Mayotte

Chido : mobilisation massive des bénévoles pour aider les sinistrés

  • Publié le 9 janvier 2025 à 07:38
  • Actualisé le 9 janvier 2025 à 09:30

Trois semaines après le passage de Chido, les dégâts sont toujours bien visibles à Mayotte. Alors que le gouvernement a dépêché sur place de nombreux renforts, la population s'organise aussi entre elle pour venir en aide aux sinistrés. Aide alimentaire, sanitaire, ou encore déblaiement des routes : les associations et habitants s'activent pour pallier les manquements des secours (Photo AFP)

De simple habitant à bénévole : le cyclone a tout fait basculer du jour au lendemain à Mayotte. Alors que les dégâts y sont toujours aussi nombreux, même si les réseaux électriques et d'eau potable sont petit à petit rétablis, de nombreux citoyens se mobilisent sur place pour apporter de l'aide aux sinistrés.

"Depuis le passage du Chido, nous faisons des distributions de packs bébé, alimentaire et santé", explique Dorian, un habitant de Petite Terre, qui a réussi à lever des fonds grâce aux réseaux sociaux pour les redistribuer sur place.

Une dizaine de distributions a pu être réalisée à Labattoir, en l'espace de trois semaines, grâce aux dons et à l'aide de quatre de ses amis. "Nous avons pris en charge plus de 120 familles de notre quartier grâce à notre cagnotte en ligne qui a atteint 10.000 euros", se félicite-t-il.

"Les packs bébé comprennent des couches, du lait infantile, des lingettes bébé, des serviettes hygiéniques, du savon de Marseille…Les packs alimentaires comprennent de la farine, du sucre, du riz, des boites de sardines, du jus, du maïs, deux boîtes de tomates pelées, du dentifrice, une brosse à dents", détaille le bénévole.

"Les packs santé comprennent par ailleurs des compresses, des antiseptiques, du sparadrap, des pansements, du Smecta, du Doliprane, des préservatifs, du sérum physiologique…"

 

"Nous faisons une maraude dans le quartier (de Labattoir ; ndlr) afin de recenser les familles ayant des enfants de moins de 2 ans, pour savoir qui a besoin des packs bébé, et créons une liste", explique Dorian.

"Chaque personne doit ensuite se présenter sur le lieu de distribution, qui est en fait notre ancien salon qui n’a plus de toit, et doit attendre que nous l’appelions pour venir récupérer le pack. Pour le pack alimentaire, c’est le même principe, tandis que pour le pack santé nous distribuons directement chez les familles."

- Les restaurants solidaires des sinistrés -

"On s'est chargé de distribuer de l'eau, et on est allé dans les quartiers vraiment difficiles d'accès", explique un autre bénévole, Dylan, qui intervient aussi dans Petite Terre. "On est peut-être une vingtaine de bénévoles qui essaie d'aider le maximum de personnes."

Grâce à des dons de restaurateurs, son équipe distribue des repas aux sinistrés. "Ils font des plats, grâce à l'aide de l'ONG World central kitchen, qui finance les matières premières. Les restaurateurs cuisinent, et nous on les livre dans les quartiers", détaille-t-il. "On change régulièrement de lieu pour toucher le maximum de personnes. On ne peut pas laisser les gens mourir de faim", lance-t-il.

Pour les distributions de repas, Dylan explique "que son équipe a l'habitude d'organiser des actions logistiques" en raison de leurs compétences personnelles. "On essaie aussi de ne pas livrer toujours au même endroit, on s'organise le mieux possible pour toucher le plus de personnes."

Nourriture, eau et santé : voilà les priorités des bénévoles. "Après le passage de Chido, c'était vraiment l'apocalypse. Pas d'eau, pas de gaz, pas d'électricité…La priorité c'était l'eau et la nourriture", insiste Dylan.

"Pour nous, les priorités actuellement sont l’accès à l’eau potable et aux médicaments. Nous craignons une réelle crise sanitaire. Entre les poubelles qui ne sont pas ramassées, les bactéries dans la viande et le poisson, la chaîne de froid ne pouvant être respectée, faute d’électricité…", abonde Dorian.

"Nous observons une véritable carence sanitaire sur le terrain. À tel point que lors de nos distributions des packs santé, nous ressentons de véritables tensions. On a d’ailleurs eu une petite émeute il y a quelques jours, pendant laquelle nous avons cru mourir", assure-t-il.

