Exit la société civile

Remaniement : Macron se recentre sur ses disciples et leur demande de "ne pas parler dans le poste"

  • Publié le 22 juillet 2023 à 12:20
  • Actualisé le 22 juillet 2023 à 12:33

Ce jeudi 20 juillet 2023, Élisabeth Borne a présenté son gouvernement numéro trois. Exit Jean-François Carenco, Pap Ndiyaye ou encore François Braun et bienvenu à Gabriel Attal, Philippe Vigier ou bien Aurélien Rousseau. En tout, huit personnes nommées ministre. Si chacun aura une tâche dédiée, tous ont un point commun… leur proximité affirmée avec le président Macron. Lequel leur a dit ce vendredi "un ministre ça ne parle pas dans le poste". Peut-être, une manière de dire : "faites ce que je vous dis de faire"

Certains qualifient de "pathétique""ce jeu de chaises musical", note Nicolas Dupont-Aignan, "critiquant un rétrécissement du gouvernement autour des copains".

Et il est, c'est du moins le constat partagé par beaucoup, qu'avec ce nouveau gouvernement, Emmanuel Macron a souhaité resserrer les rangs derrière lui.

Terminé dont les ministres issus de la société civiles tels que Pap Ndiaye ou encore François Braun, peut-être trop peu politique, trop discrets pour l'exécutif.

Et en même temps, si Pap Ndiaye n'a pas su tirer son épingle du jeu, il n'a jamais vraiment eu le temps de s'exprimer face à un président prêt à prendre la parole dès que possible pour noyer le sujet épineux de la réforme des retraites. Qui a fait des annonces pour la revalorisation des salaires des enseignants ? Qui a parlé de la réforme de la voie professionnelle ? Macron.

François Braun, très longtemps urgentiste, quitte également le ministère de la Santé remplacé par Aurélien Rousseau, ex-directeur de cabinet d'Élisabeth Borne.

Ces désormais anciens ministres n'ont jamais réussi à imprimer, peu aidés par le président de la République. En janvier dernier, c'est Emmanuel Macron qui avait lui-même présenté ses vœux aux soignants et son plan pour l'hôpital aux côtés de son ministre très silencieux.

- Un ministre des Outre-mer, pas très au fait de ce que sont les Outre-mer -

Exit donc les anciens ministre. Emmanuel Macron les a salué au début du conseil des ministres ce vendredi. Il a souhaité la bienvenue aux nouveaux et à lancé en direction de tous "être minisre ce n'est pas parler dans le poste c'est mettre en oeuvre des décisions qui correspondent à une stratégie politique que mène la première ministre". A bon entendeur...

Parmi les arrivants, il y a notre nouveau ministre délégué des Outre-mer, Philippe Vigier. À peine arrivé, il est déjà critiqué sur sa méconnaissance des Outre-mer et "son désintérêt profond" envers les territoires ultramarins. "C'est quelqu'un qui n'a jamais pris position pour défendre nos territoires", interpelle la députée Nathalie Bassire.

L'élue qui ajoute : "Nous n'avons pas compris ce choix car c'est un homme qui ne s'est jamais levé pour porter un avis sur les Outre-mer. Or on ne l'a jamais entendu se prononcer".

"Est-ce qu'il nous connaît vraiment ? Prend-il la mesure des problématiques ? Qu'est-ce qu'on est pour lui ? Juste des dossiers à faire avancer. Ou à faire enterrer ?", se questionne Frédéric  Maillot.

Critiqué également sur des propos qu'il a eus dans l'hémicycle envers les Outre-mer lors de la crise sanitaire. "Il y a eu des joutes verbales avec lui à l'Assemblée et un manque de respect, notamment au moment des textes sur la crise sanitaire", a précisé le député de Guyane Davy Rimane.

Philippe Vigier, un ministre dont la tâche s'annonce ardue, tant les élus "ne lui font pas confiance", a indiqué un député Outre-mer.

Autre point qui a attiré l'attention sur les réseaux, sa prise de position en 2013 contre le mariage pour tous.

De plus les Outre-mer restent encore une fois un "sous-ministère" pour le gouvernement, toujours délégué sous la coupe de Gérald Darmanin.

Gérald Darmanin qui lui élargit ses attributions, et se retrouve à la tête d'un ministère de l'Intérieur qui n'a jamais été aussi gros. Signe de son importance au sein de cette équipe gouvernementale remaniée a minima, et de la confiance que lui accorde le président de la République.

Jusqu'ici, Gérald Darmanin était le ministre de tutelle de Jean-François Carenco (Outre-mer), Sonia Backès (Citoyenneté) et Dominique Faure à la Cohésion des territoires et Collectivités territoriales, tutelle qu'elle partageait avec le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. Depuis ce jeudi il récupère, toujours en partage avec le ministre de la Transition écologique, la tutelle du ministre de la Ville, où a été nommée la députée de Marseille et proche du couple Macron Sabrina Agresti-Roubache.

- Des ministres de la Macronie, ancrés dans la politique… mais pas forcément dans les réalités -

Aurélien Rousseau, lui prend la place de ministre de la Santé à la place de François Braun. Il le dit, "il y a urgence à donner et à voir du concret, du changement pour les soignants et les soignés". Autant dire qu'après ces propos il est attendu au tournant par la profession.

