Un système sous pression

Santé à La Réunion : élus et professionnels exigent plus de moyens

  • Publié le 21 mars 2025 à 17:21
  • Actualisé le 21 mars 2025 à 17:34

Face aux défis croissants du secteur de la Santé à La Réunion, élus, professionnels de santé et représentants syndicaux se sont réunis ce jeudi à la Région. L'occasion de faire le point sur la situation actuelle et mettre en avant le manque de moyens. Un contexte jugé critique qui nécessite une intervention urgente de l'État. (Photo rb/www.imazpress.com)

"L'heure est grave" a martelé la présidente de Région, Huguette Bello, ce vendredi 21 mars 2025, alors qu'elle réunissait élus, représentants des professionnels de santé et des syndicats. Un temps d'échange qui a permis de mettre sur la table les défis majeurs du système de santé à La Réunion, liés à l'augmentation de la demande de soins, aux crises sanitaires et climatiques ainsi qu'à des contraintes budgétaires importantes.

Le passage du cyclone Garance a, en effet, mis en évidence la vulnérabilité des infrastructures de santé de l'île. La présidente de Région insiste sur la nécessité d’un système sanitaire plus robuste, capable de s’adapter aux dérèglements climatiques et crises sanitaires successives. "L'immobilisme sous toutes ses formes est l'ennemi de la santé des Réunionnais, il est de notre devoir de le combattre", affirme Huguette Bello.

- "Faire plus et mieux avec moins de moyens" -

À cela s’ajoute un problème structurel : un manque criant de moyens humains et financiers. "Nous devons faire plus avec moins", déplore la présidente de Région, citant le rapport 2023 de la Direction régionale des finances publiques qui pointe une "rupture d’égalité" dans les dotations hospitalières entre La Réunion et l’Hexagone. La Réunion figure parmi les cinq CHU ayant la plus forte activité en France avec une augmentation de + 6,28% d'activité en 2024. Cependant, nous enregistrons le taux d'emploi hospitalier le plus bas, soit 13‰ à La Réunion contre 17‰ dans l'Hexagone). 

Malgré la réduction de son budget d'investissement (PPI 2025-2023) de près de 70 millions d'euros, le déficit du CHU ne cesse de croître, nécessitant une nouvelle aide de trésorerie de 25 millions d’euros, après les 40 millions déjà accordés l’an dernier. Écoutez la présidente de Région à ce sujet.

- Pas suffisamment de lit - 

La situation est également tendue dans l'ouest, où les besoins en lits sont criants. "Le CHOR devait être construit avec 450 lits et places, on n’a finalement validé que 310. Aujourd’hui, on voit bien que ça ne correspond pas aux besoins", dénonce Emmanuel Séraphin, président du conseil de surveillance du CHOR et maire de Saint-Paul. Une extension de 110 lits est prévue, mais son financement reste incertain.

Le GHER, quant à lui, subit de plein fouet les conséquences du cyclone Garance. "Les dégâts sont estimés à 600.000 euros, avec un impact budgétaire de 450.000 euros", explique Patrice Selly, président du conseil de surveillance du GHER et maire de Saint-Benoît. Fenêtres brisées à cause des vents forts, coupures d’électricité et d’eau, infiltrations… les infrastructures sont fragilisées, tandis que les services sont saturés en raison des suites de la crise du chikungunya. Huguette Bello en parle.

- Même combat pour les hôpitaux publics et privés -

Autour de la table, les représentants des personnels hospitaliers ont pris la parole pour exprimer leur détresse face à la situation actuelle. "L’hôpital n’a plus d’argent pour payer ses fournisseurs. Certains médicaments manquent. Beaucoup de médecins veulent partir car les conditions ne sont plus acceptables", alerte le Dr Peter Von Theobald, président du collectif des médecins. 

Dans le secteur privé, la situation est tout aussi alarmante. "Nous assurons 85 % de l’offre de soins en réadaptation. Une réforme budgétaire menace l’équilibre global de notre système de santé", avertit Sylvie Clain-Vitry, présidente de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Elle réclame une adaptation immédiate des financements pour éviter la fermeture de services. Une pétition a été lancée et une table ronde est en préparation pour alerter le gouvernement.

- 31 millions d'euros manquants pour le Pôle Femme-Parent-Enfant -

Lors de son intervention, la maire de Saint-Denis, Ericka Bareigts, a dénoncé avec force l’injustice du sous-financement de la santé à La Réunion et le risque d’un abandon progressif des projets essentiels pour l’avenir du territoire. Elle a rappelé l'importance de l’hôpital public, qualifié de "pilier" du parcours de soins réunionnais, et souligné l’urgence d’investir davantage pour faire face aux défis sanitaires croissants.

"On doit sans cesse se justifier pour obtenir des équipements pourtant indispensables", a-t-elle martelé, regrettant que des avancées soient souvent perçues comme des acquis, alors que les besoins restent criants.

Parmi les dossiers prioritaires qu’elle défend, figurent la construction du Pôle Femme-Parent-Enfant, actuellement freinée faute de financements suffisants (31 millions d'euros). Huguette Bello en parle dans la vidéo ci-dessous :

Ce service permettrait le développement d’une offre de chirurgie cardiaque congénitale sur l’île, qui éviterait aux familles de devoir envoyer leurs enfants dans l'Hexagone. "On ne peut pas continuer à accepter qu’il y ait 13 ans d’écart d’espérance de vie entre les plus riches et les plus précaires", a-t-elle conclu, appelant à une mobilisation générale pour exiger plus de moyens et de justice pour la santé des Réunionnais.

- "Demain, ce sera nous dans ces lits" -

Également présents, les représentants syndicaux ont dénoncé une dégradation alarmante des conditions de travail et de prise en charge. Avec gravité, Jean-Marc Velia, représentant de la CFDT, a mis en lumière une réalité souvent oubliée : derrière les murs du CHU, ce ne sont pas seulement les soignants qui font tourner l’hôpital, mais des milliers de travailleurs, tous essentiels au bon fonctionnement du système de santé.

Il rappelle que la crise sanitaire et les épidémies successives, comme la dengue ou le chikungunya, ont déjà prouvé la vulnérabilité du système, pourtant, les moyens continuent de manquer. "Un jour, ce sera nous dans ces lits, à attendre une heure, peut-être plus, avant qu’un soignant ne puisse venir", dit-il avec émotion et déterminé à ne pas laisser La Réunion devenir un territoire de santé sacrifié.

"Les soignants sont à bout", prévient quant à lui un représentant de FO. La semaine dernière, 30 arrêts maladie ont été enregistrés dans un service du CHU. On attend que ça explose ?"

D'une même voix, l’ensemble des intervenants s’accorde sur une chose : la santé des Réunionnais ne doit plus être reléguée au second plan. Alors que l'île traverse une crise sanitaire et sociale majeure, les acteurs du secteur exigent des réponses immédiates de la part du gouvernement. "Nous ne sommes pas calme face à cela", assure la présidente de Région.
 
 

vg/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

 

 

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1 Commentaires
Docteur maboule
Docteur maboule
1 semaine

Quand on connaît à qui appartiennent les hôpitaux privés on comprend mieux cette réaction et ce soutien.