Dégâts environnementaux majeurs

Mayotte : inquiétude pour la faune et la flore dévastées par Chido

  • Publié le 16 janvier 2025 à 10:03
  • Actualisé le 16 janvier 2025 à 14:50

Le cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte le 14 décembre 2024, a laissé derrière lui des dégâts considérables sur la faune et la flore de l’île. Des forêts dévastées aux espèces menacées, les conséquences environnementales suscitent de vives inquiétudes. Entre diagnostics et appels à des moyens renforcés, scientifiques et associations alertent sur l’urgence d’une réponse adaptée (Photo : www.imazpress.com)

Au lac Karihani, merveille environnementale située dans le centre de l'île, la forêt environnante est méconnaissable. "Presque tous les arbres sont à terre", constate Émilien Dautrey, directeur de l’association Gépomay.

Ce site, où plus de 57 espèces d’oiseaux ont été recensées, est aujourd’hui confronté à une double menace : la disparition des habitats et une potentielle prolifération des espèces envahissantes.

- Inquiétude autour du crabier blanc, espèce en danger critique d'extinction -

Si une centaine de poules d’eau, espèce emblématique du lac, a été recensée début janvier, aucun juvénile n’a été observé depuis le passage de Chido, compromettant la reproduction de l’espèce pour l’année à venir.

Les colonies de crabiers blancs, espèce en danger critique d’extinction, ont également disparu du lac Karihani.

"Nous avions cinq colonies cette année mais nous avons perdu leur trace. Et ce, même si nous avons pu repérer deux individus équipés de balise", rapporte Émilien Dautrey.

- Des écosystèmes à terre -

Situé dans le centre de l'île, au coeur de la forêt de Tchaourembo, les arbres fruitiers et les fleurs ont eux aussi été balayés par le cyclone Chido, impactant les écosystèmes.

"Je n'ai entendu aucun oiseau à Tchaourembo. Il n'y a plus de fruits, plus de fleurs. On se demande ce que vont devenir les espèces frugivores et nectarivores", s'inquiète le directeur de l'association.

Les monts Benara et Combani sont également largement dépouillés de leur végétation.

Les mangroves mahoraises ont été en parties détruites. Ces écosystèmes déjà en net recul avant Chido en raison des pressions humaines, constituent un lieu, entre terre et mer, de nidification, de nourrissage et de reproduction pour de très nombreuses espèces.

Sur l’îlot M’Bouzi, site classé Réserve naturelle nationale (RNN) abritant une forêt primaire précieuse, les dégâts sont moins spectaculaires que sur la Grande-Terre. Mais sur le versant est, des arbres emblématiques, comme les baobabs, les albivias ou les manguiers, ont été durement touchés.

Thani Mohamed Ibouroi, conservateur de la Réserve, s'inquiète de la prolifération rapide des espèces exotiques envahissantes : "Elles prennent rapidement le dessus sur les espèces endémiques, là où la végétation a été détruite."

- "On ne peut pas faire 200 mètres sans croiser un cadavre de maki" -

Autre source d’inquiétude : les roussettes. La plus grande des chauves-souris, aussi surnommée "renard volant", est difficilement trouvable faisant craindre de lourdes pertes.

"Les grands arbres qui leur servaient de gîtes et de sources d'alimentation ont disparu", explique le conservateur, également docteur en biodiversité, écologie et conservation, et président du Groupe de recherches et de protection de la faune et de la flore des îles de l'océan Indien.

Les makis, autre espèce emblématique de Mayotte, subissent également de plein fouet les conséquences du cyclone. "Beaucoup d'arbres ayant été déracinés, ils doivent désormais traverser les routes au sol, ce qui provoque de nombreux accidents. On ne peut pas faire 200 mètres sans croiser un cadavre de maki", alerte Thani Mohamed Ibouroi.

- Des appels à l’action pour préserver la biodiversité -

Face à cette crise écologique, les acteurs de la biodiversité plaident pour des moyens humains et financiers accrus. "Nous disposons de bases de données solides pour comparer l’avant et l’après cyclone", souligne Émilien Dautrey.

Mais pour lui, le plan "Mayotte debout", prévu pour la reconstruction, ignore la question cruciale de la biodiversité.

Rachida Omar, directrice de l’antenne de l’Office national des forêts (ONF) à Mayotte, annonce qu’un diagnostic de la flore sera établi d’ici fin janvier, notamment sur les crêtes, grâce à des survols par drone.

Ce diagnostic orientera un plan d’action visant à accompagner le rétablissement des écosystèmes ou à procéder à des replantations.

Pour les experts, une approche coordonnée est essentielle. "Nous ne pouvons pas restaurer sans réaliser un diagnostic commun", insiste Thani Mohamed Ibouroi, qui appelle à la mise en place d’un protocole unique pour évaluer les impacts et définir les priorités.

En attendant, l’urgence est de sensibiliser les populations locales et de trouver des solutions innovantes pour protéger les espèces.

Des initiatives comme l’installation de cordages pour permettre aux makis de traverser les routes en toute sécurité pourraient être envisagées. Un voeu pieux semble consensus : la reconstruction de Mayotte ne devra pas se limiter aux infrastructures humaines.

Sans un plan d’action pour préserver et restaurer la biodiversité, les impacts du cyclone Chido pourraient marquer durablement l’équilibre écologique de l’île au lagon.

Lire aussi - Mayotte : la Banque des territoires débloque 600 millions d’euros pour financer la reconstruction

Lire aussi - Une semaine après leur retour de Mayotte, l'émotion est toujours présente chez les pompiers réunionnais

pb/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

guest
0 Commentaires