Trafics en hausse

Drogue : La Réunion n'est pas (encore) une plaque tournante, mais les réseaux sont de mieux en mieux organisés

  • Publié le 24 mai 2023 à 08:55
  • Actualisé le 24 mai 2023 à 09:26

En 2018, Imaz Press vous posait la question : craignez-vous que La Réunion devienne une plaque tournante de drogue dans l'Océan indien ? Une majorité d'entre vous s'en inquiétait. Six années après, si le terme "plaque tournante" n'est pas encore utilisé par la justice et l'État, l'on constate la mise en place de plusieurs réseaux organisés entre La Réunion, l'île Maurice et l'Hexagone (Photo d'illustration : sly/www.imazpress.com)

Si certains auteurs de ces trafics court toujours, d'autres sont pris les mains dans le sac. Dernier fait en date, le navire échoué au port de l'Anse des Cascades fin avril. Trois hommes – des footballeurs connus à Maurice – ont été interpellés. Depuis, ils sont en détention provisoire.

La préfecture de La Réunion a fait savoir, le 9 mars, qu’un peu plus d’une tonne d’héroïne (1.069 kg plus précisément) avait été interceptée par le Bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer [BSAOM] "Champlain", dans les eaux territoriales françaises. Il s’agit d’une "saisie record", a-t-elle souligné.

Autre affaire, celle révélée par un média local ce 24 mai 2023. Une élue de métropole, mère de famille, a été arrêtée le 3 mai dernier à Gillot avec 10 kg de hachich, 1 kg de cocaïne et 2.000 buvards de LSD. La tête du réseau, un homme basé à Créteil mais venant plusieurs fois à La Réunion a lui aussi été interpellé.

Ces nouveaux dossiers confirment qu'un véritable réseau est mis en place vers La Réunion et dans l'Océan indien.

- Des réseaux très organisés -

Dès lors peut-on parler de "plaque tournante" de la drogue à La Réunion ? Pour Caroline Calbo, procureure de la République de Saint-Pierre, la réponse est "non". Toutefois, "le trafic local se transforme avec des réseaux d'exportation organisés vers Maurice d'herbe de cannabis", déclare la magistrate.

Actuellement dans les juridictions de La Réunion, "plusieurs enquêtes sont en cours, mais il n'y en a pas forcément plus, au regard de la charge d'activité des enquêteurs sur d'autres contentieux", précise la magistrate.

La procureure précise ensuite que "des services d'enquête spécialisés sur les stupéfiants sont désormais présents sur l'île (antenne de l'office anti-stupéfiants), ce qui permet de développer des enquêtes plus poussées sur les trafics internationaux".

"Le sujet des infractions à la législation sur les stupéfiants est une préoccupation réelle et le suivi que nous assurons des affaires judiciaires nos éclaire sur la régularité et l’ampleur de trafics", précise Véronique Denizot, procureure de Saint-Denis. "Je ne pense néanmoins pas que l‘on puisse employer le terme de plaque tournante."

"En termes de lutte contre la délinquance, j’inscris ce sujet à l’ordre des priorités de l’action publique du parquet de Saint-Denis et les magistrats du parquet sont pleinement mobilisés aux côtés des services enquêteurs et associés aux politiques de prévention des addictions pour agir aussi dans notre domaine de compétence sur le plan de la santé publique", ajoute la magistrate.

Vincent Pardoux, secrétaire départemental de FO pénitentiaire, constate un "phénomène qui n'existait pas auparavant au centre pénitentiaire de Domenjod". "Nous recevons en centre de détention de plus en plus des mules, des personnes interpellées à l'aéroport à leur arrivée à La Réunion avec de la drogue sur elles ou dans leurs bagages", ajoute-t-il. Regardez

Les derniers chiffres publiés par préfecture confirment que les trafics de stupéfiants sont en hausse. "La lutte contre ce véritable fléau à La Réunion est une priorité pour les services de police, de gendarmerie et les douanes" note l'Etat.

L’évolution du marché de la drogue est constante à La Réunion, remarque la préfecture. "La montée en gamme et développement des méthodes d’acheminements et des moyens de dissimulation par le biais du fret postal, des liaisons aériennes, des"mules" et des voiliers notamment" sont aussi soulignées par les autorités.

