Si les premiers letchis et premières mangues ont fait leurs apparitions sur les étals, ce n'est pas forcément signe que la saison est lancée. Pour la plupart des producteurs, le début des récoltes ne devrait pas commencer avant mi-novembre. Et cette année encore, ils font face à des difficultés de production liés au climat.
Nous avons tous entendu parler des premiers letchis apparu dans l'Est en ce mois d'octobre. Mais pour Marjean Camalon, agriculteur à Saint-Benoît, "c'est un peu exceptionnel". "Tous les ans, il est le premier mais la production va plutôt commencer dans un bon mois, vers le 20 novembre" explique-t-il.
Pour les mangues "il y a une petite production entre les deux saisons qu'on trouve sur le marché, ce qui ne veut pas dire que la production est en avance" précise un agriculteur de l'ouest de l'île.
"Vu le nombre de manguiers à La Réunion, il y en a qui sortent avant ou après la saison chaque année. Les mangues qui sortent en avance sont actuellement commercialisées mais cela reste marginal" ajoute-t-il.
Toujours selon ses dires, les premières mangues américaines commencent à murir et devraient être prête en fin de semaine. Pour les mangues josé, il faudra encore attendre une dizaine de jour. Un timing plutôt habituel.
- Une année aussi mauvaise que celle de l'année dernière -
Mais si la saison est à l'heure, cela ne signifie pas qu'elle sera bonne. Cette année serait "une très mauvaise année" pour les producteurs de letchis, d'après Marjean Camalon.
"Il y aura moins de fruits cette année. Nous sommes peut-être entre 25 et 30% de production" développe-t-il. Une information confirmée par Olivier Fontaine, secrétaire général de la Chambre d'agriculture, qui précise qu'il y a eu "un très gros retard sur la floraison".
Le coupable n'est autre que le climat qui impacte tous les agriculteurs de l'île. "Nous avons eu les mois les plus chaud enregistrés pour août et septembre alors qu'il aurait fallu avoir du froid. De plus, aujourd'hui les pluies arrivent mais ne sont pas régulières" ajoute le secrétaire général. Une situation qui impacterait toutes les productions de fruits.
"On est tous dans le même bateau" lance le producteur de l'est. "Pour l'instant on suit la météo tous les jours en attendant la pluie" évoque-t-il.
Concernant la mangue, il semblerait que cette année il n'y ai pas une grosse production non plus. "Les manguiers sont mis en floraison mais les fleurs n'ont pas tenu notamment avec les problème de températures" exprime cette fois le producteur de l'ouest.
Conséquence, une production là aussi moins importante. "Il suffit de regarder les vergers quand vous descendez la route du théâtre du côté de Saint-Gilles. Ils sont complètement vides. Mes collègues me disent qu'ils n'en ont pas beaucoup" poursuit l'agriculteur qui lui a eu la chance d'avoir une belle floraison du fait de sa situation géographique. Pour les moins chanceux, ils espèrent avoir la floraison suivante notamment pour la josé.
Qui dit moins de fruit, dit aussi prix plus élevé avec des première mangues qui dépasseront les 15 euros le kilo sur le marché. Olivier Fontaine estime tout de même de que les prix redescendront en pleine saison même si il resteront plus élevés que les autres années. "C'est la loi de l'offre et de la demande, les prix augmentent quand la quantité diminue" dit-il.
- Un avenir incertain -
Cela fait trois années de suite que La Réunion subit la sécheresse. L'an dernier déjà, la chambre d'agriculture avait demandé une indemnité calamité agricole pour les producteurs de letchis durement frappés par la sécheresse. Par manque d'eau, les fruits avaient éclaté avant même d'arriver à maturité.
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À noter que les demandes d'aides sont toujours en cours de paiement, près d'un an après. "C'est trop long" lance Olivier Fontaine.
Cette année encore, la saison semble perturbée par des phénomènes météorologiques signe d'un "avenir incertain" pour Marjean Camalon.
"Auparavant je faisais des prévisions mais ces 5 dernières années on ne sait plus comment faire. C'est très difficile. C'est un deuxième coup dur qu'on encaisse sur deux ans. En 35 ans de métier je n'ai jamais eu de choses pareilles" désespère-t-il.
Ces aléas climatiques touchent la majorité de l'agriculture réunionnaise. Des solutions d'adaptation devront probablement être trouvée dans les prochaines années.
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- Trouver des solutions adaptées -
Très prochainement, la chambre d'agriculture va lancer un comité sécheresse en s'appuyant sur le suivi des précipitations réalisé par la préfecture. L'occasion d'envisager de nouvelles solutions.
"La réalité c'est que le dispositif d'aides actuel n'est plus adapté à la situation. Il prend énormément de temps et demande de longues procédures pour le déclencher" explique le secrétaire général.
Parmi les solutions envisagées, l'irrigation et le stockage de l'eau par des retenues collectives qui ont déjà fait leurs preuves dans le sud, notamment au Tampon.
"Il faut réfléchir à comment mieux irriguer de manière économique. Les retenues collectives en grande dimension permettent par exemple de collecter l'eau pendant les épisodes pluvieux et la mettre à disposition des agriculteurs lors des périodes de sécheresse" poursuit-il.
Si elle était retenue, cette solution pourrait aboutir dans l'est en trois à quatre ans grâce à un travail commun entre le département, la chambre agriculture et les intercommunalités.
Les collectivités sont plutôt ouvertes à ces propositions d'autant plus qu'au-delà de l'eau agricole, des problèmes d'eau potable sont également rencontrés aujourd'hui.
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