Géantes des mers

Une première baleine est arrivée, mais la saison n'a pas (encore) tout à fait commencé

  • Publié le 12 mai 2024 à 11:35

C'est avec beaucoup d'avance que la première baleine de la saison a été observée en cette année 2024. Filmée depuis la côte de Sainte-Rose le samedi 4 mai, cette baleine juvénile a déjà terminé sa migration depuis l'Antarctique, mais il est pour l'heure "un peu prématuré pour parler de lancement de la saison" souligne Jean-Marc Gancille, de l'association Globice. (Photo photo RB/www.imazpress.com)

"Une ou deux baleines ont été signalées ces derniers jours, mais ça ne marque pas forcément un démarrage de la saison. On a généralement des juvéniles qui arrivent en avance, mais les arrivées massives devraient se produire en juillet" temporise Jean-Marc Gancille.

"Cependant, cela veut quand même dire que les premières migratrices sont arrivées, et donc de facto la saison commence" ajoute-t-il.

Une arrivée aussi précoce présage-t-elle une saison des baleines exceptionnelle, à l'image de celle de 2023 ? Pas forcément. "On a essayé de déterminer s'il y avait une corrélation entre les arrivées précoces et la qualité de la saison, mais selon nos observations il n'y en a pas vraiment" explique le responsable de la communication et du développement de Globice.

"On a de toute façon une tendance à la hausse très significative depuis le début des années 2000, avec des années plus timides que d'autres. L'hypothèse principale est que les variations s'expliquent par les facilités de se nourrir en Antarctique" détaille-t-il.

"Concernant la saison à venir, il nous manque encore quelques données satellitaires pour s'avancer sur la saison à venir, mais elle devrait être bonne" précise-t-il. Il est cependant bien trop tôt pour déterminer si les 1.200 individus repérés en 2023 seront aussi nombreux cette année.

Cette arrivée précoce est-elle de mauvais augure ? Pas nécessairement. "Les plus anciens vous diront qu'on a déjà observé des arrivées ponctuelles en février, mars, avril. Il s'agit d'individus dont la personnalité les amène à prendre des chemins différents, ce n'est pas impossible de croiser des baleines à des moments anachroniques" répond Jean-Marc Gancille.

Pour autant, le comportement de ces cétacés reste minutieusement observé. "Le changement climatique global va avoir des conséquences sur les cycles migratoires, notamment sur le circuit de baleine" explique-t-il.

"On a des populations qui ont énormément augmenté grâce à la diminution de la chasse à la baleine, mais on a parallèlement des bouleversements majeurs dans les océans avec une augmentation de la température de l'eau, la fonte des glaces…qui ont des effets sur les proies. Cela risque d'avoir des conséquences sur la population. Quel sera leur comportement, est-ce qu'elles vont s'adapter ? Ce sont des questions qui nous occupent beaucoup" admet-il.

Un suivi de la masse corporelle des individus présents dans les eaux réunionnaises va donc être lancé, piloté par un drone.

"On va échantillonner un certain nombre d'individus pour évaluer leur corpulence et son évolution, qui nous servira d'indicateur de leur état de santé. Ce sont des recherches qui sont déjà menées dans le monde, et qu'on va lancer ici."

- La problématique des mises à l'eau -

Avec l'arrivée imminente des prochaines baleines, les associations sont déjà sur le pont pour rappeler les règlementations qui entourent l'observation et les mises à l'eau.

" Alors que s'ouvre une nouvelle saison Baleines, la responsabilisation individuelle et collective de l'ensemble des acteurs est d'autant plus importante que se cumulent des pratiques aux effets significatifs sur les animaux" rappelle Globice.

"Il faut préserver au maximum la tranquillité des baleines, qui sont en pleine saison de reproduction, qui doivent allaiter leur petit, et qui ne mangent pas. Elles sont en position de vulnérabilité" souligne Jean-Marc Gancille.

"On sait que le whale watching (observation des baleines ; ndlr) est la plus grosse menace" pour les baleines, ajoute-t-il.