Ces trafics sont particulièrement fructueux pour les trafiquants. Les prix étant bien à la hausse par rapport à la métropole. À La Réunion, l'ecstasy coûte 20 à 25 euros le cachet contre 5 à 10 en Métropole. La MDMA coûte elle 120 euros le gramme contre 60 dans l'Hexagone. Le prix de la cocaïne est entre 120 et 180 euros le gramme contre 60 à 70 euros en métropole. Le LSD est au prix de 20 euros le "carton" contre 10 euros en métropole.

Pour rappel, "tout trafic de stupéfiants (cannabis, cocaïne, MDMA, ecstasy…) est punissable de 10 ans d'emprisonnement", précise la procureure Caroline Calbo.

Un constat que fait également le Docteur David Mété, chef du service addictologie au CHU Nord. "Il y a une augmentation très préoccupante des consommations de cocaïne à La Réunion." "Auparavant d'usage anecdotique, cette substance est en quelques années devenue banale", déplore-t-il.

"Nous interpellons depuis plusieurs années les autorités face à ce constat en renforçant les mesures de contrôle afin de protéger notre département mais aussi à renforcer les mesures de prévention auprès des jeunes et de la population en générale. Nos structures d'addictologie qui fonctionnent dans des conditions de tension sont en difficulté pour répondre aux demandes de prise en charge qui s'avèrent souvent lourdes avec des substances à très fort potentiel addictif comme la cocaïne", déclare le Docteur David Mété.

- Sainte-Rose, un lieu stratégique -

Les filières sont très organisées. Souvent, c'est le port de Sainte-Rose - voie la plus rapide entre les deux îles -, qui devient le port d'arrivée de ces trafiquants de drogues, venus de l'île sœur amener leur marchandise.

Le port de Sainte-Rose est le point de chute de ces présumés trafiquants. Un lieu discret pour les navires. Toutefois, les forces de l'ordre ne sont pas dupes. C'est d'ailleurs lors d'une saisie record de 42 kilos d'héroïne en 2016 que la police s'est rendu compte de l'intérêt stratégique de ce site. À l'époque, la drogue avait été saisie sur le bateau dans le port de Sainte-Rose.

Une ampleur encore plus mise en lumière en juin 2019 lors de l'interception de 142 kilos de cannabis. Mais également le 17 juin 2022 lorsqu'un pêcheur signale la présence de sacs suspects sur le secteur de la Marine. Arrivés sur place, les gendarmes procèdent à l’interpellation d’un individu et à la saisie de 19 sacs de sport contenant 147 kg de cannabis (têtes) et 1 kg de résine de cannabis.

D'ailleurs, un récent rapport de la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GIATOC) datant de 2021, sur l'évolution du commerce des produits illicites dans l'ouest de l'Océan indien, évoque la façon dont procèdent les trafiquants pour acheminer des produits illicites.

À La Réunion, ces réseaux sont davantage présents avec l'augmentation de demande de cocaïne, LSD, cannabis résine et l'extase.

Pour faire face à ces trafics en expansion, les représentants des Seychelles, de Madagascar, des Comores, de Djibouti, d'Afrique du Sud, de Tanzanie, du Kenya et bien évidemment de La Réunion se sont d'ailleurs rassemblés à Maurice fin avril pour mieux lutter contre les trafics de drogue dans la zone.

Les représentants de ces Etats ont souligné l’importance d’une coopération régionale pour faire face à la consommation croissante de drogues et à l’introduction de nouvelles substances psychoactives. Ils ont également reconnu que le marché de la drogue dans la région se fait principalement par les routes maritimes. Ils ont souligné que la Commission de l'Océan indien joue un rôle central dans la sécurité maritime de la région.

La conférence a abouti à l’adoption de quatre axes principaux pour une approche intégrée et transversale dans la lutte contre la drogue : la prévention, la lutte contre les trafics, les aspects sanitaires et sociaux, ainsi qu’une coopération et une coordination régionales et internationales renforcées.

