse de fréquentation et avec les travaux du pont et de l'entrée, il y a eu une véritable chute." "C'est maladroit d'avoir fait les deux travaux en même temps."

Concernant son activité, il chiffre entre 25 et 35% de fréquentation en moins par rapport à l'année dernière.

"Il faut courber l'échine et après on jugera sur les actes pour voir si ça bouge grâce aux travaux", déclare le gérant, désabusé face à ces chantiers. "La commune parle de parking, de petit train… Je pense qu'elle a dit ce qu'on voulait entendre", note le gérant, présent depuis 24 ans au forum de Saint-Gilles.

Sophie Moran, gérante de la boutique Pina Colada, le dit, "ce n'est plus comme avant". Elle chiffre même sa perte à presque 50% certains mois. "C'est compliqué, c'est même mort de chez mort." "Certains jours il n'y a personne."

Le problème, c'est qu'en plus des travaux, "il n'y a pas de place pour se garer".

Ce qu'elle espère, "c'est que ces travaux vont redynamiser la ville et faire comme si Saint-Gilles était une nouvelle zone balnéaire".

Agnès Lavaud, chargé de mission au Syndicat des professionnels des activités de loisirs (Sypral), a interpellé le maire de la commune et le TCO pour demander plus de visibilité sur ces travaux. "Prévoir des travaux de cette envergure et pas prévoir de parking pour les clients, c'est aberrant", dit-elle.

Après, dit-elle, "heureusement ce n'est pas le désert et que la saison des baleines va un peu redynamiser et rendre plus attractive la ville mais voilà, ce que l'on regrette c'est le manque de communication et d'anticipation".

Le Sypral qui va d'ailleurs demander une indemnisation pour les commerçants impactés. "Les commerçants n'ont pas à être victime des travaux faits dans l'intérêt général, ils ont une vie économique", ajoute Agnès Lavaud.

Sur son site internet, la commune de Saint-Paul précise qu'à Saint-Gilles, les travaux du PRU se concentrent sur un temps très court (jusqu’à la fin de l’année 2023) afin de limiter les impacts. "L’objectif reste d’améliorer le cadre de vie à l’intérieur de la station balnéaire et de pacifier les usages entre piétons, vélos et voitures".

Ce PRU "se déploiera sur 13 hectares. Ces travaux permettront de positionner la station balnéaire comme un poumon économique et social. 11 millions d’euros seront engagés dès cette année 2023" note la commune saint-pauloise.

Lire aussi - Saint-Gilles les Bains : le nouveau pont de Carosse va ouvrir

Lire aussi - Le TCO rencontre les commerçants de Saint-Gilles les Bains

- L'Est pas épargné non plus -

Dans l'est de l'île et plus précisément à Saint-André, ce n'est guère mieux. Depuis des semaines, la commune s'est attelée à rénover le centre-ville à grands coups de travaux. Des travaux qui ne font pas le bonheur des commerçants, surtout en période de vacances scolaires.

Chez l'artisan boulanger-pâtissier Oh my bread, si les travaux ne sont pas encore arrivés devant le commerce, cela ne saurait tarder. Pour autant, les effets se font déjà ressentir. "On a moins de gens qui viennent sur place", nous dit Cassandra, une des employées.

Pareil Pour Stéphane Cuvelier, gérant de Run informatique. Situé avenue de Bourbon, "on constate une forte baisse au niveau de la fréquentation, de près de 30%". Et pourtant, les travaux ne sont pas encore devant sa porte.

Fort heureusement pour lui – notamment en cette période de travail intense pour l'enseigne – "on s'en sort car on peut livrer les clients", déclare Stéphane Cuvelier.

Ce qu'il craint, c'est que ces travaux durent jusqu'aux périodes de Noël, période de forte activité.

Jean-Marie Virapoullé, conseiller municipal de l'opposition s'est d'ailleurs emparé du sujet. "Monsieur Bédier doit se ressaisir sinon c'est la mort du centre-ville", dit-il.

