Ce lundi 30 janvier 2023, La Réunion a failli connaître un nouveau drame conjugal. Une femme a été menacée de mort par son ex-compagnon dans le quartier de La Bretagne (Saint-Denis). Par chance pour elle, son oncle s’est interposé, essuyant trois coups de couteau de l’agresseur. Un agresseur qui a été tué par les forces de l’ordre. Ce drame évité de peu, rappelle que chaque jour des femmes et des hommes sont victimes de violences conjugales et sexistes de la part de leur conjoint. (Photo : rb/www.imazpress.com)
Le 23 janvier dernier, le Haut conseil à l’égalité (HCE) a dévoilé un rapport choc sur l’état du sexisme en France. Il met en avant une « situation alarmante ». En 2023, le sexisme ne recule pas en France, bien au contraire. Certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent et les plus jeunes générations sont les plus touchées.
À La Réunion, le nombre de dépôt de plainte a d’ailleurs augmenté de près de 20%. Toutefois, pour la procureure du Sud Caroline Calbo, ce n’est pas le nombre de faits qui a explosé. « C’est le nombre de révélations qui a augmenté », dit-elle. « Je pense qu’il y a toujours eu un nombre de violences intrafamiliales très important maison qui n’était pas dénoncé », ajoute la procureure. Elle poursuit en disant, « là, enfin, les femmes osent dire ce qu’elles subissent au quotidien et on voit maintenant en comparution immédiate des affaires de violences qui datent depuis plusieurs années ».
Des hommes et parfois des femmes violents que la procureure voit passer chaque jour « à tour de bras » dans son bureau.
- Violence et sexisme banalisés -
Pire encore, « ses manifestations les plus violentes s’aggravent, et les jeunes générations sont les plus touchées ».
Près d’un quart des jeunes hommes de 25 à 34 ans estiment "qu’il faut être violent pour se faire respecter", selon le rapport du HCE. "Des hommes trouvent normal de gifler leur femme", ajoute le Haut conseil à l’égalité.
Pour le Cevif, (Collectif pour l'Élimination des Violences Intra Familiales), « les chiffres de ce baromètre sont effectivement alarmants, une statistique cinglante qui a le mérite de nous remobiliser ». « Quand je lis que parmi les hommes de 25 à 34 ans, près d’un quart estime qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, je me fais la réflexion que la violence est décidément une langue que l'on peut apprendre très tôt et que l'on pratique au quotidien à la maison, sur nos écrans, au travail, dans la rue, dans les espaces de loisirs ou encore dans les médias... », ajoute Frédéric Rousset, président du collectif.
Face à ces hommes ancrés dans une attitude irrespectueuse de la femme, il est temps de faire changer les mentalités. Mais cela reste difficile à faire. « Il est compliqué de faire changer les mentalités », explique la procureure. « C’est pour cela qu’on essaie de faire énormément de sanctions pédagogiques comme des stages destinés aux auteurs de violences conjugales qui coûtent 290 euros. »
Ce qui est surtout important pour Caroline Calbo, « c’est d’arrêter cette reproduction de génération en génération des violences intrafamiliales ». « On se rend bien compte que les auteurs et victimes de violences eux-mêmes ont subi ou vu leurs parents se taper dessus », ajoute-t-elle.
En outre, ces violences sexistes et sexuelles sont souvent "minimisées", déplore le Haut Conseil à l'égalité. "23% des hommes considèrent qu'on en fait trop sur les agressions sexuelles", relève-t-il. "Certains vont jusqu'à engager la responsabilité des femmes, dans un processus d'inversion : 16% des hommes pensent encore qu'une femme agressée sexuellement peut en partie être responsable de sa situation."
- Des stéréotypes sexistes bien ancrés, en particulier chez les moins de 35 ans -
Autres chiffres alarmant chez les hommes de 65 ans et plus, 49 % considèrent qu’il est normal que les femmes arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants, contre 40 % en moyenne. En ce qui concerne les femmes, 80% estiment être moins bien traitées que les hommes en raison de leur sexe.
22 % des femmes de 18 à 24 ans estiment avoir subi un acte sexuel imposé, 37 % des Françaises estiment avoir vécu une situation de non-consentement. Paradoxalement, "seuls 12% des hommes déclarent qu'ils ont déjà insisté pour avoir un rapport sexuel alors que leur partenaire n'en avait pas envie, et 10% qu'ils ont déjà eu un doute sur le consentement de leur partenaire".
« Ce que l’on remarque dans les violences, c’est un instinct de domination de l’auteur, domination sur tous les aspects de la vie de sa compagne », précise Caroline Calbo. « Cette volonté de domination, d’emprise sur l’autre se retrouve dans la sexualité, notamment dans le fait d’imposer des rapports sexuels pas forcément consentis », ajoute la procureure.
Une domination que l’on peut retrouver dans la vie quotidienne, lorsque l’auteur déclare par exemple « ta famille je ne veux plus la voir, tu n’as pas le droit de sortir, comment tu t’habilles… et en isolant la personne de toute vie sociale ».
Dès lors que l’emprise est mise en place, il devient compliqué pour la victime qui est dans une vraie dépendance par rapport à l’auteur, de partir et de pouvoir dénoncer les faits.
- Un comité dédié aux violences se réunira en mars -
Le HCE propose un plan d’urgence global contre toutes les manifestations du sexisme et ses causes. L’effort doit non seulement porter sur la protection et la répression mais aussi sur la prévention en agissant sur les mentalités dès le plus jeune âge.
Parmi les mesures clés, la régulation des contenus du secteur numérique pour lutter contre les stéréotypes, les représentations dégradantes et les scènes de violences désormais banalisées sur internet, en particulier dans les vidéos pornographiques.
Retrouvez l’ensemble des recommandations du HCE dans le rapport 2023 sur l’état du sexisme en France > https://bit.ly/3GXWell
« La situation est alarmante », la société française demeure extrêmement sexiste, et ce dans l’ensemble de ses sphères. « Les conclusions ne sont vraiment pas satisfaisantes », a réagi Élisabeth Borne, lors de ses vœux à la presse. Elle a annoncé réunir un comité interministériel en mars.
« Tous ces chiffres ne font qu'égrener cette grammaire de la domination dans laquelle on baigne. Nous n'avons pas suffisamment conscience que le sexisme ordinaire arme nos coups et dessine un continuum jusqu'au féminicide », conclut le Cevif.
Si vous êtes victimes de violences conjugales, vous pouvez contacter le 3919, le numéro national de référence d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violences. Des conseillers sont disponibles 24h/24. La Réunion est le troisième département français en matière de violences intrafamiliales. Deux femmes ont été tuées par leur compagnon à La Réunion cette année, 54 féminicides ont été recensés ces 15 dernières années.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com