Cet énarque était, il y a encore quelques jours, directeur de cabinet de la Première ministre. Il fut également auparavant directeur de l'ARS d'Île-de-France. Un statut qui inquiète les professionnels.

Mais attention à ce que ces liens familiaux dans la santé – sa femme étant directrice déléguée de l'Assurance maladie et ancienne conseillère du président et sa belle-famille étant juste retraitée du comité de direction de la branche française d'un laboratoire pharmaceutique - ne dérivent pas en conflit d'intérêts.

Un choix étonnant alors que des rumeurs de mésentente circulaient entre lui et Élisabeth Borne.

Gabriel Attal, 34 ans, homme prédominant de ce gouvernement connaît lui une promotion importante en passant de ministre délégué chargé des Comptes publics à ministre de l'Éducation nationale.

Gabriel Attal qui s'était d'ailleurs fait remarquer pour des propos envers les manifestants contre la réforme des retraites. "Ceux qui peuvent se permettre, qui ont le temps, en pleine semaine, en plein après-midi, d’aller accueillir des ministres pendant quatre heures, de 14 à 18 heures, a priori, ce n’est quand même pas les Français qui travaillent, qui ont des difficultés au quotidien pour boucler leurs fins de mois", a-t-il ainsi lâché.

Aurore Bergé rentre elle aussi au gouvernement. Elle a été nommée ministre des Solidarités. Macroniste clivante issue de la droite, la cheffe des députés Renaissance a longtemps bataillé pour décrocher un poste au gouvernement, jusqu'à sa nomination ce jeudi. "C’est la reconnaissance de son engagement et du travail qui a été le sien au groupe", selon l'entourage d'Emmanuel Macron.

En politique, ses affinités successives, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé puis Emmanuel Macron, lui valent une réputation d'ambitieuse, voire d'opportuniste.

En octobre 2019, elle avait créé la polémique dans son camp, se disant prête à voter une proposition de loi d'Eric Ciotti (LR) sur l'interdiction du voile pour les accompagnantes scolaires.

Très présente dans les médias, Aurore Bergé attire les critiques… qui n’ont pas tardé à émerger à peine sa nomination était connue. " Donc la nouvelle ministre des Solidarités, Aurore Bergé, s’est notamment distinguée en votant contre l’allongement du congé pour enfant décédé. On sent tout de suite la fibre sociale et humaniste", a par exemple taclé sur Twitter le député insoumis Hadrien Clouet.

Une députée qui avait également voté contre le repas à un euro pour les étudiants.

- De l'Assemblée à Matignon -

Avec un vivier plutôt restreint, l'Élysée et Matignon n'ont pas hésité à piocher dans les rangs de l'Assemblée nationale.

Olivier Klein quitte aussi le gouvernement, et son ministère est scindé en deux avec le maire divers gauche de Dunkerque, Patrice Vergriete, au Logement et la députée Renaissance de Marseille, Sabrina Agresti-Roubache, proche du couple Macron, à la Ville.

Sur Twitter, la députée Nupes Farida Amrani, lui reproche même d'"être d'accord avec le constat politique de Jean-Marie Le Pen", lors de l'un de ses interventions sur la chaîne CNews.

Mais c'est surtout une vidéo de la nouvelle ministre qui fait polémique en ce moment sur les réseaux. On y voit Sabrina Agresti-Roubache, prendre à parti un parent d'élève à la sortie d'une école, l'insultant au passage.

Le député Renaissance Thomas Cazenave succède à Gabriel Attal aux Comptes publics, tout comme la Renaissance Fadila Khattabi aux Personnes handicapées en remplacement de la MoDem Geneviève Darrieussecq.

Thomas Cazenave, le nouveau Monsieur des impôts est un très proche ami d'Emmanuel Macron. Tous deux inspecteurs des finances, les deux hommes ont appris à se connaître au sein de la commission Attali sur la libération de la croissance, lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Fadila Khattabi, jusqu’ici députée, la nouvelle ministre déléguée chargée des personnes handicapées a été condamnée aux prud’hommes en juin dernier, relate Médiapart. "Avec ce gouvernement, les mauvais comportements sont récompensés", dénonce auprès de Mediapart son ex-employée à l’origine de la procédure.

Porte-parole médiatique du camp présidentiel, la députée Prisca Thevenot hérite d'un chantier cher au chef de l'État, la Jeunesse et le Service national universel. Elle succède à Sarah El Haïry, qui passe à la Biodiversité, un dossier jusqu'ici géré par Bérangère Couillard. Cette dernière est promue ministre déléguée à l'Égalite entre les femmes et les hommes à la place d'Isabelle Rome.

- Et Macron pendant ce temps-là… -

Loin de toutes ces critiques sur ce nouveau gouvernement, Emmanuel Macron continue de tracer sa feuille de route et de se satisfaire. "Oui le pays avance", dit-il en amont du conseil des ministres.

Le président de la République se félicitant de la baisse des chiffres du chômage. Même côté santé, "beaucoup de choses ont été faites", dit-il.

Il a par ailleurs réaffirmé sa confiance envers Élisabeth Borne, maintenue à Matignon, malgré un désamour majoritaire de la population française. "J'ai choisi la continuité et l'efficacité."

"Plusieurs gouvernements ont ainsi pu avancer et mettre en œuvre le programme pour lequel j'ai été élu en 2022", a avancé le président. Pourtant… à demander l'avis des français, il est bien différent.

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