Rassemblement interdit

En interdisant une manifestation pour la Palestine, la préfecture souffle sur des braises qu'elle vient d'allumer

  • Publié le 28 octobre 2023 à 07:46
  • Actualisé le 28 octobre 2023 à 13:06

Trois jours avant un rassemblement en soutien aux Palestiniens, la préfecture de La Réunion a décidé d'interdire sa tenue au Port ce dimanche. Plusieurs raisons ont été avancées par les services de l'Etat, sans qu'aucune ne soit vraiment convaincante. Ce qui est ici présenté comme une mesure de prévention de troubles à l'ordre public ressemble plutôt à une atteinte directe à la liberté d'opinion, dans un contexte où le gouvernement français – et le ministre de l'Intérieur en particulier – semble faire l'amalgame entre soutien au peuple Palestinien, actuellement bombardé sans relâche, et soutien au Hamas. Dans une île où le vivre-ensemble est constant, la préfecture a choisi, délibérément ou par ignorance du contexte local, et cela pose problème dans les deux cas -, d'allumer un feu n'ayant jamais existé jusqu'à présent... (Photo www.imazpress.com)

Quiconque connaît un peu l'histoire militante à La Réunion sait qu'aucun débordement n'a été recensé ces dernières décennies lors de rassemblement pour la paix. De mémoire, les dernières violences remontent à des manifestations anti pass sanitaires ou aux Gilets jaunes : des causes bien lointaines du conflit israélo-palestinien, donc, et dont les heurts avaient opposés manifestants et forces de l'ordre.

S'inquiéter de débordements ce dimanche démontre une méconnaissance évidente des réalités de l'île – ou de la mauvaise foi, au choix -  mais aussi une curieuse volonté de transposer la situation de l'Hexagone à La Réunion. C'est aussi ignorer délibérément que les rassemblements autorisés dans l'Hexagone ces derniers jours se sont passés dans le calme.

Dans une île où les relations inter-ethniques, inter-culturelles et inter-religieuses sont bonnes, la préfecture, qui dit vouloir éviter des tensions, fait finalement tout l'inverse en créant un problème qui n'existait pas.

"C'est de la malhonnêteté intellectuelle et de la mauvaise foi évidente de la part de la préfecture" fustige Daniella Maillot, porte-parole du collectif Réunion Palestine. "Ce qui semble déranger ici, c'est le terme de génocide, mais cela ressemble plus à un prétexte pour museler l'opinion qui va à contre-sens de la position du gouvernement" estime-t-elle.

"D'autres manifestations en lien avec le contexte géopolitique ont pu être autorisées, comme celle ayant pour objet l’appel à la paix et à la solidarité avec les civils israéliens et palestiniens, qui s'est tenue à Saint-Denis dimanche 15 octobre" rappelle la préfecture, contactée par Imaz Press Réunion.

Lire aussi -  Le Port : une manifestation pour la paix en Palestine interdite par le préfet de La Réunion

- Le terme génocide au cœur de l'interdiction –

Si le terme de génocide est sujet à débat dans de nombreuses sphères, et pose vraisemblablement problème à la préfecture, quid de la liberté d'expression et d'opinion ? "L'Etat de droit en prend un sacré coup" raille Daniella Maillot.

A priori, il est encore autorisé de considérer les massacres en cours dans la bande de Gaza comme les prémices d'un génocide. D'autant plus quand des dirigeants israéliens - à commencer par le Premier ministre Benjamin Netanyahou -, qualifient les Palestiniens d'"animaux", de "peuple des ténèbres" ou affirment que "tous les Palestiniens sont des terroristes".

Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, et plusieurs experts onusiens dénoncent fermement cette situation et alertent contre l'immense catastrophe humanitaire en cours. Peut-être faudrait-il aussi leur interdire de s'exprimer...

Lire aussi : L'ONU lance un cri d'alarme pour Gaza, assiégée et bombardée par Israël

Les Israéliens ont été confrontés à de terribles actes de barbarie et de terrorisme, c'est vrai, il faut le dénoncer, il faut le condamner sans discussions.

Mais il est tout autant vrai que la réplique israélienne viole toutes les règles du droit international.

Plus de 8.000 Gazaouis sont morts depuis le 7 octobre. Parmi ces mots, des civils dans leur immense majorité -, il y a au moins 2.000 enfants. Des hôpitaux sont bombardés. Les accès à l'eau, à la nourriture, à l'essence et à l'électricité sont été coupés.

Doit-on considérer cela comme du maintien de l'ordre exercé par un Etat légalement constitué soutenu massivement par l'Occident, comme une république mesurée contre une attaque terroriste ?

Est-il désormais interdit de critiquer les actions d'un gouvernement ? Critiquer l'Etat d'Israël revient-il désormais à critiquer chaque personne juive ? Vraisemblablement, oui, si l'on en croit les directives de l'Etat français qui semble avoir perdu toute notion de mesure dans ce conflit.

On notera d'ailleurs que dans son arrêté, la préfecture liste longuement les massacres perpétrés par le Hamas, sans jamais mentionner ceux de Tsahal, l'armée israélienne. Un oubli sans doute...

