Bonus pour l'écologie, malus pour les économies

Voitures électriques : quand le moindre problème de batterie vide les porte-monnaies

  • Publié le 7 février 2024 à 12:12

À La Réunion, le marché du véhicule électrique bat à plein régime. Mais pourtant, si notre île n'a rien à envier à l'Hexagone concernant le déploiement de ces véhicules prônant l'écologie, côté service après-vente ce n'est pas le cas. Des batteries renouvelables vendues à prix d'or, des modules au cœur des batteries réparables mais pas n'importe où, des déchets électriques pas exportables… L'électrique - enjeu important pour l'avenir -, s'avère être parfois un fardeau difficile à gérer à La Réunion (Photo : rb/www.imazpress.com)

Pierre (prénom d'emprunt) a acheté il y a plus de cinq ans un véhicule électrique pour un montant d'environ 30.000 euros. Lors de l'achat, on lui affirme que sa batterie est sous garantie pendant huit ans ou jusqu'à 160.000km.

Mais voilà, cette année, son véhicule connaît une panne électrique. Appelant le garage, on l'informe que la garantie ne fonctionne plus. Ne comprenant pas, Pierre se rend au garage. C'est alors qu'on lui explique que si la capacité de la batterie est garantie huit ans, les modules composant la batterie sont eux sous garantie pendant cinq ans.

Souhaitant faire réparer sa voiture, Pierre demande la démarche à suivre auprès de son concessionnaire. "Là on m'annonce qu'ils ne peuvent pas gérer sur place parce qu'ils ne sont pas équipés pour réparer la batterie", dit-il, interrogé par Imaz Press.

"Le chef m'a précisé que le garage n'avait pas l'autorisation du constructeur pour se lancer dans des réparations."

Pour réparer sa batterie, il reçoit un devis, consulté par Imaz Press, de 31.643 euros... Soit le prix payé à l'achat du véhicule neuf.

Proposition lui est donc fait de repasser commande pour un nouveau véhicule et de reprendre celui qui est en panne pour la somme modique de... un euro.

Pierre est consterné. "Je crois en l'électrique, j'ai pris le confort d'y vivre, c'est intéressant au niveau économique. On s'est même équipé d'une borne à la maison."

"Racheter une voiture c'est contraire à une démarche écologique."

Pierre décide donc de se tourner vers un autre concessionnaire pour son véhicule. Là, même déconvenue.

Si le concessionnaire est en capacité de réparer les véhicules électriques et de changer le module défaillant, pour la voiture de Pierre c'est impossible. Impossible car elle n'est pas la marque de ce concessionnaire.

L'automobiliste croit en l'électrique. Mais ce qu'il déplore, "c'est le manque de clarté sur la garantie des batteries, la capacité de recharge et la capacité à changer les modules dans le temps comme pour n'importe quelle voiture".

Pierre espère pouvoir récupérer son véhicule pour le faire réparer. Mais là encore, si le conducteur envisage de renvoyer sa voiture dans l'Hexagone pour modifier le module défaillant et la revendre là-bas, là aussi il risque fortement de se confronter à un autre problème lié essentiellement à l'électrique et aux batteries au lithium.

"Et si je la laisse à La Réunion j'en fais quoi ? Est-ce qu'il existe des garages à épaves pour voitures électriques ?"

- Des réparations difficiles et spécifiques à chaque marque -

Alors électrique bonus ou malus ? Pourquoi Pierre n'arrive-t-il pas à faire réparer sa voiture électrique ?

Le président du SICR (Syndicat de l'importation et du commerce à La Réunion) et directeur général de Leal Réunion, Philippe-Alexandre Rebboah nous explique.

Au cœur de sa concession, "nous disposons d'une air dédiée délimitée qui évite tout risque d'électrocution et met la voiture en sécurité tout comme les techniciens", précise-t-il.