L'élu dénonce le fait que ces travaux démarrés en juillet aient causé la suppression de nombreuses places de parking.

Il ajoute, "ces derniers (les commerçants), ne croient pas aux promesses d'indemnisations à 100% de leur perte d'activités faites par le maire".

Une procédure d'indemnisation que confirme notre gérant de Run informatique. "L'association des commerçants m'a envoyé vers un service créé", nous dit-il.

Mais, à l'instar des propos de Jean-Marie Virapoullé, Stéphane Cuvelier précise que "ce n'est pas clair, dans le sens où ils veulent indemniser sur le bénéfice perdu mais comment le calculer ?"

- Une appli "Hello Travaux" -

Dans l'Est, la commune de Saint-André propose aux riverains et commerçants de se tenir informer via l'appli "Hello Travaux". Sur cette application, chaque travaux y sont recensés en fonction de la géolocalisation.

La commune de Saint-André indique sur son site inernet que l'objectif de ces travaux est de "redonner au centre-ville une nouvelle image, une nouvelle attractivité et offrir aux habitants un cadre de vie agréable où chacun pourra grandir, vivre, s'épanouir".

Ce vaste chantier de rénovation s'inscrit dans le cadre du Programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Rien que pour l'Avenue de Bourbon, "les travaux s'élèvent à plus de cinq millions d'euros et permettront la réfection complète de la voirie, d'intégrer des pistes cyclables, de créer de nouvelles places de stationnement ou encore de revoir l'éclairage public" dit encore la commune sur son site internet.

- Dans les Hauts c'est aussi la galère -

Si les bas ne sont pas épargnés par les travaux, à Cilaos, c'est toute la saison touristique qui est mise à mal par les travaux en centre-ville et les travaux sur la route aux 400 virages dus aux éboulis.

Pour Sébastien Boyer, gérant de la boutique Silaoz le dit, "cette saison est mitigée". "Après c'est normal les gens prennent des heures pour monter avec parfois plusieurs coupures de trente minutes sur la route."

Des travaux que Sébastien Boyer juge aberrants, surtout en période de vacances scolaires. De plus, il déplore le manque de communication. "Ils parlent toujours de quand la route est fermée mais jamais quand elle est ouverte." "Il faut trouver un compromis avec nous", ajoute le commerçant.

Après, même s'il se dit dépassé par la situation, "il faut être là pour ceux qui sont là".

Même triste constat pour Christophe Payet, gérant de Tof'Bike. "On a encore eu des annulations de personnes prises dans les coupures de la route de Cilaos.

De plus, "avec les travaux en centre-ville, les gens nous pensent fermés et ne descendent pas la rue. On a perdu déjà entre 25 et 30% de chiffre d'affaires par rapport à l'année dernière".

Interrogée par Imaz Press, la commune de Cilaos a expliqué : "ce chantier du centre-ville est nécessaire pour remettre l'avenue comme avant". Pourtant des travaux avaient déjà été menés il y a deux ans. Mais "ces travaux ont été mal fait par l'ancienne société et donc l'on doit tout détruire pour tout reconstruire".

À noter que dans ces communes, les riverains et commerçants devront encore prendre leur mal en patience... La fin des travaux est prévue pour le premier trimestre 2024.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

guest
3 Commentaires
Habitant
Habitant
1 an

C'est un passage obligé!
Quand on voit comment sont les centres de ces villes: St Gilles, St Leu, St André et Etang Salé.
Il ne faut pas perdre de vue le pourquoi de ces travaux.
N'oublions pas que ce n'est pas propre à la Réunion, énormément de villes moyennes à grandes sont passées par là dans l'Hexagone depuis 10-20 ans déjà.
Elles y ont gagné en aménagement et en fréquentations par la suite
Et nombres d'entre elles sont allées bien plus loin d'ailleurs!

Manue
Manue
1 an

Vous avez oublié étang salé, cette commune est en travaux depuis des mois .

Stean
Stean
1 an

Pas de travaux, on se plaint!
Des travaux, on se plaint!
Que faire? Rien??