Parcours emploi compétences

Baisse des financements de l'État pour les contrats PEC : une décision "inquiétante" et "déconnectée des réalités sociales"

  • Publié le 8 janvier 2025 à 17:06
  • Actualisé le 13 janvier 2025 à 09:09

Le 31 décembre 2024, le nouveau préfet de La Réunion – Patrice Latron – a signé un arrêté actant la baisse des financements pour les contrats aidés "Parcours emploi compétences" (PEC). Cette décision prise "en catimini" et "déconnectée des réalités sociales" est dénoncée par plusieurs élus. Cette baisse de financement de l'Etat génère d'autant plus d'inquiétudes, alors qu'à La Réunion le recours à ces contrats aidés est plus important qu'ailleurs en France (Photo : www.imazpress.com)

Dans l'arrêté préfectoral, il est indiqué que "l'aide de l'État pour les parcours emploi compétence et contrats initiative emploi est attribué en faveur des publics les plus éloignés du marché du travail" au sens "des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières".

Si jusque-là tout paraît aller pour le mieux, il faut se référer à l'annexe située en dernière page pour comprendre la diminution des aides allouées par l'État.

Pour les PEC, le taux de prise en charge par l'État passe de 60% à 53%. De plus, la durée est réduite de 11 à 10 mois. Le nombre d'heures de travail hebdomadaire lui aussi fond comme neige au soleil.

Face à la prise de cet arrêté et sollicitée, la préfecture de La Réunion n'a pas encore répondu à nos questions.

- Des contrats en moins face à un risque d'épidémie de chikungunya en hausse -

Une partie des contrats PEC est dédiée aux espaces verts, majoritairement mobilisés dans la lutte antivectorielle – nécessaire en cette période pré-épidémique de chikungunya. Mais là encore, l'État diminue sa part et passe à 54% de taux de financement.

"On veut faire de la lutte avec l'Agence régionale de santé contre les épidémies et en même temps - alors qu'il y a une recrudescence des cas - on baisse les aides, c'est complètement antinomique", dénonce Natacha Chane-Kong, responsable de service égalité de la direction Cohésion sociale et solidarité à la Région.

"Dans un contexte sanitaire alarmant, aussi bien s'agissant de la dengue et du chikungunya, la nécessité de maintenir des contrats PEC dans la lutte anti-vectorielle est une urgence", lance Patrice Selly.

À La Région, en 2024 sur 59 chantiers espaces verts, pour 45 associations, 642 personnes étaient en contrat PEC en plus de 72 encadrants, pour un montant pris en charge par la collectivité de plus de 6,6 millions d'euros.

Lire aussi - Chikungunya : le stade pré-épidémique atteint, les cas se dispersent sur le territoire

- Un arrêté qui risque d'aggraver la précarité et le chômage à La Réunion -

Hormis les personnes employées pour les espaces verts, "la baisse des financements aura un impact pour ceux qui dépendent de la Région Réunion dans les secteurs tels que les cantines, ou les assistantes de vie dans les écoles primaires", explique Natacha Chane-Kong.

"Aujourd'hui nous finançons ces contrats à hauteur de 40% plus les charges patronales sociales. Mais si l'État baisse ces aides, il y aura forcément un impact budgétaire sur la collectivité régionale et donc moins de contrats, moins de possibilités pour ces personnes de sortir de la précarité", lance-t-elle.

"La baisse de ces financements est un scandale pour la Région. Passer de 11 à 10 mois, même c'est si ce n'est qu'un mois de moins, imaginez le circuit avec France Travail et le turn over", s'indigne la responsable de service égalité de la direction Cohésion sociale et solidarité à la Région.

Au-delà du contrat et de sa durée, "c'est l'intérêt de ce contrat qui est remis en question". "Le contrat PEC permet de former ces personnes, mais comment faire avec une diminution des temps de ce contrat ?"

Sans ajustement rapide, "cet arrêté menace des centaines de familles réunionnaises" prévient la Région, dans une île où le taux de chômage est déjà de 114.330 personnes sont à la recherche d'un emploi et où 36% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.

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- Baisse des aides : une décision "prise sans concertation -

La découverte de cet arrêté préfectoral a suscité de vives réactions, à commencer par celle de la Région Réunion.

Dans un communiqué envoyé ce lundi 6 janvier 2025, la Région a exprimé sa "vive inquiétude". "Cela va fragiliser gravement l’efficacité d’un dispositif crucial pour l’insertion professionnelle et la cohésion sociale sur le territoire réunionnais", alerte la collectivité.

"Cette décision, prise sans concertation avec les acteurs locaux, ignore des spécificités des territoires ultramarins", dénonce la Région.

Ces modifications "risquent d’aggraver la situation de nombreuses familles déjà en situation de vulnérabilité et vont compromettre des initiatives locales essentielles dans un contexte préoccupant déjà marqué par une résurgence sanitaire avec le chikungunya, une inflation persistante et une précarité croissante, et un chômage endémique parmi les plus élevés de France".

Cyrille Melchior demande lui le maintien du taux de financement des PEC par l'État. "Ces décisions auront des conséquences négatives majeures, sur les familles des bénéficiaires des minima sociaux engagés dans le dispositif, qui constituent des publics particulièrement vulnérables. Ces mesures impacteront aussi les finances des collectivités déjà fragilisées et en proie aux incertitudes et au manque de stabilité qui prévaut à l’échelle nationale."

Se sont joints à l'appel de la présidente de Région, plusieurs élus de La Réunion. "Surprise et inquiétude. C'est ainsi que mes collègues maires et moi-même avons accueilli l’arrêté préfectoral qui vient significativement modifier les modalités de financement des Parcours Emploi Compétence (PEC)", réagit le président de l'association des maires de La Réunion, Serge Hoareau.