"Normalement c'est le préambule de toute démarche de certification. Vous ne pouvez pas vendre de modèle si vous n'avez pas l'habilitation pour pouvoir l'entretenir", explique le président du SICR. "Il y a une formation, un outillage à acquérir."

Si un concessionnaire a confirmé à notre conducteur (Pierre – ndrl) pouvoir réparer les modules des batteries au lithium mais pas de la sienne, "c'est que chaque marque a sa propre technologie", indique le directeur de Leal Réunion.

"C'est d'ailleurs pour cela que ça change le business de l'après-vente que ce soit une voiture électrique car l'on est quasi 100% obligé d'entretenir et de suivre chez son concessionnaire."

- Des modules de batterie difficiles à stocker... -

Plusieurs autres problèmes des véhicules électriques posent. "Si l'on sait changer les modules défaillants, le problème c'est qu'après les modules on ne sait pas quoi en faire car on n'est pas capable de les exporter", explique Philippe-Alexandre Rebboah, président du SICR (Syndicat de l'importation et du commerce à La Réunion) et directeur général de Leal Réunion. 

L'autre souci qui se pose, c'est que pour remplacer les modules défaillants, il en faut des nouveaux et là encore, impossible d'en stocker de grandes quantités.

"Nous sommes à 10.000 km de l'Europe, un peu moins de l'Asie mais le problème reste le même. Si la voiture tombe en panne et que le module à changer n'est pas en stock le client doit attendre. Les compagnies aériennes refusent de prendre les batteries  au lithium et par bateau cela prend du temps", ajoute Philippe-Alexandre Rebboah. Un délai pour faire changer son module qui peut aller jusqu'à deux mois.

Si "on essaie de stocker les modules, on ne peut pas en avoir trop pour éviter les risques d'incendies", note le président du SICR.

Une logistique et un souci d'approvisionnement qu'il "faudra travailler dans les prochaines années".

- ... et pour l'heure impossible à exporter -

À cela s'ajoute une autre complexité pour les véhicules électriques, celle du stockage des batteries et modules défaillants.

Des batteries au lithium dont le risque inflammable est tel qu'il est impossible de les exporter une fois utilisée en dehors de La Réunion. De même, les compagnies maritimes d'affrètement refusent de transporter des appareils transportant du lithium, n'étant pas neuf.

"Le lithium, au contact de l'air (s'il y a un défaut sur la batterie) s'embrase et pas grand-chose n'arrête l'incendie, même en étant immergé ça peut brûler", expliquait Philippe-Alexandre Rebboah, lors d'une précédente interview.

"Les voitures d'occasion ne sont pas autorisées – ou alors il faut que le particulier à ses frais prenne un conteneur réfrigéré et alors cela se chiffre en plusieurs milliers d'euros", note le président du SICR.

La compagnie maritime locale Mer Union refuse les véhicules d'occasion. "On n'est pas habilité à les transporter", explique Christelle Goinden-Flambard, directrice. "On ne prendra pas le risque de transporter ce type de batteries, jugées trop instables", précisait-elle lors d'un précédent entretien.

Sur le territoire jusqu'à présent, aucune solution n'existe pour réexporter ces déchets car il n'y a pas de traitement local, même si un appel à projet a été fait par l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et que des pistes sont à l'étude. "Nous aurons une réunion prochainement avec la Région et l'État ainsi qu'un organisme collecteur et les compagnies maritimes pour entériner le projet", précise Philippe-Alexandre Rebboah.

Sauf que, même si les acteurs se concertent, "les compagnies maritimes restent frileuses à charger ces déchets, car autant la batterie est stable dans un véhicule neuf, autant quand le module est sorti de son logement il représente un risque inflammable", ajoute Philippe-Alexandre Rebboah.

Un travail de collaboration entre Suez et la compagnie maritime CMA-CGM est déjà en cours pour finaliser un process d'exportation des batteries dans un conteneur à la température régulée, un "reefer".

Ajouté à cela des sarcophages ignifugés pour éviter tout risque de propagation d'un incendie.