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- Les associations se mobilisent -

Les associations locales, déjà présentes sur le territoire avant le cyclone, sont aussi mobilisées. "Nous avons pu intervenir en Petite Terre et à Mamoudzou, dans un premier temps pour déblayer et dégager les décombres pour faciliter l’accès des secours", explique l'association Maor'Aide.

"Par la suite, ça a été un travail de communication sur le terrain pour orienter les gens vers les centres d’hébergement et les lieux de distributions. Nous avons aussi organisé des cuisines géantes en plein air sur Kaweni, qui est certainement le village le plus peuplé de Mayotte", détaille-t-elle.

Avec le manque d’électricité et d’eau, et le peu de courses possible, "on a tâché d’optimiser au maximum pour nourrir un maximum de personnes", dit-elle. "Lorsque les stocks seront reconstitués chez nos fournisseurs habituels, nous reprendrons les distributions de sac de riz, sardine, tomate, farine et huile", annonce l'association.

Maor'Aide œuvre sur le terrain depuis quatre ans. "Il n’y a aucun critère pour nous rejoindre, toute personne qui intervient sur Mayotte et souhaite apporter ses compétences, selon son corps de métier, est la bienvenue. Pour l’heure, il y a 59 membres sur notre canal WhatsApp, et nous essayons de définir ensemble des responsables secteurs sur chacune des communes de l’île pour identifier les besoins et cibler au mieux pour aider", détaille-t-elle.

L'association Bien'Vaillant, qui a originellement le but "de changer le regard des jeunes sur eux-mêmes" et qui intervient dans les quartiers les plus précaires, s'est mobilisée pour déblayer les routes et les habitations.

"Notre objectif est, de base, de donner des missions aux jeunes pour qu'ils rendent service à la communauté et aux associations, pour les amener vers des formations professionnelles et les sortir de la délinquance. Aujourd'hui, on se concentre sur la reconstruction de Mayotte", explique l'association, qui intervient principalement à Mtsapéré, un quartier de Mamoudzou.

"On reconstruit les maisons, on vide les terrasses, on essaie d'assainir les rues", détaille-t-elle. Les jeunes du quartier se rapprochent des habitants pour noter leurs besoins, et les aident à déblayer leur quartier.

La priorité, "c'est donner des moyens à la population de reconstruire". "On ramène des matériaux de reconstructions, des outils, des équipements. Avec les dons qu'on reçoit, on achète du matériel de protection."

Mayotte "est confrontée à énormément de défis". "Tous les jours est un défi pour les jeunes, et malheureusement certains décident d'abandonner leurs études et deviennent des cibles. Les jeunes de Mayotte souffrent énormément, c'est pour ça qu'on les accompagne."

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- L'Etat attendu -

L'absence de l'Etat dans les quartiers les plus isolés a, à de nombreuses reprises, été dénoncée.

"On est tellement pris dans tout ce travail humanitaire qu'on prête plus attention à ce que fait l'Etat", souffle Dylan. "On entend qu'il y a des millions d'euros débloqués, des dons, mais nous sur le terrain on voit des gens affamés. C'est ça qui est important pour nous", explique-t-il.

"On n'a pas eu le sentiment qu'il y ait eu une véritable aide sur le moment. Mais aujourd'hui ça va mieux", estime-t-il.

Pour Dorian, cependant, "nous nous sommes vraiment sentis abandonnés ces dernières semaines".

"Surtout que l’aide est apportée à la population française. Les personnes sans papiers ne peuvent profiter des distributions, car on leur demande une carte d’identité", dénonce-t-il. "Aucun organisme, aucune distribution organisée par l’Etat n’est arrivée dans les bidonvilles, dans notre quartier non plus", assure le bénévole. "Pourtant, ce sont ces populations qui sont le plus à risques et à même de créer des épidémies à grande échelle sans prise en charge concrète."

L'association Maor'Aide estime, elle, ne pas se sentir "légitime pour parler de l’action de l’Etat et de juger si elle est suffisante ou non". "Nous tâchons d’agir à notre échelle comme nous l’avons toujours fait, avec uniquement grâce aux dons et la générosité des contributeurs", souligne-t-elle.

Elle précise d'ailleurs que si des bénévoles souhaitent venir aider, "ce sera avec grand plaisir, toute aide est importante et sera prise en compte." "Les dons sont aussi les bienvenues, nous tâchons d’en faire le meilleur usage possible pour aider un maximum de personnes."

as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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