Wuambushu

Mayotte : les démoltions se poursuivient dans le bidonville de Talus 2

  • Publié le 23 mai 2023 à 02:59
  • Actualisé le 23 mai 2023 à 06:36

L’opération Wuambushu, suspendue pendant un mois, a repris ce lundi 22 mai 2023 à Mayotte dans la commune de Koungou, dans le nord de l’île. La destruction de Talus 2, l’un des plus importants bidonvilles du 101e département de France, avait été suspendue par la justice. Au moins 162 habitations ont été détruites, et plus de 200 personnes ont été relogées, d'après la préfecture.

Aux environs de 7 h 30 locales, des gendarmes équipés de pieds de biche et de masses sont entrés dans les habitations pour vérifier que personne ne s’y trouvait, comme ont pu le constater des journalistes de l’AFP. Puis les pelleteuses ont commencé à détruire le bidonville, fracassant les murs en dur et écrasant la tôle dans un bruit métallique sourd. Les derniers habitants, eux, avaient évacué les lieux à l’aube, en emportant certains de leurs effets personnels, voire des matériaux de construction, tôle, planches de bois, etc.

 

Fatima Youssouf, l’une des doyennes du quartier, a attendu le dernier moment pour quitter sa maison, dans laquelle elle a «investi toutes [ses] économies», raconte-t-elle à l’AFP. Dans la précipitation, elle n’a pas pu enlever toutes ses affaires. «Pour l’instant, je n’ai pas de logement, confie la femme de 55 ans. Je dors dans mon restaurant, avec ma famille.»

Zenabou Souffou, qui vit à Talus 2 depuis 25 ans, raconte à l'AFP avoir vu grandir ses sept enfants dans ce quartier. Elle est en larmes devant les engins de chantier qui détruisent les structures en bois des "bangas", les cases locales.

Son mari, Mahorais, qui travaille pour la société de démolition Tetrama, a été mobilisé pour l'opération. Devant la maison de sa mère, il a perdu connaissance avant d'être évacué vers l'hôpital.

Lire aussi : Mayotte : la démolition du bidonville Talus 2 a commencé

- Politique "équilibrée" -

La démolition de Talus 2, qui mobilisait lundi environ 200 personnes dont 150 gendarmes, "devrait durer toute la semaine", selon Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l'habitat illégal à la préfecture de Mayotte. Les services de l'Etat ont dénombré "162 cases à démolir" dans ce bidonville, a précisé sur place le préfet, Thierry Suquet. "On peut considérer aujourd'hui qu'il y a la moitié des familles qui vivaient dans ce quartier qui ont été relogées", a-t-il assuré.

"Le volontarisme politique paye: nous continuons la destruction des bidonvilles, dans lesquels habitaient de nombreuses familles dans des conditions indignes, en proposant des relogements", s'est félicité dans un tweet le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

"Les personnes qui sont encore sur site ou qui auraient déjà quitté les bangas, mais qui n'ont pas encore été prises en charge, ont la possibilité de venir sur la permanence" a rappelé Psylvia Dewas, en charge de la résorption de l’habitat insalubre pour la préfecture de Mayotte. "On a 40 familles qui ont déjà été relogées. On sera à plus de 50% personnes du Talus qui auront accepté la proposition d'hébergement et de logement" a-t-elle assuré.

- 1.000 logements à détruire -

Au total, les autorités prévoient de détruire un millier de logements insalubres à Mayotte sur plusieurs mois, dans une quinzaine de périmètres. Le préfet a défendu une politique "équilibrée" qui, selon lui, permettra "aux Français qui vivent dans ces conditions-là et aux étrangers en situation régulière" d'avoir "un hébergement adapté". 

Sur les 350.000 habitants estimés de Mayotte, la moitié n'a pas la nationalité française. Seul un tiers des habitants des quartiers insalubres la possède.

A la permanence sociale située en haut de Talus 2, dans une mairie annexe, six familles sont venues lundi porter une demande de relogement pour une vingtaine de personnes, selon la préfecture.

Un homme montre sa nouvelle habitation. Il vivait à Talus 2 et est arrivé samedi dans les structures de relogement de Talus 1, qui surplombe le bidonville en démolition. "Je l'ai pris mais Ce n'est pas un logement, il n'y a pas de pièces, regardez ! Comment je vis ici avec ma femme et mes enfants ? Où est-ce qu'on dort ?", s'emporte Abderrahmane Daoud devant la porte.

"Wuambushu" est dénoncée comme "brutale", "anti-pauvres" et violant les droits des migrants par des associations, mais soutenue par les élus et de nombreux habitants mahorais.

- Le CRA se prépare -

Le centre de rétention de Mayotte se prépare à retrouver une activité soutenue avec la reprise des expulsions de sans-papiers vers les Comores, permise par le rétablissement de la liaison maritime.

Pamandzi, en Petite-Terre, l'une des deux îles habitées du département français de l'océan Indien, abrite près de l'aéroport et non loin du port de Dzaoudzi le premier centre de rétention administrative (CRA) de France. Et de loin.

Doté de 136 places, il a accueilli quelque 26.000 personnes en 2022, soit plus de 60% des placements en rétention dans l'ensemble des 25 centres de métropole et d'outre-mer.

Vendredi, son responsable, le commandant de police Dominique Bezzina, organisait une visite des lieux ouverte à la presse lors de la venue de l'eurodéputé Nicolas Bay (Reconquête!) qui, comme parlementaire, dispose d'un droit d'accès aux CRA.

- Les liaisons ont repris -

Gérald Darmanin a décidé de reprendre la main sur le volet diplomatique en laissant de côté les diplomates. Il a invité le ministre de l'Intérieur comorien Fakridine Mahamoud. Les ministres ont en effet "réaffirmé leur volonté de lutter contre les trafics et contre les passeurs", selon un communiqué conjoint.

Le texte fait également part de leurs efforts pour apaiser ces tensions engendrées par l'opération Wuambushu. Selon nos confrères de France Mayotte Matin, le ministre de l'Intérieur, à l'issue de cette entrevue, a annoncé la "reprise des liaisons maritimes entre la France et les Comores".

L'opération a fait l'objet d'un bras de fer entre Paris et Moroni, qui avait entraîné la suspension de la liaison maritime entre Mayotte et la proche île comorienne d'Anjouan pendant près de trois semaines. Les expulsions de sans-papiers comoriens ont pu reprendre mercredi dernier à la faveur du redémarrage des rotations.

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www.imazpress.com avec l'AFP

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