Plantes endémiques en danger

Des Nuits pour les forêts réunionnaises menacées

  • Publié le 5 juin 2024 à 06:52
  • Actualisé le 5 juin 2024 à 07:38

Unique au monde, la flore de La Réunion est en grande partie menacée de disparition. La faute au dérèglement climatique, à la pression de l'homme, mais surtout aux espèces invasives empiétant des espaces naturels jusqu'alors préservés. Une nature exceptionnelle à découvrir à l'occasion de la deuxième édition des Nuits des forêts, qui se dérouleront les 7, 14 et 15 juin prochain. Forestiers, professionnels, associations, artistes, experts, scientifiques, penseurs et philosophes vont se rencontrer, pour transmettre leurs savoirs et partager leur regard sur la forêt (Photo www.imazpress.com)

"Regardez cet arbuste avec ses fleurs jaunes: il est très beau. Mais il serait bien mieux sur les côtes bretonnes", dans l'ouest de la France métropolitaine, s'exclame Dominique Oudin, directeur du conservatoire botanique national du Mascarin (CBNM). Sur le massif du Maïdo, au coeur du Parc national de La Réunion, l'ajonc d'Europe semble par endroits comme chez lui, menaçant la flore endémique.

La Réunion "est un milieu unique au monde, mais il est envahi", résume Dominique Oudin. Espèce exotique la plus emblématique au-dessus de 1.000 mètres d'altitude, l'ajonc d'Europe n'est pas le plus invasif: la liane papillon, venue d'Asie, étouffe les dernières forêts sèches de l'île. Le tulipier du Gabon a envahi les terres agricoles.

Les milliers de visiteurs qui fréquentent chaque jour ce site offrant une vue imprenable sur le cirque de Mafate, classé comme une large partie de l'île au patrimoine immatériel de l'Unesco, passent à côté sans y prendre garde.

Le caractère exceptionnel de la flore de La Réunion est en partie ce qui lui vaut son inscription à l'Unesco. Sur les 963 espèces de plantes "indigènes" recensées sur l'île, 382 sont endémiques à la sous-région (l'archipel des Mascareignes, avec les îles Maurice et Rodrigues), dont 230 uniques à La Réunion.

"230, c'est aussi le nombre de plantes endémiques de toute la France hexagonale", précise Dominique Oudin.

Mais fin 2023, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a réévalué sa liste rouge des espèces menacées, fruit d'un travail mené sous la coordination du CBNM.

Le résultat est inquiétant: entre 2010 et 2023, le taux d'espèces menacées est passé de 30% à 41%. Une quarantaine de plantes ont déjà disparu.

- "Milieu envahi" -

Au rayon des menaces, sont citées la sécheresse et la pression humaine, alors que La Réunion a accueilli plus de 550.000 visiteurs en 2023, un record selon l'Observatoire régional du tourisme. Mais les espèces exotiques restent l'ennemi n°1.

Tout n'est pas désespéré. "Vous avez encore des espaces préservés de l'invasion", assure Janik Payet, responsable de l'antenne Ouest du Parc national de La Réunion.

Du Maïdo, un sentier mène au massif du Grand Bénare: "On l'appelle le triangle d'or parce que là-haut, il y a encore une biodiversité exceptionnelle", avec peu d'invasives et "plus de 80% d'endémicité".

Pour y accéder, le Parc a installé des dispositifs de biosécurité nettoyant les semelles des randonneurs, susceptibles de transporter des graines.

Mais la lutte contre les plantes invasives, menace identifiée dès la fin des années 1970, a longtemps été menée de façon désordonnée et n'était pas "à la hauteur de l'enjeu", résume Janik Payet.

Lire aussi : Espèces envahissantes, ennemies numéro un de la flore endémique

- Electrochoc -


Il a fallu un électrochoc pour que l'île se mobilise: le classement en 2017 par l'Unesco de La Réunion parmi les sites suscitant une "préoccupation importante" en raison de son mauvais état de préservation.

Un programme d'action impliquant collectivités et acteurs de la biodiversité de La Réunion, baptisé ReMiNat (pour "restauration des milieux naturels"), a alors été mis en place.

Des zones d'actions prioritaires ont été définies et différentes techniques de restauration sont étudiées. C'est ce qui est fait au Maïdo, où un incendie accidentel en 2020 a paradoxalement permis de "repartir à zéro" sur ce site considéré comme perdu.

"Mais il faut que les gens qui vivent et viennent à La Réunion y participent", insiste Dominique Oudin, espérant une "prise de conscience".

Ce à quoi essaye d'arriver Jacques Fournel: à 1.100 mètres d'altitude, cet ancien botaniste ne cultive que des plantes endémiques, dont certaines serviront à replanter le Maïdo. Depuis quelques années, plusieurs pépiniéristes se sont lancés sur ce segment.

Tan rouge, bois de poivre, fleurs jaunes... "Tout ce qui vient de La Réunion, je le plante", explique Jacques Fournel. "Il faut être actif. Parce que si on ne fait rien, c'est un patrimoine qui disparait".

