Il est urgent de s’adapter

À La Réunion, l'érosion rendra (bientôt) les zones côtières inhabitables

  • Publié le 12 avril 2024 à 09:18
  • Actualisé le 12 avril 2024 à 09:19

500 communes de France ont été identifiées comme se trouvant dans des zones côtières bientôt inhabitables. Les raisons sont simples : l'érosion et le changement climatique, comme l'a indiqué Christophe Béchu, ministre de la transition écologique. "L'équivalent d'un terrain de football disparait chaque semaine dans notre pays", a-t-il souligné. Un phénomène dont La Réunion n'est pas épargnée. D'ici 2050, 115 édifices devraient avoir disparu des côtes. À un avenir encore plus lointain, cela devrait concerner pas moins de 400 bâtiments (Photo rb/www.imazpress.com)

L'indicateur national de l'érosion côtière produit par le Cerema depuis 2017 indique que près de 20% des côtes sont actuellement en recul en France.

"Le trait de côte est en recul de près de 900 kilomètres, soit l'équivalent de 4.200 terrains de foot sur les 50 dernières années", explique Sébastien Dupray. "Un phénomène qui va s'accélérer."

L'érosion côtière se traduit par une perte graduelle de matériaux (roche, sable etc.) entrainant le recul du trait de côte, ainsi que l'abaissement des plages ou le recul des falaises. Ce phénomène naturel progressif peut être aggravé par l'activité humaine (bétonisation du littoral, aménagements bloquant pour la dynamique sédimentaire...) et par les effets du changement climatique (hausse du niveau de la mer, atténuation du rôle de barrière des récifs coralliens, événements climatiques majeurs).

- Trois scénarios pour 2028, 2050 et 2100 à La Réunion -

À court terme, à l'horizon 2028, le nombre de bâtiments exposés au risque d'érosion à La Réunion est de 18. Parmi ces bâtis, cinq logements seraient concernés, sans pour autant que l'on ne sache précisément les communes concernées.

Et ce pour une valeur vénale estimée à 1,4 million d'euros.

D'ici 2050, 78 logements d'une valeur de 11 millions d'euros et 37 locaux d'activité d'une valeur de 1,5 million d'euros devraient disparaitre.

Parmi les zones les plus concernées à La Réunion, "le sud de l'île", précise Benoît Rodez.

À l'horizon 2100, cela devrait concerner 276 logements et 115 locaux d'activités, selon le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement).

"En sachant que le Cerema s'est basé sur des scénarios de deux hypothèses. La première en prenant l'évolution du trait de côte et la hausse du niveau de la mer et la seconde en prenant les ouvrages de protection qui potentiellement ne rempliraient plus leur rôle", explique Benoît Ronez, chargé de la stratégie chez Cerema.

Le scénario de 2050 étant un scénario "plutôt vraisemblable", tandis que le scénario de 2100 est "celui de l'inaction, c'est-à-dire, quels sont les dégâts et dommages auxquels on risque d'être confrontés si on ne fait rien", précise Sébastien Dupray, directeur de la direction risques eaux mer au Cerema.

Le Cerema a dressé ces scénarios à horizon 2028, 2050 et 2100 en s'appuyant notamment sur des photos aériennes et des données par satellite.

Sur l'ensemble de la France hexagonale et d'Outre-mer, "à court terme – en 2028 -, 1.000 bâtiments seront concernés dont des logements, soit une valeur vénale d’environ 240 millions d’euros", précise Sébastien Dupray.

À moyen terme, soit en 2050, "le scénario évoqué concernerait 5.000 logements dont 2.000 résidences secondaires pour plus d'un milliard d'euros et pour le secteur économique cela se chiffre à près de 120 millions d'euros".

En 2100, "les chiffres seront encore plus élevés parce que le recul du trait de côte se poursuit et prend en compte l'élévation du niveau de la mer et l'hypothèse de l'inaction des collectivités et de l'État".

Cela pourrait concerner 450.000 logements et 55.000 locaux d'activité.

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- Saint-Paul et Saint-Louis partiuclièrement impactés -

"Sans exhaustivité, certains secteurs de Saint-Paul et de Saint-Louis seraient impactés par l’érosion du trait de côte d’ici 5 ans. Mais il n’existe pas, à ce stade, de sectorisation précise", indique la préfecture, contactée pae Imaz Press.

