Plusieurs affaires de trafic de stupéfiants, des drogues dures en l'occurrence, ont été révélées à La Réunion et dans l'océan Indien ces dernières années. Cette situation s'est installée du fait d'une augmentation de demande de cocaïne, LSD, cannabis résine et d'ecstasy. "Les investigations menées par les différents services de police, de gendarmerie, des douanes ont permis des saisis records et des résolutions d’enquêtes internationales" indique l’État. Le préfet, Jérôme Filippini, et Véronique Denizot, la procureure de Saint-Denis, sont allés à la rencontre des différentes équipes engagées dans la lutte contre les trafics ce vendredi 7 juillet 2023 à l'aéroport Roland Garros (Photo sly/www.imazpress.com)
Selon les chiffres publiés par la préfecture ce vendredi, en 2022, 137 kg de cannabis (+384 % par rapport à 2021), 16 kg de cocaïne (+274 % par rapport à 2021) et 90.000 comprimés d’ecstasy ont été saisis.
"Le recours à l'amende forfaitaire délictuelle (pour les consommateurs de drogues - ndlr) est en augmentation de 83% à La Réunion, de 321 en 2021 à 589 en 2022" ajoute l'Etat.
En 2023, les infractions à la législation sur les stupéfiants ont augmenté de +95%. Pour les amendes forfaitaires délictuelles, elles sont passées de 167 au premier semestre 2022 à 558 au premier semestre 2023 soit une évolution de 234%.
"Depuis le début de l’année, 124 kg de résine de cannabis, 15 kg de cocaïne, 2 kg de MDMA et 18 300 comprimés d’ecstasy ont été saisis" énumère la préfeture.
Après l'annonce des premiers chiffres de 2023, le préfet, en déplacement à Gillot, a affirmé que la consommation de drogue était en augmentation sur l'île. "Elle est alimentée par des trafics que l'on tente de réduire. La drogue n'est pas la bienvenue à La Réunion, elle n'a pas sa place" a-t-il lancé.
"J'interpelle aussi les consommateurs car le trafic n'existerait pas s'il n'y avait pas de demande. J'invite chacun des réunionnais à se demander si en consommant soi-même de la drogue ils ne sont pas en train d'alimenter le crime" a-t-il ajouté.
- De plus en plus de drogues dures -
Sur une table, les saisies récentes ont été exposées ce vendredi au service des douanes de l'aéroport avec des drogues qui étaient encore inconnues à La Réunion il y a une dizaine d'années.
Le responsable du pôle e-commerce, qui s'occupe du contrôle des colis arrivés par voie postale, a tenu à porter l'attention sur un produit en particulier trouvé par ses agents cette semaine.
"Nous avons ici un exemple de produit extrêmement dangereux qui constitue une première découverte à La Réunion. Jusque-là, la France avait été totalement épargnée" a-t-il précisé.
Le produit se présentant sous forme de poudre n'est autre que de la xylazine qui associée à un opioïde tel que le fentanyl est connu sous le nom de "drogue du zombie".
Initialement utilisée en anesthésiant pour des animaux de gros gabarit comme les éléphants, cette drogue fait des ravages aux États-Unis.
"L'enveloppe saisie n'arrivait pas de l'Hexagone. Nous allons alerter l'ensemble des services douaniers français mais aussi européens pour les informer de cette saisie qui met en danger la santé publique" a affirmé l'inspecteur des douanes.
Autre phénomène nouveau du côté de Gillot, les douanes ont récemment saisie 1,8 kg de méthamphétamine en provenance des Comores.
- L'aéroport, lieu de transit -
Si le port de Sainte-Rose est souvent le point d'arrivée des trafiquants de drogues, venus de l'île Maurice amener leur marchandise, l'aéroport de Gillot constitue lui aussi un lieu de transit.
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Le 26 juin, une jeune femme en provenance de l'Hexagone a été interpellée à l'aéroport en possession de 120 doses de cocaïne. La passagère avait ingurgité la drogue. Le lendemain, c'est un jeune homme également en provenance de France hexagonale qui a été interpellé. Il avait ingurgité 40 doses de cocaïne.
Peu avant, le 3 mai, une élue de métropole, mère de famille, a elle aussi été arrêtée à Gillot avec 10 kg de hachich, 1 kg de cocaïne et 2.000 buvards de LSD. La tête du réseau, un homme basé à Créteil mais venant plusieurs fois à La Réunion a lui aussi été interpellé.
En 2022, le 30 octobre, les agents de la Brigade de Surveillance Extérieure (BSE) de Saint-Denis Gillot avaient procédé au contrôle de deux passagers au comportement suspect en provenance de Paris. Les individus ont déclaré se rendre à La Réunion pour des vacances, et ne pas se connaître malgré des indices laissant induire le contraire.
L’incohérence des propos tenus par ces passagers par rapport à leur profil "passager" a conduit le service à approfondir leur contrôle. Les tests urinaires ont démontré la présence de cocaïne alors que les individus déclarent ne pas être consommateurs. Les radiographies réalisées au CHU ont confirmé la présence de 38 ovules de cocaïne, soit 317 grammes pour le premier passager et 70 ovules, soit 577 grammes pour le second passager, soit 900 grammes de cocaïne. Les deux "mules" ont été remises à la police judiciaire.
- Le phénomène des mules s'intensifie -
Depuis le début de l'année, neuf mules ont été arrêtées d'après Nicolas Le Gall, directeur régional des douanes à La Réunion, soit le même chiffre que sur l'année 2022 en seulement six mois.
Pour rappel, les mules, sont des passeurs de drogues, en l'occurrence ici de cocaïne, qui transportent la marchandise sur eux, dans leurs valises ou même dans leur corps en l'ingérant à l'aide d'ovules.
"Nous avons une recrudescence de saisie de cocaïne sur l'aéroport de Gillot avec de plus en plus de personnes qui ingèrent des ovules ce qui nous demande beaucoup de travail" a exprimé Jean-Pierre Deleage, responsable des douanes à Gillot pour qui les contrôles s'annoncent encore plus difficiles à l'approche des vacances.
"Plus il y a de passagers plus il est facile de s'insérer en essayant de passer au milieu des touristes" a-t-il ajouté.
Les profils des mules sont depuis le début de l'année très variés selon Véronique Denizot, la procureure de Saint-Denis. "Ce sont pour la plupart des personnes en détresse financière attirées par le gain facile malgré les dangers" a-t-elle développé avant de rappeler les peines encourues.
Les mules risquent des peines de 10 ans d'emprisonnement. Jusqu'à présent, les personnes interpellées ont été condamnées à un an d'emprisonnement minimum par le tribunal judiciaire de Saint-Denis.
"Quel que soit l’âge et les personnalités, qui peuvent être attachantes, les représentants de la loi n’ont pas faibli en les condamnant lourdement dans l’idée de dissuader et donner des peines exemplaires afin de faire en sorte que ce phénomène ne perdure pas et ne prenne pas plus d’ampleur" a conclut la procureure.
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