Une délégation de la Mauritius Police Force (MPF) est même venue à La Réunion du 16 au 18 mai pour échanger avec les forces de l'ordre de l'île. "Des pistes très concrètes et variées à mettre en oeuvre pour poursuivre sur la voie d'une coopération renforcée et durable ont été discutées."

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- Le port, l'aéroport, la Poste... des lieux de transit pour les marchandises -

Mais le port de Sainte-Rose, n'est pas la seule terre d'accostage pour les trafiquants de drogue. Le port maritime et l'aéroport de Gillot sont aussi des lieux où transitent les marchandises.

Fin 2021, l'interpellation d’un individu transportant 37 cachets d’ecstasy déclenchait une enquête de plusieurs mois. Les investigations ont mis à jour l’existence d’un réseau structuré d’importation de produits stupéfiants dirigé depuis Marseille (13), par un individu.

Les commandes se faisaient ainsi sur le réseau social Snapchat avant envoi dans des colis postaux. Les paiements étaient réalisés par le biais de Moneygram. Quatre personnes avaient été placées en détention provisoire. A l'issue du procès l'auteur principal a été condamné à trois ans de prison. Deux véhicules, 1.276 cachets d’ecstasy, 290 grammes de résine de cannabis et 60.130 euros avaient été saisis.

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Le 30 octobre 2022, les agents de la Brigade de Surveillance Extérieure (BSE) de Saint-Denis Gillot ont procédé au contrôle de 2 passagers au comportement suspect en provenance de Paris. Les individus originaires de métropole ont déclaré se rendre à La Réunion pour des vacances, et ne pas se connaître malgré des indices laissant induire le contraire.

L’incohérence des propos tenus par ces passagers par rapport à leur profil "passager" a conduit le service à approfondir leur contrôle. Les tests urinaires ont démontré la présence de cocaïne alors que les individus déclarent ne pas être consommateurs. Les radiographies réalisées au CHU ont confirmé la présence de 38 ovules de cocaïne, soit 317 grammes pour le premier passager et 70 ovules, soit 577 grammes pour le second passager, soit 900 grammes de cocaïne. Les deux "mules" ont été remises à la police judiciaire.

En 2019, ce sont trois jeunes femmes d'une vingtaine d'années qui ont été interpellées à leur arrivée à l'aéroport Roland Garros. En provenance de Métropole, elles transportaient une trentaine de kilos de résine de cannabis et 2.700 cachets d'ecstasy.

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Les réseaux sociaux aussi participent au trafic de stupéfiants. En 2020, un homme qui utilisait son profil sur le réseau social Facebook pour proposer à la vente divers modèles de cachets d'ecstasy a été interpellé. En 2022, deux hommes sont interpellés. Deux individus qui proposaient de l'herbe et de la résine de cannabis en vente sur les réseaux sociaux.

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Si Maurice et l'Hexagone sont donc des points d'échange, Dubaï l'est également. Le 8 février 2023, trois hommes et deux femmes ont été mis en examen, soupçonnés d'avoir blanchi de l'argent en lien avec un trafic de cocaïne entre La Réunion et les Émirats.

L'actualité récente montre que les trafics de stupéfiants sont partout en augmentation et provoquent des faits particulièremnt violents. Dans les villes moyennes, comme à Marseille, les règlements de compte et fusillade sur fond de drogue sont en augmentation.

Ces dernières semaines, on recense ainsi deux morts à Cavaillon, dans le Vaucluse, une personne tuée à Valence, dans la Drôme, et encore cinq blessés à Villerupt, en Meurthe-et-Moselle, près de la frontière luxembourgeoise, tous en lien avec le trafic de drogue.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé, lors d'un déplacement dans les Yvelines le 10 mai dernier, le déploiement de 500 policiers supplémentaires dans les villes de taille moyenne à partir de septembre prochain.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
ben
ben
1 an

la seule solution c est la legalisation,les pays qui ont franchis le pas ,aucun n a fait marche arriere et les resultats sont là: moins de traffic moins de consommation,par contre dans les pays aillant declarés la guerre à la drogue comme le mexique ou nicaragua ce sont des milliers de morts,à vous de choisir et de voter pour la repression inéfficace ou les soins et preventions legalisations! la politique de la droite et de l extreme droite sont à court termes et ne resolvent rien!