"On ne lâchera pas, il faut se lever au nom de l'Humanité. On aimerait que le pouvoir public revienne à la raison. En attendant, nous organiserons une autre manifestation sans le terme génocide si c'est ce qu'ils veulent et que le tribunal administratif n'annule pas l'arrêté, cela ne changera rien aux horreurs en cours dans la bande de Gaza" déclare en tout cas Daniella Maillot.

Il est d'ailleurs curieux que la préfecture ait attendu jeudi soir pour prévenir le collectif de cette interdiction, alors que la demande a été déposée lundi.

Un timing fâcheux, qui n'a sûrement rien à voir avec une volonté de retarder le plus possible le dépôt d'une requête en annulation de cette interdiction devant le tribunal administratif...

Car tout le monde sait bien que le calendrier préfectoral n'a rien à avoir avec celui des organisations appelant à manifester et plus généralement avec celui couramment utilisé par tous.

La preuve : dans son arrêté daté du 26 octobre interdisant la manifestation du 28 octobre, la préfecture justifier aussi sa décision par le fait qu'un rodéo sauvage pourrait avoir lieu dans le même secteur.. le 20 octobre...

Cet embrouillamini de dates a fini par faire oublier à la préfecture - appliquant les directives du gouvernement -, qu'au besoin, elle est parfaitement habilitée à demander aux organisateurs de déplacer le lieu de leur rassemblement plutot que d'interdire ce dernier.

Mais encore faut-il avoir les idées claires à propos de liberté d'expression et d'indignation contre toutes les barbaries quels qu'en soient les auteurs.

Lire aussi : Israël-Palestine : l'horreur de la guerre et l'indignation sélective permanentes

Lire aussi : Parce que nous n'avons pas l'indignation sélective, nous condamnons toutes les guerres

La rédaction d'Imaz Press

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11 Commentaires
Missouk
Missouk
11 mois

Encore un préfet hors sol qui ne connaît strictement rien ni à l'histoire de la Réunion ni aux us et coutumes locales. Enfin bref, un parachuté!

brancard
brancard
11 mois

Allons ! Enfants de la Patrie !
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie,
L'étendard sanglant est levé ! (Bis)
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes

Le Sudiste
Le Sudiste
11 mois

Parce que IP ne soutient que des causes allant de paire avec leur idéologie et celle de leurs financeurs

HULK
HULK
11 mois

#payet : vous oubliez CUBA,MADURO,XI,la CORÉE DU NORD,l'IRAN. Pourquoi cette indignation sélective? Dans la dictature les extrêmes se rejoignent, non?

jcvd
jcvd
11 mois

Nous assistons actuellement à un génocide, chacun est libre de fermer les yeux. Il n'est pas concevable de bâillonner celles et ceux qui ont encore une one d'humanité dans leur cœur, pour condamner cette attaque barbare ! L'histoire se souviendra de ces prises de position...

Didier
Didier
11 mois

Pourquoi cette photo d'une calotte musulmane pour illustrer une manifestation de solidarité avec le peuple palestinien ?
Y a pas que les croyants qui dénoncent l'injustice faite à ce peuple... par les pays impérialistes (USA, Angleterre, France), l'Etat sioniste et raciste d'Israel, mais aussi par toute la bande de dirigeants dictatoriaux et qui se cachent derrière les soi disant principes islamiques pour mener leurs peuples à la baguette !
Il y a aussi des militants communistes, comme moi, qui soutiennent sa lutte pour vivre dignement et dans le respect et qui pensent que la solution serait que les travailleurs israéliens et palestiniens s'unissent pour se retourner contre tous leurs oppresseurs, nationaux comme internationaux, et mettre à bas les régimes pourris qui les dressent les uns contre les autres.
Travailleurs de tous les pays, unissons nous contre nos exploiteurs communs !
Vive la révolution sociale !

Stean
Stean
11 mois

Pas d’importation de conflits à La Réunion, merci.

Un musulman normal
Un musulman normal
11 mois

Un préfet qui a raison et qui ne rentre pas dans leur cinéma

Kevin97
Kevin97
11 mois

On sait qu'imaz presse est à gauche pour avoir un tel titre d'article. Quelle mauvaise foi ! Le préfet pour une fois fait le job et respecte l'instruction émise par le gouvernement. C'est comme ça. Les Palestiniens vous préoccupent beaucoup visiblement c'est bien . Mais svp ne vous rapprochez pas trop journalistique ment des extrêmes avec nupes lfi plr. C'est votre media qui veut de la braise ? Pour savoir

payet
payet
11 mois

il m est pénible de voir cette obligation de penser,je soutiens les peuples en souffrance de dictatures c est à dire le monde entier;l extreme droite progresse et les violences le racisme et l intolérance aussi;le pen poutine nettanyahu trump bolsonaro etc laissez les gens libres de voter ou penser à gauche! en france on veut une politique de gauche en votant extreme drotie il y a comme un probléme de reflexion,nous sommes trop bete et l etat ns oblige à penser comme lui,vive les gens vive la différence à bas les religions!

madoré
madoré
11 mois

Ce serait possible d'avoir la paix chez nous ? Je ne suis ni palestinien, ni israelien, mi lé réyoné, en sort a zot ek zot merde, importe pa sa ici!! Nou nenna sufisament de trakas nout ti pei.