BD reportage

Le drame des migrants au coeur du "Murmure de la mer" du Réunionnais Hippolyte

  • Publié le 29 avril 2024 à 14:10
  • Actualisé le 3 mai 2024 à 11:36

La BD reportage sur le thème de la migration par la Mer Méditerranée, "Le Murmure de la mer", de Hippolyte, vient de sortir à La Réunion. Le reporter et auteur de BD réunionnais a passé deux mois à bord de l'Ocean Viking, le navire de sauvetage de l'association humanitaire SOS Méditerranée. Durant cette expédition, il est passé par toutes les émotions, a expérimenté la vie de sauveteur, a découvert les complications logistiques et politiques auxquelles font face les bateaux, et a pu raconter l'histoire des nombreuses âmes qui tentent de se frayer un chemin vers l'Europe. La moitié des droits d'auteur de son livre sera reversée à SOS Méditerranée (Photo : D.R./ Le Murmure de la mer)

Hippolyte a passé deux mois d'affilée en mer, au Nord de la Libye, là où se trouve la fin de la route migratoire. L'Ocean Viking patrouille dans cette zone pour repérer les embarcations tentant de gagner les côtes européennes. "Il y en a qui viennent de RDC, de Côte d'Ivoire, de Gambie... Parfois, avec les gens qu'on sauve, on pouvait se retrouver avec plus de 400 personnes sur le bateau", raconte l'auteur réunionnais.

Après un sauvetage, les rescapés doivent être débarqués dans un port. "La mission c'est de porter secours, mais aussi de déposer en sécurité. Le plus souvent c'est en Italie. Mais ils répondent avec énormément de délai", s'agace Hippolyte.

Jusqu'en 2014, il y avait un secours européen, des gardes côtes italiens qui s'occupaient des migrants. L'Europe a depuis confié cette mission aux libyens. "Eux, ils empêchent seulement les gens de partir. Et quand ils en ramènent, ils les envoient en prison, les torturent. Donc soit ils meurent en prison, soit ils meurent en mer…", se désole l'auteur.

- Une sortie en mer coûte 24.000 euros -

Hippolyte et l'Ocean Viking ont souvent été freinés dans leur mission à cause de la politique européenne et notamment la position du gouvernement italien vis-à-vis des migrants. "L'Italie oblige les navires de secours à faire 1.500 km avant de débarquer des migrants, en imposant un trajet. Forcément, ça vide la Méditerranée de navire", explique l'auteur. Une sortie en mer coûte 24.000 euros à SOS Méditerranée, qui fonctionne à 90% grâce aux dons.

"Puis le bateau est censé appelé le centre de secours italien, sauf que les Italiens ne répondent pas", indique Hippolyte. Ainsi, lorsque l'Ocean Viking débarque les migrants, il se retrouve en dehors du droit italien, et écope d'une amende. "C'est un coût énorme pour l'association, alors qu'il y a de nombreuses vies à sauver", ajoute-t-il.

Lorsque les migrants parviennent à atteindre l'Europe, ils doivent attendre le traitement de leur demande d'asile dans des camps. "Arrivés à Lampedusa en Italie, il y a beaucoup de mineurs, les conditions de vie sont inhumaines. Heureusement certaines viennent s'occuper d'eux, comme la Croix Rouge italienne. Quand on est face à eux, on veut les aider", assure le dessinateur réunionnais.

Lire aussi - A Lampedusa, une "submersion migratoire" en trompe-l'oeil

- Dans la peau du reporter et du sauveteur -

Hippolyte a passé le premier mois de son périple à bord de l'Ocean viking comme reporter. Il a écrit une cinquantaine d'articles pour Libération et Heidi.News.

"Lors des opérations de sauvetage, l'équipage de l'Ocean Viking utilise un canot afin de se rapprocher des embarcations de fortune. Le journaliste doit être au fond à gauche et ne doit pas gêner la mission", relate Hippolyte.

"Mais s'il y a des bébés, il arrive que les sauveteurs me demandent de l'aide" se souvient-il. "Arrivée à l'embarcation, il y avait environ 20 bébés. C'est comme ça que je me suis retrouvé avec un bébé de 2 mois dans les bras. Je n'ai pas pu m'empêcher de pleurer !", souffle l'auteur.

