Agriculture

À Salazie la mouche de légumes décime les chouchous

  • Publié le 11 février 2023 à 07:01
  • Actualisé le 11 février 2023 à 14:32

Le chouchou, légume particulièrement apprécié en soupe, en salade ou en gratin, se fait rare en ce mois de février. Une rareté qui fait exploser les coûts sur les étals. De moins d’un euro, le chouchou a dépassé la barre des six euros chez les marchands qui en proposent actuellement. Si la météo pluvieuse est l’un des arguments avancés, l’absence et le prix du légume roi de Salazie est également due à un insecte. (Photo treille chouchou photo RB imazpress)

« Je n’en vends pas chez moi parce que le prix est beaucoup trop élevé en ce moment », nous confie le responsable d’un commerce de fruits et légumes du chef-lieu. Même son de cloche sur l’étal d’un vendeur du petit marché. « Les chouchous sont hors de prix, donc en ce moment on n’en a pas sur notre table. »

L’insecte, une mouche de légumes, ravage les exploitations dans le cirque de Salazie. Sylvio Cocotier, exploitant agricole et producteur de chouchous à Hell-Bourg en a fait les frais. Entre 70 et 80% de ses légumes sont piqués par cet insecte lorsqu’ils font environ 50 grammes. « Cette mouche fait énormément de dégâts dans les productions » déplore-t-il.

Pour pallier cela, il met en place des pièges à mouches, mais ce n’est pas suffisant.

- Des légumes piqués qui sont bons à jeter -

Cette mouche de légume, s’apparente à la mouche des fruits, insecte qui ravage les productions de mangues de La Réunion. Les larves, qui consomment les fruits de l'intérieur, causent un affaissement des tissus puis un pourrissement et une voie d'entrée à des maladies secondaires. Les fruits chutent prématurément et ne sont donc plus commercialisables.

Attention, cette mouche ne se limite pas uniquement à faire des dégâts sur les cultures fruitières ou maraîchères, les plantes des jardins et des potagers peuvent être aussi touchées et ainsi représenter des foyers de contamination.

Pour  prévenir les attaques, "la méthode la plus efficace est d'interrompre leur cycle de reproduction en éliminant les fruits piqués tombés au sol", précise le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). "Il faut savoir que pour un seul fruit ou légume laissé au sol, c'est au moins 50 nouvelles mouches sur la parcelle. En effet, il ne faut que sept jours à la larve pour faire son cycle, sortir du fruit et se diriger au sol pour se métamorphoser", ajoute le centre.

Il faut donc à tout prix éliminer les fruits tombés au sol chaque jour et ainsi intercepter les larves quand elles sont encore dans les fruits piqués. Attention, mettre les fruits abîmés dans votre bac à compost est à éviter car il n’est pas totalement hermétique et laisserait passer les mouches adultes.

« Les mouches des légumes peuvent être également détruites par divers ennemis naturels appelés auxiliaires. L'auxiliaire le plus efficace est la micro-guêpe Fopius arisanus qui vient parasiter les œufs des mouches des fruits. D'autres auxiliaires prédateurs comme les petites araignées, les fourmis, les carabes se nourrissent des asticots et des pupes de mouches au niveau du sol », note le Cirad.

Le piégeage de surveillance est aussi à disposition des agriculteurs et des particuliers. Il s'agit d'attirer les mâles et de les piéger grâce à un attractif.

- Des mouches favorisées par la pluie -

« Les problèmes de mouche sur la production de chouchou ne sont pas nouveaux mais cette année ils sont accentués par les conditions climatiques qui favorisent la prolifération de ces insectes », indique Éric Lucas, responsable de la cellule diversification végétale à la Chambre d’agriculture de La Réunion.

« Une sécheresse marquée sur la période de novembre et décembre a retardé la production et l'a regroupée sur une période plus courte », ajoute-t-il.

S’il n’y avait que cela, après la sécheresse est venue la pluie. Une pluie qui, on le rappelle, n’a pas permis de remplir nos nappes et rivières. « Dès les premières grosses pluies les mouches de légumes sont sorties en même temps et ont été particulièrement virulentes », précise le responsable de la cellule diversification végétale à la Chambre d’agriculture.

Une météo qui impacte le prix des chouchous de Salazie. « Il pleut trop et ne fait pas assez chaud pour que les chouchous se développent normalement », ajoute-t-il. En effet, « le chouchou a besoin de chaleur pour arriver à maturité », précise Sylvio Cocotier, le producteur. « À Salazie les températures sont trop basses le matin et le soir, le peu de chaleur ressenti en milieu de journée ne suffit pas à la fleur pour s’ouvrir », ajoute l’exploitant agricole.

Enfin, comme pour toute la filière fruits et légumes, l’augmentation des prix des intrants a, indubitablement, une répercussion sur le prix de vente des chouchous.

C’est d’ailleurs face à cette hausse des coûts, que les acteurs de la filière ont prévu de manifester ce lundi 13 février 2023, dès 9 heures devant la Préfecture. « La diversification végétale va mal. Les surcoûts de production ne permettent plus de maintenir des prix corrects sans que cela ne soit préjudiciable pour nos exploitations. Un prix de vente raisonnable pour les consommateurs, pour tous, ne peut plus être garanti si les choses continuent en ce sens », déplore le syndicat des Jeunes agriculteurs.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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