Un risque 50% plus élevé que la moyenne nationale

Violences sexuelles sur des enfants : une situation "catastrophique" à La Réunion

  • Publié le 28 juin 2023 à 07:37
  • Actualisé le 28 juin 2023 à 14:15

Ce mardi 27 juin, et pour la première fois à La Réunion, a eu lieu une réunion de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). À La Réunion, où le constat est "catastrophique", ce sont 5.348 informations préoccupantes pour violences qui ont été relevées en 2022. Des violences en hausse de 6,7%. Des enfants victimes de violences verbales, de coups… mais pas que. Ces enfants sont aussi victimes de violences sexuelles (Photo : rb/www.imazpress.com)

Ce mardi, c'est à Saint-Denis, et plus précisément à l'Université de La Réunion que s'est déplacée la Ciivise pour une réunion publique. Édouard Durand et Nathalie Mathieu, co-présidents de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants viennent à la rencontre des victimes, de leurs proches, mais aussi des acteurs de terrain. La commission est sur le terrain à Saint-Pierre ce mercredi.

"L'idée c'est également que les victimes s'expriment", note Jessy Yong-Peng, présidente de l'association EPA (Écoute-moi, Protège-moi, Aide-moi). "Le but c'est aussi de comprendre le mécanisme de l'agresseur et ce que vit la victime, son parcours, son accompagnement", ajoute-t-elle.

- Une situation catastrophique à La Réunion -

À La Réunion se sont 5.348 informations préoccupantes qui ont été relevées en 2022. Des violences en hausse de 6,7%. Un constat "catastrophique" pour les associations de lutte contre les violences familiales.

De plus, 28% des enfants concernés ont moins de six ans et 14% ont moins de deux ans. Des informations préoccupantes très souvent en lien avec les violences intrafamiliales (54% des IP).

Régulièrement, ces enfants victimes de violences sont placés. À La Réunion, le nombre de ces enfants augmente de 8% en 2022 et de 14% pour les enfants de moins de deux ans.

"L'état des lieux est malheureusement alarmant voire dramatique", déplore Audrey Coridon, référente du collectif Stop Vif protégeons nos enfants.

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- Le risque d'être victime de violences sexuelles 50% plus élevé à La Réunion qu'en moyenne nationale -

À La Réunion, nombreux sont les enfants violentés. "Des parents qui ont la conception qu'on éduque par avec la parole mais avec des frappes", explique la procureure de Saint-Pierre, Caroline Calbo. "Une conception réprimée par la loi", rappelle-t-elle, punissable "jusqu'à de cinq ans d'emprisonnement, assorti de stage de sensibilisation à la responsabilité parentale".

Des enfants victimes de violences verbales, de coups… mais pas que. Trop souvent à La Réunion, des enfants sont victimes d'incestes. "En France, c'est deux à trois enfants par classe, à La Réunion, c'est beaucoup plus", déclare Jessy Yong-Peng.

De plus, à La Réunion, le risque d'être victime de violences sexuelles est près de 50% plus élevé que la moyenne nationale.

La présidente qui a d'ailleurs créé une page Me Too inceste 974 pour libérer la parole des familles et des victimes. "On ne veut plus que cela soit tabou, la honte doit changer de camp, chacun doit prendre ses responsabilités"', dit-elle.

"Il faut regarder la réalité en face, les chiffres sont terribles" lâche Jessy Yong-Peng. Elle nous livre l'exemple d'une femme qui, après avoir témoigné sur la page Me Too inceste 974, l'a appelé pour lui dire "enfin je suis prête", prête à déposer plainte. "Généralement quand les gens ont le déclic c'est comme s'il y a une explosion qui se met en place", souligne la présidente de EPA.

- La plainte, un véritable parcours pour les familles -

"Les dénonciations de ces violences sexuelles sont en forte augmentation", note Caroline Calbo, procureure de Saint-Pierre.