En remerciement, l'équipage a célébré le reporter et lui a remis un diplôme (non officiel) de sauveteur, avant de lui demander de rester un mois de plus en tant que sauveteur. Énorme dilemme pour Hippolyte, épuisé par la vie en mer, et désireux de revoir son fils.

Dans sa BD, il parle d'ailleurs de son enfant, du lien qu'il a avec lui. L'éloignement et les scènes de sauvetage qui lui font penser à son fils. "Je dormais deux heures par nuit, j'étais fatigué, mais je me sentais utile, l'équipage était quasiment devenu une famille. J'ai donc appelé mon fils à La Réunion pour lui demander si je restais ou pas. Il m'a répondu "T'as pas fait 10.000 bornes pour rien, tu rentres quand tu voudras et je t'aimerai toujours", raconte le dessinateur.

- "Je voulais montrer que j'étais un mec bien" -

Dans sa BD reportage, le reporter réunionnais rapporte les histoires des migrants. Certaines l'ont particulièrement marqué. "Il y a une femme, qui était parti de Kinshasa, en RDC. Elle avait parcouru pendant deux ans des milliers de kilomètres. Elle avait un enfant d'un an et demi. Et là on a compris qu'elle avait accouché pendant son exil. Elle m'avait dit qu'en deux ans, elle n'avait pas passé une nuit en sécurité. Son rêve était de passer une nuit dans une chambre, avec son fils, au calme", témoigne-t-il.

Certains sauveteurs qu'il a rencontré lui ont expliqué s'être engagés sur l'Ocean Viking suite à un traumatisme. "Ils ont tous des histoires terribles. Yann par exemple, son frère s'est suicidé. Un autre a perdu son père quand il était enfant. Et moi à travers tout ça je voulais aussi montrer, et en particulier à mon fils, que j'étais un mec bien", avoue Hippolyte.

- "Un mur invisible où énormément de gens disparaissent" -

Selon les chiffres de différentes organisations humanitaires, 22.631 femmes, hommes et enfants ont péri, noyés en Méditerranée depuis 2014,.

SOS Méditerranée a porté secours à 39.165 personnes. "Les migrations sont un sujet dont on parle assez peu par rapport à l'ampleur du nombre de disparus. On parle souvent en termes de chiffres. Je cherchais à mettre des visages sur les histoires des rescapés et des sauveteurs. Je voulais humaniser ces gens", confie Hippolyte.

"La Méditerranée c'est un mur invisible, où énormément de gens disparaissent et que les Etats ont déserté. Puis souvent les gens sont sans papiers, donc s'ils ne sont pas signalés par les ONG, ils meurent encore plus dans l'indifférence", se désole le reporter réunionnais.


Hippolyte était déjà parti en reportage pendant un mois en 2016 à bord du Marion Dufresne, le navire ravitailleur des terres australes et antarctiques françaises (Taaf).

Le bateau avait porté secours à Kito de Pavant un marin de la course du Vendée Globe. "On a déployé des moyens énormes pour le sauver. C'est là qu'on se rend compte de la différence de traitement avec les milliers de personnes qui meurent chaque année", compare Hippolyte.

Le marin avait ensuite été débarqué à La Réunion.

Lire aussi - Le skipper Kito de Pavant est arrivé à La Réunion à bord du Marion Dufresne

Il ajoute, "il y a des gens qui prennent la mer pour le défi, l'aventure, le plaisir. D'autres qui y vont pour survivre, qui n'existent pas et qu'on ne sauve pas."

• BD reportage de Hippolyte "Le Murmure de la mer" des éditions Les Arènes en vente dans les librairies de l'île. La moitié des droits d'auteur de son livre sera reversée à SOS Méditerranée.


dm/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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5 Commentaires
Phil
Phil
2 semaines

BD indispensable , courrez l'acheter ! Hippolyte , tyen bo larg pa et merci !

payet
payet
2 semaines

@maria les gens fuient la misére qu ils soient de gauche ou de droite,comme les cons yen a partout et ca peut nous arriver,votre commentaire haineux et egoiste ne sert à rien à part soulager votre égaux,soyez honteux!

payet
payet
2 semaines

les gens fuient la misére qu ils soient de gauche ou de droite,comme les cons yen a partout et ca peut nous arriver,votre commentaire haineux et egoiste ne sert à rien à part soulager votre égaux,soyez honteux!

payet
payet
2 semaines

bravo beau témoignage! respect!

Maria
Maria
2 semaines

Trop de migration et trop de gens. La gauche en profite