Saison cyclonique

La Réunion se prépare à l'impact (éventuel) d'un cyclone très intense

  • Publié le 16 novembre 2023 à 10:30
  • Actualisé le 12 janvier 2024 à 09:32

Alors que la saison cyclonique démarre à La Réunion, de nombreux acteurs se sont réunis ce mercredi 15 novembre 2023 pour travailler sur la préparation de l'île à gérer l'arrivée d'un cyclone très intense. Dans un contexte de dérèglement climatique, où des cyclones toujours plus intenses pourraient s'approcher de La Réunion, le séminaire annuel Cyclonex s'est concentré sur la préparation de chaque acteur à agir en cas de phénomène particulièrement violent (Photo d'archive rb/www.imazpress.com)

Après le passage de l'ouragan Otis au Mexique en octobre dernier, ou encore de l'ouragan Irma qui a dévasté de nombreuses îles des Antilles et la Floride en 2017, il semble nécessaire de préparer La Réunion à l'impact d'un cyclone de très intense.

Pour rappel, les cyclones – aussi nommés ouragans ou typhons selon la zone géographique – sont répartis en plusieurs catégories : un cyclone est qualifié de très intense lorsque la valeur maximale de la vitesse moyenne du vent dépasse 212 km/h.

"On n'est jamais totalement prêt, et après la frayeur que nous avons eu avec Freddy, on s'est dit qu'il fallait travailler sur une hypothèse terrible : l'impact direct d'un cyclone très intense" a déclaré Jérôme Filippini, préfet de La Réunion.

Après les passages successifs de Batsiraï et Freddy, cyclones tropicaux très intenses, à 200 km au nord de l’île, les autorités s'inquiètent donc naturellement du risque cyclonique qui pourrait s’aggraver si de tels météores venaient à se rapprocher de La Réunion.

"Cela a donné lieu à neuf groupes de travail, on va en sortir plus instruits, plus riches, pour compléter notre plan ORSEC, qui aura désormais une annexe. " Ecoutez :



"Cette année est très différente de l'année dernière : on s'attend à un début de saison tardif, avec un recentrage de l'activité sur le centre du bassin avec une activité proche de la normale de janvier à avril. Les trajectoires des cyclones seront aussi différentes, la configuration de l'atmosphère favorise des trajectoires vers le sud et le sud-est" a par ailleurs précisé Céline Jauffret, directrice interrégionale de Météo France pour l'océan Indien.  

Si l'activité devrait être inférieure à la normale, "un seul système qui circule sur notre territoire générerait des situations catastrophiques" a-t-elle averti.

Pour cette saison, entre cinq à huit tempêtes, donc deux à quatre cyclones, sont probables.

- Se préparer au pire -

"La difficulté que pose cet exercice, c'est d'être capable de s'extraire de la procédure ORSEC pour la confronter à la réalité d'un événement de grande ampleur" a indiqué Michael Mataux, sous-préfet de Saint-Benoit.

"Il faut se concentrer sur trois axes majeurs : informer, planifier, et mobiliser" a précisé le Lieutenant-colonel Boucheron, chef du pôle opération du SDIS de La Réunion.

"Cependant, face à des cyclones exceptionnels, il faut une planification exceptionnelle. La mobilisation doit être graduée car un cyclone ce n'est pas seulement du vent mais aussi de la pluie" a-t-il ajouté.

Le maintien des communications a une place essentielle dans la gestion de crise. Dans ce contexte, le plan Orsec "est en train de prévoir un plan de rétablissement des communications" a expliqué un intervenant de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL). Se pose notamment la question de la priorisation des usagers.

"Les télécommunications étant également impactées, c'est un fort facteur de vulnérabilité. Toutefois certains réseaux existants peuvent fonctionner sans électricité, ce qui nous permettrait de ne pas être totalement à l'aveugle" a cependant tempéré la DEAL.

"Pour le réseau électrique, l'objectif est de réussir dans les 5 jours à maitriser la situation, et de pouvoir réalimenter dans le mois les zones stratégiques identifiées en amont" a détaillé l'agent.