"Il y a beaucoup de violences incestueuses avec une reproduction de génération en génération de la conception de la sexualité où l'enfant est un objet pour assouvir ses désirs", déplore la magistrate.

La procureure qui explique également que, même si la famille souhaite retirer sa plainte, "le parquet n'en reste pas là. Nous avons connaissance d'une infraction pénale grave et donc on va jusqu'au bout".

Après ces témoignages, le dépôt de plainte, c'est tout un processus judiciaire qui se met en place. "L'enfant victime prend un parcours spécifique dans le cadre des violences conjugales. L'enfant doit passer par l'audition "Mélanie".

Il s'agit là d'une procédure adaptée pour pouvoir entendre les mineurs victimes. Les enquêteurs sont alors en tenue civile pour ne pas impressionner l’enfant. Ils auditionnent le mineur dans une salle dédiée à cela, une salle au décor d’une chambre d’enfant avec de nombreux jouets.

On y trouve notamment des poupées ou puzzles anatomiques afin que l’enfant puisse indiquer et nommer les parties du corps pour s’assurer qu’il les connait. Ils peuvent aussi servir à montrer les actes qu’ils sont subis, c’est souvent plus facile par le jeu que par la parole surtout pour les plus petits.

Des plaintes que prennent en compte les services de gendarmerie. Des gendarmes qui constatent en effet une hausse des violences.

Pour ces familles qui se disent perdues par la procédure judiciaire, "les gendarmes informent des suites de la procédure lorsqu'elles viennent déposer plainte". "On explique qu'il va y avoir des investigations et des témoignages recueillis et qu'ensuite les dossiers vont être transmis au magistrat", précise le Lieutenant Colonel Lenne Rudy.

D'autre choses sont également mises en place comme la brigade numérique qui informe les victimes et l'application "Ma Sécurité" où les gens peuvent trouver des informations sur comment se passe la procédure pénale et comment dénoncer les violences.

- L'enfant doit être au cœur des préoccupations -

Mais ce que déplore Jessy Yong-Peng, c'est que souvent dans les familles séparées, et malgré le fait que l'enfant ait parlé, la petite victime doit retourner une semaine sur deux avec son présumé bourreau.

"Quand l'enfant parle, le parent (la mère généralement), ne veut pas aller remettre son enfant dans la gueule du loup donc dans ce cas on fait quoi ?", lance Jessy Yong-Peng.

"Souvent on dit à la mère de rendre l'enfant car il n'y a pas encore de preuve, juste un dépôt de plainte. Sauf que si la mère tient tête, c'est une correctionnelle qui lui pend au nez pour non-présentation d'enfant", nous explique la présidente de l'association.

"À un moment donné, il faut écouter l'enfant et appliquer un principe de précaution", s'insurge Jessy Yong-Peng.

"Il y a urgence à mieux protéger les enfants", déclare Édouard Durand, magistrat et co-président de la Ciivise. "Un enfant qui révèle des violences et qui n'est pas protégé perd confiance dans le monde des adultes", ajoute-t-il.

Si vous êtes victimes de violences conjugales, vous pouvez contacter le 3919, le numéro national de référence d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violences. Des conseillers sont disponibles 24h/24. La Réunion est le quatrième département français en matière de violences intrafamiliales.

En cas d'urgence, le seul numéro à composer est celui de Police Secours.

Le 112, numéro d'urgence européen
Le 114 pour les personnes sourdes, malentendantes, aphasiques, dysphasiques
Le 115 pour la mise à l'abri pour un hébergement d'urgence
Le 15 pour les urgences médicales, ou le 18
Le 119 pour les enfants en danger
Le 08 019 019 11 pour les auteurs de violences conjugale

Vous pouvez signaler des faits de violences intrafamiliales en ligne, directement auprès du commissariat ou de la gendarmerie la plus proche sur le www.servicepublic.fr/cmi Anonyme et gratuit, ce tchat est accessible 24h/24 et 7j/7 pour échanger avec des policiers ou des gendarmes spécialement formés aux violences sexistes et sexuelles.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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