La concertation se poursuit

Crise du BTP : les syndicats maintiennent la pression, rendez-vous le 14 juin pour une nouvelle rencontre

  • Publié le 1 juin 2024 à 11:05

Ce vendredi 31 mai 2024 s'est tenue à la Chambre de commerce et d'industrie de La Réunion, une réunion entre les acteurs du BTP pour tenter de sortir de la crise. À l'issue de plus de quatre heures de discussion, la réunion entre tous les acteurs de la filière du BTP n'a pas débouché sur un accord. Une nouvelle réunion est prévue le vendredi 14 juin. Si l'intersyndicale a décidé de ne pas réactiver le mot d'ordre de grève, la pression reste bien présente. Les organisations prévenant que la mobilisation reste suspendue aux décisions qui leur seront apportées lors de la prochaine réunion (Photo rb/www.imazpress.com)

Ce vendredi soir, les syndicats ont salué "la prise de conscience que dans le BTP il y a un problème", a déclaré Johnny Lagarrigue, porte-parole pour l'intersyndicale.

"La Région et le Département ont apporté des solutions pour traiter les chantiers bloqués mais on attend des bailleurs un redémarrage des chantiers."

Des syndicats qui le disent, si cela est bien, "ce n'est pas suffisant".

"On a fait comprendre au préfet que pour la cellule de travail on est preneurs mais on n'est pas encore satisfaits car même si on a identifié des freins il n'y a rien qui dit que cela va se faire", a déclaré Maximin Hoarau de la CGTR.

Même constat partagé par Anthony Lebon de la FRBTP, "c'est loin d'être fini".

"On est dans une situation d'urgence pour l'emploi et les entreprises", a-t-il dit. "Ce qui va être décisif c'est si les mesures se font dans un temps court pour passer ce creux d'activité." "Il faut des mesures urgentes et exceptionnelles", abonde-t-il.

"Si les besoins étaient couverts en terme d'infrastructures on ne demanderait pas du travail", a lancé le président de la FRBTP.

-  La Région et le Département font des efforts -

La Région Réunion – lors de cette réunion – a annoncé "faire un pic dans les mois qui viennent des accords-cadres", a déclaré Fabrice Hoarau. Des accords-cadres qui permettent de raccourcir les délais.

De plus, "une proposition de modification justificative sera votée le 28 juin lors de l'Assemblée plénière pour apporter 41,6 millions d'euros d'investissement dont 27 millions pour les routes, 7 millions pour le bâtiment et le reste pour les bâtiments de la collectivité".

Une somme à ajouter aux 307 millions d'euros d'investissements votés déjà par la Région, hors NRL.

Fabrice Hoarau explique également "on a travaillé sur la mise en place de procédures simplifiées pour les marchés de moins de 100.000 euros et nous avons répertorié 48 opérations pour 3,5 millions d'euros dans la semaine qui viennent".

De son côté, le Département a annoncé débloquer 20 millions d'euros, passant de 104 à 204 commandes publiques. Cela concerne les travaux des routes, des collèges ou encore de l'agriculture.

"Il n'est pas facile de piloter ces dossiers. Nous sommes conscients des difficultés des entreprises", déclare Cyrille Melchior.

 

"La situation reste difficile mais moi je reste positif", a souligné de son côté Jérôme Filippini, préfet de La Réunion. "Nous avons fait un travail énorme en quelques jours et c'est reconnu."

Toutefois, "j'aurais aimé que l'on soit sur une levée complète du conflit, on ne l'est pas puisqu'il a été souhaité qu'encore sous une quinzaine de jours, on apporte des réponses complémentaires".

"La position qui est de maintenir la pression je la trouve dure alors que l'on a proposé un comité de suivi et de sortie de crise du BTP qui se réunira chaque mois avec les organisations syndicales et employeurs."

"Ce que disent la FRBTP et les syndicats c'est que ce n'est pas suffisant et on veut sous quinze jours des solutions. Moi je ne promets rien", dit-il.

"Il ne faut pas mettre la pression en disant trouvez-moi sous quinze jours des solutions qu'il n'y avait pas avant donc on va s'organiser, travailler et se voir pour signer un protocole d'accord avec un calendrier le 14 juin. Mais tout ne sera pas réglé en quinze jours."

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- Une semaine d'échanges et des réunions -

Durant une semaine, une dizaine de réunions se sont entretenus entre les acteurs de la filière BTP et les "donneurs d'ordres", soit la Région, la Département, l'État, les bailleurs le BTP.

Il s'agissait de déterminer des pistes pour empêcher l'effondrement de ce secteur clé de l'économie locale "désormais à l'agonie" soulignent les syndicats de salariés.

C'est pour alerter les pouvoirs publics et les donneurs d'ordre sur cette situation que l'intersyndicale s'était mobilisé le jeudi 23 mai et le vendredi 24 mai.

Soutenus par la FRBTP (syndicat patronal) qui alerte, elle également, sur la crise agitant le secteur, les syndicalistes avaient distribués des tracts aux automobilistes sur le rond-point de la caserne Lambert donnant accès à la sortie et à l'entrée de la NRL.