Des communes qui, comme toutes les municipalités de La Réunion, "sont couvertes par un plan de prévention des risques littoraux (PPRL), ce qui permet d’avoir une cartographie du recul du trait de côte à l’échéance de 100 ans".

"Dans le cadre de la loi climat et résilience, les communes ont la possibilité, sur la base du volontariat, de demander leur inscription au "décret établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral"", ajoute la préfecture.

"Une fois inscrites, les communes doivent élaborer leur cartographie locale d’exposition au recul du trait de côte avec deux échéances : 0-30 ans et 30-100 ans, ce qui affine la connaissance (effet localisé des phénomènes) et la temporisation en matière de recul du trait de côte et leur permet de mobiliser des outils d’aménagements spécifiques."

Aujourd'hui à La Réunion, seule la commune de Saint-André est inscrite au décret et deux autres communes en ont fait la demande (Sainte-Marie et Le Port). "Elles devraient y être inscrites à la prochaine campagne de cette année", précisent les services de l'état.

- La Réunion moins soumise à la hausse du niveau de la mer -

Des bâtiments qui devraient disparaitre. Et pourtant, à l'inverse de certaines zones côtières de l'Hexagone ou encore de la Guyane, "La Réunion sera peu soumise à l'ennoiement (c’est-à-dire à une hausse significative du niveau de la mer)", selon le Cerema.

La raison : "l'ennoiement (disparition progressive de couches géologiques - ndlr) vise les zones topographiquement plus basses que le niveau de la mer or ce phénomène n'existe pas à La Réunion du fait de sa topographie, de son relief qui monte rapidement".

Si ces scénarios sont envisagés, "il reste difficile de prévoir une échelle de temps à partir de laquelle certaines zones pourraient disparaître, cela dépendra notamment de la fréquence et de l’intensité des évènements cycloniques et houles australes à venir…", précise Rémi Belon, océanographe et chef de projet littoral au BRGM.

"Tous les littoraux ne sont pas exposés de la même manière (présence de récifs coralliens, approvisionnement en sédiments, obstacles présents sur le littoral, exposition à la houle, …). Il est encore difficile d’établir à la Réunion s’il existe une accélération du phénomène d’érosion côtière."

"Le changement climatique, et notamment du fait de l’élévation du niveau de la mer va amplifier le phénomène mais tout dépendra des régimes de houles (fréquence et intensité). Il est fort probable qu’un évènement ayant les mêmes caractéristiques que par le passé qui surviendrait en 2050 aura plus d’impact du simple fait de cette surélévation de la mer", ajoute Rémi Belon.

À La Réunion, "il existe des Plans de prévention des risques littoraux", explique Rémi Belon, océanographe et chef de projet littoral au Bureau de recherche géologique et minière (BRGM).

Des plans qui donnent l’exposition des communes du littoral aux aléas recul du trait de côte (projection à 100 ans) et submersion marine (évènement de période de retour centennale).

- Anticiper les conséquences -

Des scénarios qui, s'ils se profilent, "incitent à agir sans attendre pour éviter ces dégâts et les déconstructions", lance le directeur de la direction risques eaux mer du Cerema.

Des travaux à faire qui "doivent être intégrés à l'effort national dans l'adaptation au changement climatique".

Par exemple, pour limiter l'impact de l'érosion, "il faut soit mettre en place du génie civil lourd ou bloquer les sédiments", explique François Hedou. Des solutions qui nécessitent de l'entretien comme "la reconstitution des dunes, la stabilisation ou encore la reconstitution de plages".

"Il n'y a pas de solution miracle", poursuit-il.

Au 20h de TF1, Christophe Béchu a assuré avoir commencé à travailler avec les maires pour mettre en place "des plans sur mesure".

Le ministre de la Transition écologique a évoqué plusieurs solutions, notamment des indemnisations ou des relogements à l'arrière des communes sur d'autres terrains.

Il a par ailleurs invité les habitants concernés à se renseigner auprès de leur maire.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
Fredo
Fredo
3 mois

Que deviendra la future Maison de la Mer de Saint Leu ?

Lucie
Lucie
3 mois

Quand on compare les photos des années 70 et aujourd’hui, c’est impressionnant comment les plages de l’ouest disparaissent

Sophie
Sophie
3 mois

Le mal est fait ,je crois que le laxisme de nos élus a fortement contribué à le dégradation de nos rivages,je crains que se soit irrémédiable.