Lire aussi - Batteries au lithium : elles sont difficiles à importer et impossibles à exporter

- L'électrique, un enjeu d'avenir avec quelques failles à La Réunion -

Si le SICR s'évertue avec des acteurs locaux à trouver des solutions, "c'est que l'électrique est un enjeu environnemental et économique".

Mais attention à ne pas aller trop vite, alors que La Réunion reste encore un peu à la traîne.

Prenez la nouvelle annonce : une voiture électrique en "leasing social", à environ 100 à 150 par mois. "Attention à l'effet boomerang car ce qu'on va envoyer ça va revenir", prévient Philippe-Alexandre Rebboah.

"Il ne faut pas lâcher la pression et travailler sur ce qui a été initié depuis de nombreuses années pour le développement de l'électrique sur le territoire. Mais surtout prendre en considération les enjeux de la filière et celle du traitement des batteries."

Parmi les enjeux que la filière doit encore développer à La Réunion, l'installation de bornes électriques. "Sur ce point on est clairement en retard", lance le président du SICR.

Toutefois, un programme est en cours avec le Sidélec pour le développement d'ici 2025 de 1.700 bornes sur le territoire. "Cela permettra aux futurs consommateurs -  et même ceux qui vivent dans un logement collectif – de pouvoir avoir accès à une voiture électrique."

À La Réunion donc de veiller à ce que ce déploiement de l'électrique ne soit pas freiné par des problèmes de stockage, de recyclage et de réparation.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

guest
16 Commentaires
Dutef
Dutef
6 mois

Avec ts ces inconvénients je doute que la voiture électrique ait le vent en poupe! C’est visiblement une arnaque. Il faut être idiot pour acheter ça.

Lal
Lal
6 mois

Le gouvernement nous tient par la culote.
Ses Macron qui décide tout.
Ils se prend au dessus de dieu
Ses comme pour le covid
Il a inventé le vaccin méme contre l'avis des scientifiques.

Templier974
Templier974
7 mois

Il n'y a pas plus pollueur qu'une voiture électrique. Les batteries ne sont pas recyclable en France et celles-ci prennent feu quand elles veulent. Les normes françaises ne sont pas respectées.les recharges pour ces voitures, sont trop espacées. Il y a un gros travail à faire ici à la Réunion.ce sont les depanneurs qui vont se frotter les mains. Allez au volcan avec une tire électrique, il n'y a pas de borne. Allez au boulot les penseurs de la Réunion...

Dubitatif
Dubitatif
7 mois

Oui, que vous avez payé un bras....

Missouk
Missouk
7 mois

Je resterai à l'essence aussi longtemps que possible. Un ami converti de longue date a du remplacer sa batterie. Ca coûte pratiquement aussi cher qu'une voiture neuve!

charlesandré
charlesandré
7 mois

devis batterie, consulté par Imaz Press, de 31.643 euros ? il quelques chose qui cloche !

Candide
Candide
7 mois

Ou produite par ma centrale photovoltaïque, installée sur le toit de ma maison.

Candide
Candide
7 mois

Au lieu de propager les fakenews des lobbyies de l'industrie pétrolière, regardez plutôt ce documentaire suisse "A contresens", vous aurez un autre son de cloche. https://www.youtube.com/watch?v=nbHnMn2YSL8.

Francis Benveniste
Francis Benveniste
7 mois

EDF, augmentation de 71.26% du prix de l'electricite entre 2013 et 2023.
On vient de se taper une nouvelle hausse ce mois-ci, une autre est prevue pour Fevrier 2025, qui mettra fin au bouclier tarifaire. Aie !!
Si vous achetez une bagnole electrique, desole de vous le dire, mais vous aurez plus l'air d'un zoizeau la Vierge que d'un papangue. A LIRE : https://www.otovo.fr/blog/le-solaire-et-vous/evolution-prix-electricite-10-ans/