À l'issue d'une réunion à la CCI le 24 mai, le mouvement de grève avait été suspendue dans l'attente de la concertation.

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- Peu de chantiers, matériaux chers, entreprises défaillantes, licenciements… -

Inflation, surcoût des matériaux, baisse des chantiers, entreprises en difficulté, difficultés d'approvisionnement… tant de facteurs fragilisent la filière du BTP.

Et pour cause. "Les importations de ciment ont baissé de 39%, les locations de grues de 32%", détaille Pierrick Robert. "Les coûts de construction ont augmenté de plus de 30%. Par exemple le prix de la tôle est de 21 euros, alors qu'avant il était de 14 euros", recense Jean-Paul Narayanin.

Le nombre de démarrage de chantier "baisse lui de 30%", précise la CCIR.

En 2023, on estime à 7.100 le nombre logements autorisés à la construction à La Réunion. Comparé à 2022, ce chiffre indique une diminution de 9%, selon les données de la Cellule économique du BTP de La Réunion (CERBTP).

Tous les logements mis en chantier sont en baisse que ce soit pour les logements individuels -kaz atèr-, (-9,3%), les logements individuels groupés (-5,1%) et les logements collectifs et en résidences (-11,6%).

Dans le social, au 4ème trimestre 2023, 391 logements sociaux ont été démarrés et 1.002 ont été livrés. Les démarrages de chantier se contractent de 30,8% en un trimestre et chutent de 54,3% en un an. Quant aux livraisons de logement sociaux, elles progressent de 14,6%.

Des logements en baisse, qui découlent d'une baisse d'activité de la filière BTP à La Réunion.

À La Réunion, l'effectif salarié de la filière bâtiment est de 19.681 personnes selon les chiffres de la Caisse de congés payés du BTP, arrêtés en mars 2024. Une baisse de 2,2% comparée à mars 2023, alors que l'année passée, le secteur du bâtiment employait en moyenne, 20.170 salariés, selon les données de 2023 enregistrées par la CERBTP.

Ces salariés sont employés par près de 4.200 entreprises.

Selon les données de la CERBTP, 277 de ces sociétés étaient en situation de défaillance en 2023. Une hausse de plus de 61% sur un an. "Une défaillance d'entreprise qui a fortement augmenté depuis 2020, avec une accélération en 2022", précise Pierrick Robert.

Il reste que 94 de ces entreprises en difficultés ont fermé définitivement au 4ème trimestre 2023.

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- Une crise qui dure depuis trop longtemps déjà -

"À l'époque, les acteurs invoquaient des mises en chantier en retard, la mise en place d'un nouveau protocole de garantie d'emprunt… mais depuis 2025, il y a une baisse générale des mises en chantier qui est la conséquence d'une programmation plus réduite", souligne la Capeb, évoquant seulement 1.950 mises en chantier en 2019.

Si l'on avait pu croire – à tort – que cette crise est récente, elle dure en fait depuis des années.

"La FRBTP a alerté (les pouvoirs pubics - ndlr) à plusieurs reprises ces dernières années sur les conséquences de ces différents éléments conjoncturels" note Anthony Lebon de la FRBTP.

Plusieurs demandes avaient été clairement exprimées encore le 7 février dernier par le président de la fédération patronale à savoir la mise en place d'avances de démarrage de 30 % pour tous les marchés publics. La deuxième, pour la rentabilité des entreprises avec l'entrée de la filière en secteur de compétitivité renforcée.

Anthony Lebon le martelait, "nous n’avons pas arrêté d'alerter l'État et l'ensemble des acteurs politiques locaux sur la crise majeure que rencontre notre secteur, mais nous n’avons rien obtenu depuis longtemps".

Les raisons sont multiples : "coût excessif du foncier, inflation du coût des matériaux, absence d'ouverture de carrière de roches alluvionnaires, crise de l'insuffisance financière", liste la Capeb.

Tout cela mis bout à bout rend "les entreprises de plus en plus précaires et vulnérables avec des taux bancaires élevés, des difficultés pour la profession de basculer dans les grandes mutations du fait de sa dépendance aux fonds publics, la timidité de certaines communes à engager des travaux sur leur territoire", poursuit Raymond Vaitilingom, le secrétaire général.

"Tout cela était prévisible. Depuis l'année dernière les choses trainent. On savait que ça allait bloquer", lance Jean-Paul Narayanin.

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2 Commentaires
Steevy
Steevy
4 mois

C’est quand même fort de café! On a besoin de construire des logements et d’en rénover beaucoup d’autres, de rénover nos ports, de construire des lignes de tramway, etc.. et la solution? Plus de route!!!

Papangue
Papangue
4 mois

On veut du pognon. Voila l'objectif de cette pseudo grève du BTP. Qui fait grève finalement? certainement pas les employés, mal payés, qui risquent leurs emplois. Donc, le secteur entame un bras de fer avec l'Etat et collectivités afin qu'on leur refile du pognon pour bétonner encore et encore afin de ne pas licencier les employés. Tiens, ça rappelle le chantage des transporteurs. C'était quasi le cas d'Air Austral. A qui le tour?