- Un festival pour mettre les forêts à l'honneur -

Le festival organisé par l'association national Les nuits des forêts et ralayé à La Réunion par l'association Plus, met à l'honneur les arbres et les forêts durant ce début du mois de juin.

La faune et la flore de la région réunionnaise sont "une source d'inspiration ancienne et infinie, peuplant nos imaginaires, et sont aujourd’hui les symboles de la mémoire de nos ancêtres, des luttes citoyennes et de nos espoirs" souligne Leslie Ranzoni, co-organisatrice des Nuits des forêts.

Cette deuxième édition des Nuits des forêts à La Réunion se déroulera dans cinq forêts de La Réunion. De l'étang de Saint-Paul à la Forêts des nuages, en passant par la rivière Saint-Denis, la forêt du Maïdo ou encore la forêt des hauts de Trois-Bassins, le public est invité à (re)découvrir ces espaces avec un nouveau regard et une perception différentes des enjeux qui les traversent.

- Programmation -

Les nuits des forêts offrent un programme sur trois jours dans des lieux différents : les 7, 14 et 15 juin.  Les inscriptions se font sur le site internet.

7 juin

À la forêt de la Rivière Saint-Denis :

- Balade silencieuse, "Remontons la rivière", un seul départ à 18h.

Trois temps d’écoute, de sons, de vibrations dans le silence des voix des visiteurs. Le son de l’eau qui cliquette sur les roches ondulantes entre les racines des arbres. Le public sera invité à remonter la rivière en silence, prêt à suivre la voie du médiateur qui l’invitera à écrire sur le papier, comme tant d’autres avant lui, ces histoires géologiques, humaines, naturelles qui se transmettent.

À la forêt du Maïdo :

-Balade silencieuse à l’écoute du vivant, trois départs : 18h/19h/20h

Une balade composée de poésie, d’une ambiance sonore de Hugo Mir-Valette et d’une observation des étoiles avec Astro Makes, sur des textes de Leslie Ranzoni.  Le soir, la forêt souffle, siffle, bruisse, s’agite. C’est aussi le moment où la faune se sent en sécurité pour vaquer à ses activités. Dans les airs, sur le sol ou sous terre, trois cycles de vie se rencontrent et cohabitent de manière complémentaire, entre le jour et la nuit. Les étoiles font aussi partie de cette forêt, elles crépitent et scintillent.

14 juin

À la forêt de l'étang de Saint-Paul :

- Vernissage à 17h00 : exposition de photographies Light painting avec Marien Devillard (photographe)

- Balade point de vue poétique, un seul départ à 17h45.

Point vue est un parcours poétique imaginé pour un environnement qui se compose de plusieurs écosystèmes modulé par l’homme. La programmation allie installation poétique, balades scientifiques et artistiques, exposition photographique et un atelier de Light painting.

- Balade nocturne, un seul départ à 18H30 avec un agent de la Réserve naturelle de l’Etang Saint-Paul.

- Atelier Light painting à 20h

- Des étoiles aux lumières, un seul départ à 21h avec Matthieu Renaud (astrophysicien)

15 juin

À la forêt de l'étang de Saint-Paul :

- Balade bain de forêt, un seul départ à 9h30.

Le bain de forêt permet de vivre un temps pour soi, de reconnexion et de ressourcement, en groupe, de manière guidée. "C’est une activité qui offre une forme de thérapie douce, par la forêt (sylvothérapie) qui nous vient du Japon sous le nom de «Shinrin-Yoku» depuis les années 80" expliquent les organisateurs. Il s’agit de "sorties contemplatives en forêt assorties d’invitations sensorielles vécues en pleine conscience permettant peu à peu de revenir ici et maintenant et de se reconnecter à l’essentiel".

À la forêt des Hauts-sous-le-vent aux Trois-Bassins :

- Balade découvert, un seul départ à 18h.

C'est une sortie proposée par l’association Plus et l’Office de tourisme de l’ouest. À l’issue d’une balade didactique au cœur de la forêt des Trois-Bassins avec les accompagnateurs en montagne de l’Office de tourisme de l’ouest, le public se dirigera au coucher du soleil, vers une installation intitulée "Concertation nocturne". Il y sera accueilli par le duo artistique AirJP-Mpagnesa, pour une contemplation visuelle et sonore.

À la forêt des Nuages à Saint-Joseph :

- Accueil et présentation à 9h

- Quatre activités au choix à 10h : visite de la forêt, distillation traditionnelle, cueillette de plantes médicinales, atelier de dessin d’observation

- Dégustation carris au feu de bois et tisanes à 12h

- Deux activités au choix à 16h : atelier “Plantes médicinales et chant” et temps libre dans la forêt

rbc avec l'AFP/www.imazpress.com

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1 Commentaires
Marius
Marius
3 mois

on se plaint mais que font les responsables pour les invasions d'especes dangereuses par les bateaux remplis de bois / pour les abeilles infestées je pense que l'on sait qui a fait quoi mais profil bas / pas de couilles pas d'embrouille / il faudrait interdire la vente de certains animaux que les acheteurs rejettent / ouvrez vos yeux........