Man974
Man974
7 mois

Quand on pense que La Réunion, et tous les autres DROM, pourraient être autonomes en énergie...
"-> Mettre en œuvre un plan d’autonomie énergétique dans chaque territoire à partir des énergies renouvelables disponibles, terrestres (géothermie, solaire, éolien) et marines (éolien, utilisant les différences de températures, géothermie, etc.)"
https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/outre-mer/

Dubitatif
Dubitatif
7 mois

Ici, ils sont fort pour importer et vendre tout et n'importe quoi, du moment que c'est tendance sans aucune capacité a réparer derrière ni un minimum de pièces de rechange de base en stock... A sérieusement réfléchir avant d'acheter.

Lacosteman
Lacosteman
7 mois

Finalement les voitures électriques ne sont pas si écologiques que ça. Le monde capitalisme nous gouverne et nous tient pas la peau des coui****. Triste réalité et constat !

Ded
Ded
7 mois

les voitures électriques sont chères , polluantes ( si, si , on oublie juste de dire ce qu'il a fallu faire pour extraire les métaux rares nécessaires aux batteries - sans parler de l'exploitation esclavagistes d'enfants dans les pays producteurs - ) et que dire des batteries , encore elles , pour l'instant non recyclables , hors de prix et polluantes au possible lorsqu'elles ne servent plus .
Les bagnoles électriques nécessitent tellement d'électricité qu'il faudra trouver d'autres moyens ( ici, à la Réunion , car pas question d'avoir un joli petit EPR local ) pour en produite suffisamment , en Europe et en particulier en France où Macron premier se veut le roi du nucléaire ( roi du pétrole , c'est pris!) c'est vive le nucléaire !!!
Youpi , les déchets ? Quels déchets , on va les enfouir , peut-être même les jeter à la mer qui regorge déjà autour des côtes françaises, de millions d'obus , de fûts contenants toutes les saloperies de la dernière guerre et les déchets des industries polluantes ( fûts dont beaucoup sont tellement corrodés que bientôt , si ce n'est déjà le cas , laisseront fuir tous les produits toxiques que nous adorons tous)
la bagnole électrique n'est qu'un nouveau truc des industriels pour se faire du fric , l'écologie , ou plus simplement , la terre , ils n'en ont rien à foutre!

Enfumage
Enfumage
7 mois

Outre tout ce qui a été souligné, ces voitures électriques roulent à quoi ? à l'électricité produite par des centrales thermiques. Cherchez l'erreur.

Antipode
Antipode
7 mois

Une voiture fusse-t'elle en mode électrique, n'est en rien écologique (à-moins qu'il s'agisse de voiturettes) ; c'est un type de transport qui implique une gabegie énergétique inouïe (transposée à la chaise-à-porteurs, ça revient à avoir 200 porteurs à disposition, pour des véhicules qui peuvent déplacer 4 à 5 culs, là où souvent il n'y en a qu'un ou deux) ; aussi, ce doit (et ça le sera) d'être réservé à certaines professions qui en ont une impérieuse nécessité : santé, secours et forces de paix !

https://lesvoitures.fr/voiture-electrique-jean-marc-jancovici-sont-achetees-par-des-cadres-qui-veulent-se-donner-bonne-conscience/

https://jancovici.com/transition-energetique/transports/la-voiture-electrique-est-elle-la-solution-aux-problemes-de-pollution-automobile/

Romuald
Romuald
7 mois

Pierre "croyait à l'électrique"... mais il avait oublié que les capitalistes ont comme seul objectif de réaliser, au moindre coût pour eux, le maximum de profits !
Les capitalistes sont prêts à se lancer dans n'importe quelle activité, sans formation voulue, surfer sur les tendances du moment en matière de consommation sans avertir leurs clients de ce que couvrent ou pas leur service après vente, et les laisser en plan en cas de nécessité à réparer. Ce n'est pas leur problème.
Croire à l'électrique dans une société débarrassée des capitalistes oui, mais avec eux certainement pas !