"Il faut se préparer dès à présent aux coupures d'électricité de longue période, et réfléchir au scénario du pire."

La DEAL recommande donc une autonomie des différents réseaux.

- Préparer, protéger, résister, reconstruire –

"La communication joue un rôle majeur en crise. Elle informe et rassure" rappellent les services de l'Etat.

Mais dans un contexte de cyclone très intense, la communication doit pouvoir s'adapter à l'urgence et au danger de la situation. "Les Réunionnais doivent savoir quoi faire face à un risque de dévastation."

Dans un cas de figure où un cyclone de l'intensité d'Irma, où des rafales allant jusqu'à 360 km/h ont été relevées, devait s'abattre sur La Réunion, la préfecture insiste sur l'importance d'une communication adaptée aux risques.

"Nous avons trois axes : préparer, protéger, reconstruire" a indiqué Eric Faure, chef d’État-Major de Zone et de Protection Civile Océan Indien.

"La phase de préparation est essentielle : 72h à 92 h avant impact il est nécessaire pour tous les centres névralgiques, qui sont les yeux et les oreilles du préfet, d'être opérationnels. Le 15, 18, 112, le 17, le CROSS mais aussi le centre prévisionnel de Météo France sont concernés" a-t-il détaillé. "Les messages doivent être adaptés et toucher la population ciblée."

Concernant la phase de protection, "il y a la nécessité d'identifier les pièces protégées où on aura le moins de risque d'être blessé" a-t-il rappelé.  

Pour la troisième phase, la résistance, le chef d'Etat major a estimé que "ce mot est adapté car, si juridiquement on parle de phase de sauvegarde, le chaos sera tel que le première chose à faire sera de résister avec pas grand-chose en termes de nourriture, eau, électricité…"

Un risque de "phase de déséquilibre ultime" existe. Dans cette éventualité, La Réunion serait ou isolée "environ 7 à 10 jours où il faudra tenir et où on sera un peu seul". "Même si la question des renforts se pose, si l'aéroport est hors-service, quand arriveront-ils ? Les Réunionnais devront être en résistance". Ecoutez :



"On pourrait avoir des périodes particulières, avec des situations de chaos, même après le passage du cyclone. Il faudra faire autrement, on aura peut-être des contraintes supplémentaires, et le préfet doit avoir travailler en amont pour être capable de faire appliquer ces contraintes et que tout le monde les comprenne" a ajouté Jérôme Filippini.

Enfin, le quatrième thème, sur le thème de la reconstruction, est encore à déterminer. "C'est à prendre en compte" a admis Eric Faure.

- Des logements inadaptés –

Si les normes de constructions ont permis de réaliser des bâtiments qui résistent aujourd'hui à la plupart des cyclones qui ont touchés La Réunion ces dernières années, les experts s'inquiètent des conséquences d'un cyclone très intense.

"Face aux défis à venir, la conception des bâtiments doit pouvoir faire face à des vents exceptionnels à plus de 300 km/h, et ce n'est pas encore le cas" a averti le Lieutenant-colonel Boucheron.

Un participant s'est d'ailleurs inquiété des fenêtres et autres baies vitrées qui pourraient ne pas résister à des vents aussi violents. "On pourrait dédier une pièce comme la salle de bain pour qu'elle soit résistante a des vents a plus de 300 km/h" a proposé un intervenant, avant d'ajouter qu'il faudrait "de nouvelles règlementations sur les matériaux".

Des améliorations peuvent donc être encore apportées pour préparer La Réunion au pire. En attendant, l'Etat, la sécurité civile, Météo France s'affairent à se préparer au mieux pour la saison - et celles d'après - à venir.

as/ma.m/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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1 Commentaires
Max
Max
10 mois

Excellente initiative
L’idée d’une pièce résistante dans la maison est importante genre bunker
L’eau étant un facteur aggravant il est indispensable de disposer d’un répertoire des rivières à grand risque