47.000 demandes en attente

Logement social : des maires dénoncent "un système à bout de souffle"

  • Publié le 9 avril 2025 à 02:59
  • Actualisé le 9 avril 2025 à 14:12
amd Logements au Tampon

Face à une demande toujours plus forte, les maires de plusieurs communes de La Réunion, réunis autour de l’Association des maires départementalistes (AMD), ont tenu une conférence de presse ce lundi au Tampon pour alerter sur la situation préoccupante du logement social sur l’île. Alors que plus de 47.000 demandes sont en attente à La Réunion, ces élus dénoncent "un système à bout de souffle" et réclament davantage de moyens, de souplesse réglementaire et un rôle renforcé dans l’attribution des logements. (Photos : sly/www.imazpress.com)

Parmi les nombreux enjeux évoqués, les élus pointent du doigt les exigences de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU), jugées irréalistes à l’échelle locale. 

"Je ne connais pas une seule commune à La Réunion qui atteint les 25 % de logements sociaux imposés par la loi SRU", a affirmé Patrice Thien Ah Koon, maire du Tampon, où le taux s’élève à 16,77 %, pour un déficit estimé à environ 2.800 logements. La commune voit donc son budget ponctionné de 500.000 euros pour non-respect du quota. Écoutez Patrice Thien Ah Koon.

- Une impasse réglementaire et foncière -

La rareté du foncier et les autres contraintes compliquent encore la tâche. "À Cilaos, nous n’avons que 2,3 % de logements sociaux pour 275 demandes. On n’atteindra jamais les 25 % imposés par la loi SRU. Ce système n’est plus adapté", tranche Jacques Techer, maire de Cilaos.

Même son de cloche du côté de Sandrine Rahim-Khan, élue de l’Entre-Deux, pour qui "90 % de la commune est en zone rouge, rendant tout projet presque impossible, sauf à construire des immeubles qui dénatureraient nos paysages".

- Un rôle renforcé pour les maires dans l’attribution des logements -

Les élus ont également rappelé l’existence d’une loi, votée le 10 octobre 2023, censée renforcer leur rôle dans l’attribution des logements sociaux. Mais depuis son passage devant l’Assemblée nationale, plus aucune avancée concrète n’a été constatée.

"Aujourd’hui, les maires trouvent le foncier, accompagnent les projets… mais sont écartés au moment décisif", regrette Richard Nirlo, maire de Sainte-Marie. "Nous devons pouvoir accorder la priorité à nos administrés, ceux que nous connaissons, ceux qui viennent frapper à notre porte chaque jour." Les élus entendent désormais interpeller les parlementaires pour relancer le processus législatif. 

Mathieu Hoarau, maire de l’Étang-Salé et président de la Semader, regrette lui aussi le manque de considération : "les bailleurs agissent de manière autonome, avec des critères de rentabilité. Nous, élus de proximité, voulons défendre une logique sociale et une préférence communale, c'est-à-dire prioriser les demandeurs locaux".

Il appelle également à une simplification des procédures, dénonçant les délais excessifs : "il faut parfois cinq ans pour sortir une opération. Pendant ce temps, la souffrance grandit".

- Des élus démunis face aux tensions sociales -

L’insécurité et les incivilités dans certains quartiers ont été au cœur des échanges entre les élus. Beaucoup estiment qu’un meilleur contrôle sur les attributions de logements permettrait d’éviter certaines dérives.

"On ne peut pas laisser dix personnes pourrir la vie de tout un quartier", s’est indigné Patrice Thien Ah Koon, maire du Tampon, en appelant à une collaboration plus étroite avec les bailleurs sociaux.

Un avis partagé par Olivier Rivière, maire de Saint-Philippe et président de l’Association des maires départementalistes : "Nous sommes les premiers à être sollicités quand les choses dérapent. Les maires doivent être mieux associés aux décisions d’attribution pour désamorcer les tensions".

Éric Ferrère, maire des Avirons, observe une évolution notable dans les profils des demandeurs : "De plus en plus de retraités, jusque-là locataires dans le privé, n’arrivent plus à suivre financièrement et se tournent vers le logement social. D’autres souhaitent revenir s’installer dans leur commune d’origine, mais nous manquons de logements".

La commune recense environ 500 demandes, alors que le taux de logements sociaux plafonne à 13 %, bien en deçà du seuil légal. Un projet de 600 logements est prévu dans le Plan local d’urbanisme (PLU), mais les contraintes actuelles limitent les capacités de réponse face à l’afflux de demandes.

- Un appel à l’État et au Parlement -

Tous les maires présents ont appelé à une réforme structurelle du système. "La situation est grave", alerte Jacques Techer. Il faudrait construire 3.000 logements par an pour répondre à la demande, mais nous en réalisons à peine 1.200". Il plaide pour un soutien financier massif de l’État et une adaptation du droit aux réalités spécifiques de l’insularité.

Le Département, de son côté, se dit conscient des attentes fortes de la population. "Nous devons à la fois lutter contre le non-logement et répondre au mal-logement", souligne Augustine Romano, vice-présidente du Conseil départemental.

Elle rappelle que "selon l’Insee, La Réunion pourrait atteindre le million d’habitants d’ici 2050. Cela représente 72.500 logements à construire entre 2021 et 2050, en tenant compte des tendances démographiques et des modes d’habitat". Dans cette perspective, le Conseil départemental s’engage à accompagner les communes pour faire évoluer la situation du logement social sur l’île.

Alors que le gouffre entre l’offre et la demande ne cesse de se creuser, les maires réunionnais exigent un changement de cap, pour ne plus être de simples spectateurs d’un système à bout de souffle.

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1 Commentaires
Jemma
Jemma
7 mois

"Le conseil départemental s'engage à faire évoluer la situation du logement social sur l'île". Mais comment? quelles sont les propositions sur la table ...s'il y en a?