"Des mesures qui ont été prises de manière aussi brutale qu'unilatérale et pourraient avoir des conséquences économiques et sociales catastrophiques", ajoute le président de l'AMDR.

Le député Frédéric Maillot avait déjà alerté le préfet lors de leur entrevue ce lundi 6 janvier. Il ajoute : "cette décision sans concertation avec les acteurs locaux plonge de nombreux Réunionnais dans une situation de précarité durable, particulièrement pour celles et ceux oeuvrant à l'entretien des espaces verts et embellissement de notre environnement".

"Ce courrier vient confirmer la forte inquiétude qui règne chez les présidents d'association et porteurs de projets d'insertion face aux conséquences de cet arrêté", ajoute-t-il.

- "Toute l’architecture sociale, économique et sanitaire menacée" -

Le maire de Saint-Benoît, Patrice Selly, a lui aussi évoqué cette baisse. "Dans un contexte de crise politique, économique et sociale sans précédent en France, cette décision est totalement déconnectée des réalités sociales et des difficultés quotidiennes de nombreuses familles réunionnaises."

Le Collectif Union citoyens 974 dénonce à son tour cette diminution des financements. "Cela va fragiliser dangereusement et gravement leur efficacité d’un dispositif crucial pour une insertion professionnelle et fait peser une épée Damoclés sur la cohésion sociale sur le territoire réunionnais."

"C’est bien toute l’architecture sociale, économique et sanitaire, de notre île, qui est aujourd’hui menacée", alerte le collectif.

Face à cette situation alarmante, la présidente de Région, tout comme Serge Hoareau, ont écrit au préfet et appellent l’État à maintenir le taux de prise en charge à 60 % pour les territoires ultramarins, en reconnaissance de leurs spécificités, et à prolonger la durée des contrats à 11 mois afin de garantir des parcours d’insertion stables et un accès à la formation.

- Plus de 13.000 contrats PEC à La Réunion -

À La Réunion, le recours aux contrats aidés dits PEC (Parcours emploi compétence) est plus important qu'ailleurs. Selon les chiffres de l'Insee, en 2021, 13.300 personnes contractaient un parcours emploi compétences (PEC), soit 2.200 de plus qu'en 2019.

Près d’un tiers des employeurs sont des associations et les deux tiers restants la fonction publique.

Les contrats aidés dédiés aux entreprises des secteurs marchands augmentent aussi pour atteindre 2.500 entrées en contrat initiative emploi (CIE) en 2021, soit 400 de plus qu’en 2019.

A noter que l’insertion est particulièrement difficile pour les bénéficiaires d’un contrat aidé PEC. Selon l'Inseee, seuls deux sur dix sont en emploi six mois après leur contrat.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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8 Commentaires
THOR
THOR
2 mois

Normal que les maires se mobilisent......le clientélisme lors des futures élections va être plus difficile

Felix
Felix
2 mois

Rienk band menteurs hypocrites !
Lo Préfet n’avait point le choix de signe l’arrêté qui découle de la PLF 2025!

Vive les gratteurs

GHERARDI
GHERARDI
2 mois

Etienne de La Boétie XVI siècle a percé les manipulations de l’enseignement et des institutions, pour saper la conscience citoyenne et infecter les nouvelles classes dirigeantes en les formatant consciemment ou inconsciemment, de telle manière qu'ils soient coupés du peuple et aujourd’hui par tacite soumission anticipée du bon fonctionnement de l'économie. On a commencé par couper l'homme de la nature, on a donné champ libre à tous les abus, en ouvrant un engrenage maudit, servant à écarter des hommes d'autres hommes, au profit de minorités. Une oligarchie financière ubiquiste et nocive, nous vide de nos substances c'est-à-dire à la suspension de l'assentiment, et ensuite à l'ataraxie.
Une partie de la population se met au service de la tyrannie par cupidité et désir d'honneurs, en leur donnant l'occasion de dominer d'autres à leur tour. Ce sont donc les courtisans qui se font les complices de la tyrannie, perdant du même coup leur propre liberté. Certains hommes flattent leur maître espérant ses faveurs, sont devenus complices du pouvoir.
Contrairement aux hommes politiques contemporains, qui se plaisent à parler de changement, d’innovation, d’avenir et de nouveau monde, Auguste justifia son audace politique par le goût du passé retrouvé. Les Romains étaient persuadés de l’importance capitale des mœurs des anciens………

mireille
mireille
2 mois

les rsa vont bosser gratos

Marie
Marie
2 mois

Je pense, que M. Le préfet devrait tenir compte de la situation sociale de la Réunion avant de signer un tel arrêté et de prendre une telle décision avec des conséquences dramatiques. Encore "un goyave de France " qui débarque et qui impose....Revenir sur cette erreur peut montrer sa grandeur ! A méditer M. Le préfet !

Reese
Reese
2 mois

Ces contrats précaires utilisés par nos politiques pour faire du clientélisme ? Et vous vous offusquez de la baisse ? Mouais…

Paul
Paul
2 mois

N’oublions pas la pléthore d’entreprises opportunistes qui ont vu le jour rien que pour le fric en faisant du vent….

Maxo
Maxo
2 mois

"FRANCE CHÔMAGE AU LIEU DE FRANCE TRAVAIL"

J'ai trouvé un commentaire d'un certain Jean Claude sur ce dossier très approprié à savoir de changer de nom de "France Travail en France Chômage" c'est bien trouvé pour la Réunion. Voilà un préfet déconnecté de la vie réunionnaise, au lieu de favoriser l'insertion par l'emploi met en place une politique d'exclusion. Nous sommes sur une île volcanique M. Le préfet au moindre secousse volcan i pè pèté !