Séquelles

Chikungunya : quand le virus devient une maladie chronique

  • Publié le 19 mai 2025 à 14:44

Si beaucoup de patients du chikungunya finissent par retrouver la forme en quelques jours, ou parfois quelques semaines, les douleurs peuvent persister plusieurs années chez d'autres. Des lésions causées par le virus peuvent ne parfois jamais complètement guérir, et continuer à faire souffrir les malades des années après l'infection. C'est ce que les spécialistes appellent le chikungunya "chronique", ou "long" (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com)

"J’ai eu le chikungunya en janvier 2006, lors de la première vague épidémique. J’ai eu beaucoup de fièvre, de gros maux de tête et des douleurs articulaires importantes, notamment aux chevilles et aux poignets", témoigne Amina Tivo, âgée aujourd'hui de 67 ans.

"Cela commençait à aller mieux au bout de quatre ou cinq jours, mais les douleurs articulaires sont régulièrement revenues au cours des mois qui ont succédés la maladie", se rappelle-t-elle.  "C’est au poignet droit, où j’avais été opéré d’un kyste, et aux chevilles, que je me suis tordues à plusieurs reprises, que les douleurs étaient les plus importantes, un peu comme si le virus profitait des moindres faiblesses du corps pour s’installer", raconte-t-elle.

"Pendant près de deux ans, si je restais trop longtemps assise, me relever devenait très douloureux. J’avais l’impression d’avoir une grosse crampe qui me prenait la plante du pied, la cheville et jusque dans le genou droit. Les crises se sont espacées au fil des années", décrit la Réunionnaise.

Un témoignage qui rappelle une étude publiée en 2012 : selon l'Institut de veille sanitaire (InVS) et l'Inserm, plus de la moitié des personnes infectées par le virus chikungunya gardent des séquelles articulaires altérant de façon significative leur qualité de vie deux ans après l'infection.

"Les informations anciennes sur cette maladie suggéraient qu'environ 15% des patients infectés gardaient des symptômes de type arthralgie-arthrite deux ans après. Mais les données collectées à la Réunion après l'épidémie de 2006 qui a touché plus d'un tiers de la population de l'île ont suggéré qu'un grand nombre de patients gardaient des douleurs chroniques à long terme", observait-elle.

Une étude toujours pertinente aujourd'hui, d'après le Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS, rattaché à l’Université de La Réunion.

"Il y a encore des gens qui souffrent aujourd'hui après avoir contracté le virus en 2005 et 2006. Dans ces cas-là, on parle de phase chronique", explique-t-il, contacté par Imaz Press Réunion.

"Le chikungunya peut être considéré comme une maladie chronique, ou maladie longue, en raison des séquelles chroniques que l'on peut observer. C'est démontré, il y a eu une cohorte de patients avec qui on a des entretiens depuis 2005 pour suivre l'évolution des séquelles", détaille-t-il. Pour l'instant cependant, "on ne peut pas parler de chronicité pour l'épidémie actuelle parce que c'est trop tôt, mais on verra dans 6 mois."

- Trois phases -

"Il y a trois phases avec le chikungunya : d'abord, la phase aiguë qui est très forte, avec la multiplication du virus dans le sang, les symptômes classiques…qui peut durer jusqu'à dix jours. Cela peut aller à des symptômes beaucoup plus sévères pour les personnes avec comorbidités", rappelle le Dr Patrick Mavingui.

Ensuite, "il y a la phase post-aigüe, ou subaiguë, qui peut durer jusqu'à trois mois. Dans cette phase, les gens vont avoir l'impression que tout est fini, et subitement les douleurs reviennent, les inflammations reprennent", détaille-t-il.

"C'est un rebond qui est observé dans l'ensemble des endroits où le chikungunya est présent. Le débat continue cependant sur les causes de ce rebond, car dans la majorité des cas on ne retrouve pas de persistance virale. On suppose que ce sont les conséquences des lésions. Cette phase n'est pas encore très bien comprise, mais on sait que c'est une phase inflammatoire, qui peut se traiter avec ces corticoïdes", souligne le chercheur.

La troisième phase est la phase chronique, quand les douleurs persistent au-delà de trois mois. "On parle de séquelles chroniques, qui peuvent être aussi bien articulaires, musculaires que psychologiques. On observe des arthrites, des tendinites, des œdèmes…mais aussi de la fatigue chronique, des dépressions", indique-t-il.

Les phases subaiguës et chroniques ne concernant, heureusement, pas tous les patients.

Mais pour ceux concernés, quel traitement ? D'après l'Union régionale des médecins libéraux, "cela repose sur une évaluation initiale rigoureuse, des traitements médicamenteux, et des traitements physiques (kinésithérapie, soins locaux, rééducation)".

"La prise en charge doit être rapide, idéalement dans les premiers mois de la phase chronique pour limiter l’évolution potentiellement destructrice de ces rhumatismes inflammatoires chroniques".

Il est aujourd'hui trop tôt pour s'avancer sur la chronicité du chikungunya actuel, qui a pu être décrit comme moins "virulent" qu'en 2005.

"Il est trop tôt pour faire des conclusions. On parle d'un chikungunya moins virulent parce qu'on a moins de décès, mais il y a aussi la question de la prise en charge qui a été améliorée, c'est multifactoriel", estime le Dr Patrick Mavingui. "On ne peut pas s'avancer sur les séquelles à long terme", conclut-il.

20 après, certains à La Réunion en souffrent encore en tout cas. "Aujourd'hui, je n’ai plus besoin de thermomètre pour savoir si j’ai un début de fièvre : à la moindre petite grippe, des douleurs articulaires similaires à celles du chikungunya, s’installent dans mon poignet droit, mes chevilles et les genoux", raconte Amina Tivo.

"Cela fait 20 ans que le virus m’a attaquée, et il se fait rappeler à mon bon souvenir depuis."

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as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Cyprès
Cyprès
21 heures

Pour moi, c'est donc la phase subaiguë !
Mais que ce soit cette phase là qui est tout de même chronique ou celle très longue, les fortes douleurs affectent le corps et le moral. La dépression suit.
Depuis 2006, si les élus et les responsables s'étaient vraiment bougés pour enrayer ce virus comme cela a été fait en Nouvelle Calédonie, nous n'en serions pas là.
Quelle est la raison profonde ?

Lal
Lal
21 heures

Le chikungunya .
Ses comme le jeu de loto.
Certain gagne 3 numéro
D'autres gagne 4 numéro
Et certains gagne les 5 bons numéros Avec les numéros étoile .