À l'âge de 86 ans (actualisé)

Écrivaine et militante, la Réunionnaise Anne Cheynet est décédée

  • Publié le 23 mai 2025 à 13:25
  • Actualisé le 23 mai 2025 à 16:37

Ce vendredi 23 mai 2025, Anne Cheynet s'en est allée. L'écrivaine et militante de la cause réunionnaise est décédée à l'âge de 86 ans, ont annoncé ses proches. La cérémonie d'adieu aura lieu ce samedi 24 mai à 15 heures au centre funéraire de la Ligne Paradis (Saint-Pierre), avant la crémation (Photo : Facebook)

Anne Cheynet est née le 23 août 1938 à Saint-Denis où elle passe son enfance dans le quartier de Saint-François avant de s'envoler pour l'Hexagone pour faire des études de psychologie.

Artiste totale - romancière, conteuse, musicienne, danseuse, peintre, comédienne - Anne Cheynet avait de multiples facettes. Elle a d'ailleurs débuté sa carrière comme professeur de lettres au collège de Cayenne à Saint-Pierre en 1963.

Femme investie, elle part enseigner à Madagascar puis à Paris avant de revenir dans son île.

Son premier recueil de poésie Matanans et Langoutis (1972) et surtout son roman Les Muselés (1977) la lancent dans le monde littéraire engagé. Elle attendra plusieurs années avant de publier un autre ouvrage "Rivages Maouls – Histoires d’Annabelle, récit autobiographique", en 1994.

En 2014, elle publie aux Éditions Orphie Petite source, un album jeunesse illustré par Biscuit et chez Surya Éditions Histoires revenues du Haut Pays, un recueil de 14 histoires.

Imaz Press tient à présenter ses plus sincères condoléances à ses proches.

Dans un communiqué de presse, Huguette Bello a salué une "figure incontournable de la littérature réunionnaise et voix engagée pour la justice sociale et la reconnaissance de l’identité créole".

"Femme de convictions, Anne Cheynet a toujours œuvré pour que la culture réunionnaise soit reconnue, valorisée et transmise. Son travail littéraire, son courage intellectuel et son humanité ont profondément marqué plusieurs générations", a réagi la présidente de Région, présentant ses condoléances aux proches de l'artiste.

Le PCR a également adressé ses condoléances aux proches de la militante : "Elle était très active au sein de la jeunesse, à travers le Front de la Jeunesse Autonomiste de La Réunion. La sortie de son premier roman : "Les muselés", l’a propulsé au rang des écrivains de renom. Il serait juste que sa disparition soit l’occasion de restituer un parcours exceptionnel".

www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Romuald
Romuald
18 heures

Les Muselés, c'est le roman réunionnais qui a redonné la parole et leur fierté à ceux et celles qui, exploité(e)s et opprimé(e)s par la classe dominante de l'île et l'état français, n'avaient pas droit au chapitre. A lire et à faire lire. Il est malheureusement toujours d'actualité !

Voici comment Anne Cheynet en faisait la présentation dans la préface qu'elle avait écrite à son livre dans l'édition l'Harmattan de 1977 :

"Ce récit se situe entre 1954 et 1972. Il est né à partir de témoignages recueillis dans une certaine classe sociale, celle des déshérités. Tout est vu à travers leurs yeux, leurs aspirations, leur culture. Je n’ai pas voulu y faire à titre personnel le procès ou l’apologie d’aucun parti politique. La fraude électorale, les pressions politiques, la corruption, l’exploitation y sont dénoncées. Elles sont évidentes et parfois notoirement reconnues… Si la confiance extrême du peuple dans le Parti communiste réunionnais transparaît dans mon livre, je n’ai pas cherché à faire entrevoir une solution dans un sens ou dans un autre, à savoir donner une opinion sur le débat qui oppose autonomistes et départementalistes ; il y a toutefois une constatation qui s’impose d’elle-même et qui est l’idée-clé de ce roman : en plusieurs décennies rien n’a changé en profondeur pour le peuple réunionnais. La classe travailleuse est toujours exploitée, méprisée, assistée. Elle ne s’est pas élevée. On peut dire, sans abuser du mot, que l’esclavage n’est pas mort à la Réunion. La dignité humaine n’est pas respectée. C’est ce qu’il y a de plus révoltant et il faut le dire, le crier, le hurler. Personne n’a le droit d’ignorer que, dans ce pays, des hommes sont obligés de se taire, de tout accepter pour ne pas mourir de faim, de marcher à quatre pattes devant les plus puissants : ceux qui détiennent le pouvoir de l’argent, de l’instruction.
Muselés par l’alcoolisme, l’analphabétisme, la misère, une religiosité opprimante, ils vivent au jour le jour, s’accrochant à tout espoir qui leur est donné, s’y accrochant à court terme car il faut avant tout « survivre » ; la faim et les conditions de vie lamentables, si elles laissent la place à l’illusion, n’en laissent pas souvent au rêve, ni à la réflexion politique.
Enfance et adolescence volées par les corvées, la misère, les bagarres, la violence, ils se retrouvent vieux, après une vie d’esclaves.
Pourtant, contre la tôle des bidonvilles, la petite fleur espoir pousse encore. On se demande comment : peut-être [comme le disait Simone de Beauvoir] parce que « si l’histoire d’un est souvent si triste, l’histoire de l’humanité, elle, reste belle ».