"Je rappelle que La Réunion est l'un des rares territoires où les mises à l'eau sont encore autorisées. Cela contrevient à la plupart des conclusions qui ont démontré qu'il s'agit d'un des modes d'observation les plus préjudiciables pour les baleines" souligne Jean-Marc Gancille.

"Cela génère des changements de comportements et provoque donc une perte d'énergie qui leur est nécessaire. On a au travers de notre sur-pression d'observation, des impacts qui sont multiples. La règlementation est nécessaire mais il va falloir sûrement aller plus loin" détaille-t-il.

Si les observateurs "sont de plus en plus conscients des règlementations", il estime que les opérateurs sont désormais "trop nombreux" à La Réunion.

"Il y a un effet cumulatif : les opérateurs se passent le relais, la baleine va devoir aller de plus en plus loin et faire l'objet de nombreuses tentatives de mises à l'eau pendant plusieurs heures. Le baleineau étant curieux on peut avoir le sentiment qu'il n'y a pas tellement de conséquences, mais quand c'est cumulatif cela va forcément avoir un effet sur la qualité de vie des baleines."

"Une étude australienne, réalisée dans une baie où les mises à l'eau sont encore autorisées, à déterminer que ces dernières génèrent 50% de temps de repos en moins pour les baleines. Cela peut impacter négativement le développement de baleineaux et les empêcher d'atteindre la taille nécessaire pour migrer en Antarctique" rapporte-t-il.

Certains passionnés ont décidé ces dernières années de cantonner leurs observations au littoral. Sur les réseaux sociaux, les comptes de signalement se sont multipliés pour permettre à celles et ceux qui le souhaitent d'admirer le spectacle de loin.

Dans ce contexte, Globice va lancer son application d'observation depuis la côte, "Balèn terla".

"On y a ajouté des dimensions de conseil, d'informations, de partage, mais aussi la possibilité de rencontrer des gens de Globice pour que tous les passionnés de baleine puissent échanger et apprendre" annonce Jean-Marc Gancille.

- 2023, une saison record -

1.271 baleines à bosse ont fréquenté la zone de reproduction de La Réunion l'année passée. Ce chiffre record a été annoncé par l'association Globice au cours d'une réunion de bilan de la saison Baleines 2023.

"Ce chiffre est totalement hors-normes et représente trois fois plus d'individus que la saison précédente, déjà considérée comme record à La Réunion" commentait l'association.

"Ce chiffre constitue un plafond maximal d'individus photo-identifiés. Il est sujet à évolution car l'ensemble de données (près de 8.000 photos) n'ont pas encore toutes pu être traitées" notait Globice.

- Respecter la quiétude des cétacés -

Une présence des baleines qui nous fait rappeler les gestes et recommandations à adopter, notamment lorsque l'on se trouve en mer.

"Il existe une règlementation spécifique que décrit un arrêté préfectoral précisant les bonnes pratiques à respecter", indique Jean-Marc Gancille. "Tout le monde peut en prendre connaissance sur une plateforme en ligne dédiée, ludique, qui permet l'apprentissage des consignes." La plateforme : https://www.formation-omega.org/

Conformément à l’arrêté préfectoral n°2021-1306 du 7 juillet 2021, cette réglementation comporte des règles précises de distance, de vitesse d’approche, de jauge de fréquentation et d’horaires d’observation.

Si certains paramètres dépendent également du comportement des cétacés, notamment la distance minimale, il convient à tout moment de faire preuve de prudence et de précaution en privilégiant une vitesse réduite voire le point-mort pour éviter toute perturbation des mammifères marins. Les principales règles sont rappelées dans le document, ci-joint, qui doit par ailleurs être affiché sur tous les navires.

Les personnes mises en cause s’exposent à de fortes amendes et à la suspension ou au retrait de leur permis de conduire les navires.

Lire aussi - Les baleines on les aime, on les admire et surtout on les respecte

 as/www.imazpress.com / [email protected]

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