À l'occasion de la présentation de son rapport 2024 sur le mal-logement, ce mercredi 23 avril 2025, la Fondation pour le logement des défavorisés (anciennement appelée Fondation Abbé Pierre) dépeint une situation de plus en plus alarmante à La Réunion, avec 143.000 personnes non ou mal logées. Un focus a été consacré cette année aux personnes âgées, particulièrement touchées par la précarité. Si la Fondation a mis en avant certaines solutions, elle insiste sur la nécessité d'un réel soutien de l'État et de tous les acteurs du logement dans l'île. (Photo : www.imazpress.com)
C'est un état des lieux sans appel que dresse la Fondation pour le logement. Selon leur rapport rendu public ce mercredi 23 avril 2025, l'année dernière à La Réunion, 143.000 personnes sont non ou mal logées, 18.000 vivent dans des logements indignes et 3.000 sont sans domicile. Au total, 200.000 Réunionnais sont considérés comme fragilisés par la crise du logement.
"Tous les indicateurs sont au rouge" alerte Matthieu Hoarau. "Ce rapport est l'occasion de rendre compte des réalités rencontrées sur le terrain. Aujourd'hui, l'hébergement d'urgence est saturé et 29.500 logements - dont 14.000 logements sociaux - manquent à l'appel". Écoutez.
- Une offre en décalage avec les besoins -
À La Réunion, plus de 50.000 demandes de logements sociaux sont en attente. Selon la Fondation, 97% des demandes concernent des logements très sociaux (logement locatif social et logement locatif très social), alors que les programmes produits sont majoritairement des logements intermédiaires (logements financés par le prêt locatif social, logements locatifs intermédiaires), inadaptés aux ressources des demandeurs.
Cette année, un chapitre entier du rapport est consacré aux personnes âgées, dont les difficultés sont souvent invisibilisées. "Sur l'île, 14.000 seniors vivent dans des bâtis précaires, dont 2.000 sans eau, ni électricité, ni sanitaires", précise Matthieu Hoarau, directeur régional de la Fondation.
- Les + de 50 ans particulièrement touchés -
À 64 ans, Gérard vit à la rue depuis 2020 : "Je suis tombé malade et ma famille m'a rejetté. Je me suis rertouvé à la rue et c'est difficile pour nous, les personnes âgées, de se protéger. À deux reprises je me suis fais agresser et on m'a volé mes papiers. J’ai pleuré ce jour-là".
Comme de nombreux sans abris, Géard appelle le 115 des dizaines de fois par jour afin de demander un hébérgement de nuit. Mais cette persévérence ne suffit pas à garantir une mise à l’abri. En 2024, plus de 1.000 enfants ne sont pas pris en charge par le le numéro d'Urgence Sociale, dont 330 de moins de 3 ans. "C’est une forme de maltraitance institutionnelle, martèle Matthieu Hoarau. On ne peut pas considérer que le logement d’urgence est optionnel".
Marie, 86 ans, habite dans une maison qu’elle a elle-même construite sur un terrain prêté par un ancien employeur : "Je me suis débrouillée toute seule quand j'avais 30 ans mais aujourd'hui c'est une situation invivable. J'ai beaucoup de trous dans la tôle que je rebouche avec du carton. J'attends de l'aide mais vu les difficultés... je préfère mourir ici".
- Une mobilisation collective -
Face à ce constat, la Fondation pour le logement appelle une mobilisation politique urgente, à tous les niveaux. "Ce n'est pas une dépense, c'est un investissement pour l'avenir", insiste le directeur régional. Il invite à mutualiser les moyens entre l'État, les collectivités et les ONG pour relancer une dynamique de production et de mise à l'abri. "On a demandé au préfet de mettre en place une cellule d'urgence". Écoutez Matthieu Hoarau.
Parmi les leviers attendus pour endiguer la crise du logement à La Réunion, la Fondation pour le logement mise sur l’encadrement des loyers. Une loi portée par la sénatrice réunionnaisé Audrey Bélim, a été adoptée au Sénat le 9 mars 2025. Elle prévoit l’expérimentation de l'encadrement des loyers dans les territoires ultramarins, où les ménages consacrent une part bien plus importante de leur budget au logement qu’en métropole. "Dans certains cas, entre 50 et 80 % des revenus sont absorbés par le loyer", souligne Matthieu Hoarau. Le directeur régional de la Fondation espère que l’encadrement des loyers entre en vigueur dès janvier 2026 à La Réunion, offrant un outil concret pour réguler les prix et soulager les ménages les plus précaires. La Fondation demande également que les allocations logement soient revalorisées. Écoutez.
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Au-delà de l’encadrement des loyers, la construction de logements sociaux reste une priorité absolue pour répondre à la demande croissante à La Réunion. Selon la Fondation, la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain), qui impose un quota minimal de logements sociaux dans chaque commune, reste encore trop peu respectée dans l’île. "Certains élus souhaite récupérer la main sur l'attribution des logements sociaux dans leur commune mais cette loi permet une transparence et une équité", explique Matthieu hoarau. D'après la Fondation pour le logement, il est urgent de relancer une politique ambitieuse de construction et de réhabilitation, en transformant par exemple les logements vacants ou abandonnés en habitat social, afin de répondre à l’urgence croissante.
En attendant des décisions concrètes, ce sont des enfants qui sont à la rue, des femmes victimes de violences qui sont contraintes de retourner au domicile conjugal ou encore des personnes âgées qui meurent avant d'avoir pu être relogées. La Fondation pour le logements tente chaque jour d'accompagner ses personnes. En 2024, plus de 15.000 personnes, parmi les plus exclues, ont pu recevoir des réponses concrètes face au mal logement.
vg/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
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