Ce mercredi 23 août 2023 se tient la journée internationale de la traite négrière. Une page sombre de l'histoire, qui a profondément marquée les territoires ultra-marins, La Réunion comprise. Initiée par l'UNESCO en 1998, cette commémoration a pour but de rendre hommage chaque année, aux millions d'hommes, femmes et enfants victimes de l'esclavage, et d'inscrire dans les mémoires de tous, la tragédie de la Traite négrière.
Parmi les chapitres sombres de cette histoire, le commerce des esclaves occupe une place prépondérante. Du 17ème au 18ème siècle, La Réunion a été le théâtre du commerce de milliers de personnes, arrachées à leur terre natale et vendus comme esclaves pour travailler dans les plantations de café premièrement, puis dans les plantations sucrières.
Les origines du commerce des esclaves à la Réunion remontent à l'époque où l'île était encore une colonie française sous le nom de Bourbon. La culture du café, puis de la canne à sucre à partir du 18ème siècle, créent une demande croissante de main-d'œuvre pour les plantations. C'est dans ce contexte que le commerce des esclaves a pris de l'ampleur.
Les colons français ont commencé à importer de force des hommes, des femmes et des enfants en provenance principalement de l'Afrique de l'Ouest, de Madagascar et de l'Inde, pour répondre aux besoins des plantations sucrières.
"Les sources d’approvisionnement des colons de Bourbon et de l’Île de France concernent essentiellement les pays limitrophes de l’océan Indien. Les apports ont toujours été variés, mais des tendances se dégagent selon les époques" détaille l'historien Albert Jauze, dans une exposition préparée pour le Conseil départemental.
" Les navires de la Compagnie des Indes partant de Lorient et faisant escale sur la côte occidentale de l’Afrique, pouvaient, à Gorée ou à Ouidah (Côte des Esclaves), embarquer des esclaves pour les Mascareignes. Mais cet apport a toujours été très faible" ajoute-t-il.
Interdit en 1731, le trafic fut à nouveau autorisé en 1737 par Mahé de La Bourdonnais et une certaine relance s’effectua de 1739 à 1744.
"Les importations régulières s’arrêtèrent ensuite malgré les multiples demandes des administrateurs de Bourbon : les derniers Africains de l’Ouest arrivèrent à Bourbon en 1767" précise l'historien Jean-Marie Desport, sur le portail "Esclavage Réunion".
Des esclaves ont aussi parfois été ramenés de l’Inde par les navires qui faisaient retour vers l'Hexagone. " Le traité de Paris de 1763 met pratiquement fin à la traite indienne vers Bourbon" souligne Albert Jauze.
De là, ce sont principalement des esclaves malgaches et mozambicains qui sont amenés de force dans l'île. " Mahé de La Bourdonnais fit pratiquer une traite systématique entre le Mozambique et Bourbon : chaque année, deux expéditions fournirent plusieurs centaines d’esclaves" précise Jean-Marie Desport. " La côte orientale de l’Afrique l’emporta quantitativement sur Madagascar dès les dernières années de la Compagnie. Et au début de la période royale, le nombre de « cafres » débarqués aux Mascareignes était déjà cinq fois supérieur à celui des Malgaches" ajoute-t-il.
Un commerce qui s'intensifie avec l'introduction de la canne à sucre. Si l'abolition de l'esclavage n'est pas appliquée dans l'île Bourbon en 1794, la traite, elle, est bien interdite en 1817. " Mais face à la peur obsessionnelle de manquer de main-d’œuvre, Bourbon entra dans la clandestinité [33] et, de manière illégale, quelque 50 000 nouveaux esclaves furent introduits dans l’île, dont une très large majorité entre 1817 et 1831" indique Jean-Marie Desport. Les autorités ont tenté mollement de réprimer la traite illégale, jusqu'au 20 décembre 1848, où l'abolition est finalement déclarée…six mois plus tard que dans le reste des colonies.
Environ 60 000 esclaves (sur près de 110 000 habitants sur l'île à cette époque) retrouvent la liberté.
- Marronage et rebellions -
Il faut tout de même noter que ces siècles d'esclavages ont aussi été marqués par des révoltes, et par le marronage et le peuplement des cirques de l'île.
D'après le musée de Villèle, "les premières traces de marronnage datent de 1663 et font référence à l'arrivée de deux colons français Louis Payen et Pierre Pau (ou Paul Cauzan) accompagnés de leurs dix esclaves malgaches". Ces derniers se sont installés sur l’île pour y former le premier noyau de population. Mais très vite, un conflit éclate entre colons et Malgaches.
Ces derniers se réfugient alors dans les hauts. Ce sont les premiers Marrons, c'est-à-dire les premiers esclaves en fuite à vivre en toute libre et en toute autonomie dans les Hauts de l'île, après s'être enfuis. Ce n'est qu'en 1665, avec l'arrivé du premier gouverneur Etienne Regnaul leur promettant l'impunité, que les Marrons Malgaches redescendent vers le littoral.
- Petit et grand marronnage -
Deux sortes de marronnage voient le jour au fil du temps et de la multiplication des plantations. Le "petit" marronnage, dans lequel l’esclave révolté quitte la plantation quelque temps. Le plus souvent, il revient de lui-même, en raison des difficultés de survie. Il est alors sévèrement puni par les colons.
La deuxième marronnage, qualifié de "grand" se distingue du premier par son aspect mûrement réfléchi. Préparé longuement et souvent en groupe - ou du moins avec l’aide d’un groupe - il concerne des individus qui dès le départ refusent catégoriquement l'esclavage et veulent s’y soustraire, quels qu’en soient les moyens et le prix à payer, explique le musée de Villèle.
Lorsqu’ils s’installent dans la partie montagneuse de l’île, les Marrons constituent des royautés en imitant le modèle politique de leur pays d’origine (Madagascar principalement). Dans ces sociétés, le chef est appelé roi et sa femme, reine. Le roi est assisté de capitaines et de lieutenants. Plusieurs camps marrons prennent vie à la fin du XVIIème siècle.
Organisés en bandes puissantes, ils n'hésitent pas à faire des descentes sur les propriétés des colons pour se procurer des armes et des vivres. Des affrobtements souvent sanglant opposent les deux camps.
Pour punir ces des attaques, les colons blancs débutent alors la chasse aux noirs marrons dès 1730 jusqu'en 1750. Des détachements de chasseurs de Noirs sont été engagés pour mener des expéditions punitives. A partir de 1744 et pendant dix ans, François Mussard, l'un des plus connus des chasseurs, conduit de grandes battues dans le cirque de Cilaos, notamment, qui est alors le centre nerveux du marronnage.
Aujourd'hui, La Réunion reconnaît et commémore cette partie tragique de son histoire à travers divers moyens. Des monuments, des musées et des événements culturels sont dédiés à la mémoire des victimes de l'esclavage, contribuant ainsi à sensibiliser les générations actuelles à cette douloureuse période. Cette période sombre a laissé une empreinte indélébile sur l'île et sa société, marquant à jamais la mémoire collective.
Lire aussi : L'hommage aux esclaves marrons passe aussi par la géographie
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n'oubliez pas la traite arabo-musulmane qui n'a durée que 13 siecles !!!! https://la1ere.francetvinfo.fr/2014/04/29/l-autre-esclavage-un-apercu-de-la-traite-arabo-musulmane-147531.html.. En plus il ya un Ouvrage très utile Tidiane N’Diaye. Ce qui n'excuse en rien la traite européenne, mais sachez que l'esclavage existe encore dans les pays musulmans , source bien souvent d'enrichissement considérables EX arabie saoudite, dubaï , mauritanie...