Consommation

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les différences de prix entre La Réunion et l'Hexagone

  • Publié le 16 novembre 2022 à 16:58
  • Actualisé le 16 novembre 2022 à 17:02
Grande Surface

Alors que l'inflation a atteint 3,9% en septembre à La Réunion, l'Insee fait le point sur la différence des prix entre l'île et l'Hexagone. L'institut rappelle que de nombreux facteurs sont responsables des différences de prix, qui étaient évaluées à 7,1% en 2015. On peut notamment citer les marges réalisées par les distributeurs, la concentration de la distribution, ou encore l'octroi de mer. Une nouvelle étude sur ces différences de prix sera publiée en en 2023. L'Insee note par ailleurs que le ressenti des Réunionnais face à l'inflation est différente des prix mesurés par l'institut. Nous publions le rapport ci-dessous (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com)

Dans son avis du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer, l’Autorité de la concurrence présente différents facteurs qui expliquent les écarts de prix :

  • des taux de marge parfois élevés, mais qui n’expliquent pas à eux seuls les écarts de coût,
  • le recours aux grossistes-importateurs et l’octroi de mer représentent une part importante du prix des produis,
  • un secteur de la distribution très concentré,
  • les accords d’importation, qui peuvent nuire à l’intensification de la concurrence en prix entre enseignes,
  • une production locale moins compétitive,
  • le commerce en ligne, facteur de désenclavement et de lutte contre la vie chère, mais qui souffre d’un retard de développement.

Dans son évaluation, l'Autorité s'est attachée à mesurer les effets des lois du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique en outre-mer, dite loi « Lurel » et du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer (EROM). Elle a notamment conclu que le bouclier qualité-prix, mis en œuvre à la suite de cette loi dite Lurel, participe à combattre la vie chère.

Dans cet avis, l'Autorité formule une vingtaine de recommandations visant à dynamiser l'animation concurrentielle ultramarine.

- Le ressenti des consommateurs sur l’augmentation des prix est différent de ce qui est mesuré -

Le ressenti des ménages sur l’évolution des prix peut être différent de ce que mesure l’Insee à travers l’indice des prix à la consommation (IPC). Différents éléments expliquent ce sentiment de sous-estimation de l’inflation par l’IPC.

Tout d’abord, l’indice des prix à la consommation se réfère à un panier de consommation moyen alors que les consommateurs retiennent probablement leur propre structure budgétaire. L’évolution des prix calculée avec des paniers différents de consommation (ceux d’un ouvrier ou employé urbain, par exemple) diffère cependant peu de l’inflation moyenne au cours des quinze dernières années.

Les prix sont plus élevés de 7,1% à La Réunion - Comparaison des prix avec la France métropolitaine en 2015Ensuite, les ménages accorderaient plus d’importance aux prix en hausse qu’aux prix en baisse ou stables, car ce sont les premiers qui peuvent constituer une menace pour l’équilibre de leur budget.

Autre élément d'explication, le consommateur observe d’autant mieux les variations de prix que les produits sont achetés plus fréquemment : il est par exemple plus particulièrement sensible aux hausses du prix du pain qu’aux baisses du prix des appareils électroménagers. Or, le prix de ces biens durables a tendance à baisser.

Quatrième élément d’explication, l’indice des prix à la consommation mesure une évolution de prix à qualité constante des produits consommés. Or, de nombreux biens durables ont connu une amélioration de leur qualité : les smartphones achetés aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec les premiers téléphones mobiles.

En outre, la multiplication de nouveaux produits et services, qui ne se substituent pas à d’autres, mais viennent élargir les opportunités de consommation, peuvent entraîner une évolution de la norme de consommation. Ces produits peuvent alors entrer dans le cercle des dépenses considérées comme incontournables (micro-ordinateurs et abonnements internet, smartphones...).

Un tel phénomène peut expliquer un sentiment d’appauvrissement relatif même avec un revenu croissant : ou bien on satisfait à cette norme nouvelle, au prix parfois d’une baisse du taux d’épargne, ou bien on éprouve un sentiment de frustration en n’y satisfaisant pas.

Enfin, tout le monde n’a pas en tête la définition précise du pouvoir d’achat retenu par les comptables nationaux, selon laquelle sa progression est mesurée par l’écart entre la hausse du revenu disponible brut des ménages et la hausse des prix. De nombreux ménages considèrent que certaines dépenses « contraintes », soustraites aux arbitrages courants de consommation, devraient être défalquées pour pouvoir apprécier la réalité de leur aisance financière.

À La Réunion, les ménages pauvres – soit près de 4 ménages réunionnais sur 10 - sont les plus concernés par ces dépenses contraintes (loyer, électricité, eau, assurances et services financiers, télécommunications, cantine) : 37 % de leur consommation est pré-engagée en 2017, soit 2 points de plus qu’en 2006. Près de la moitié d’entre eux estiment d’ailleurs avoir des difficultés à boucler les fins de mois, un ressenti qui s’est aggravé depuis 2011.

Les dépenses pré-engagées pèsent aussi beaucoup pour les ménages dits médians, situés au milieu de l’échelle des niveaux de vie à La Réunion : 34 % de leurs dépenses de consommation. Au total, l’alourdissement des dépenses contraintes des ménages aux revenus faibles ou relativement limités sur les deux dernières décennies a été suffisamment fort pour influencer leur perception du pouvoir d’achat. Disposant de moins de latitude dans leurs choix de consommation, leur attention a pu être polarisée sur quelques produits courants dont les hausses de prix sont passées au premier plan.

- A quel niveau se situe l’inflation en cette fin d’année 2022 ? -

En septembre 2022, à La Réunion, les prix augmentent de 3,9 % sur un an. C’est moins qu’en France hors Mayotte (+ 5,6 %). L’écart avec le niveau national augmente, du fait notamment d’une hausse des prix moins marquée qu’au niveau national sur l’alimentation et l’énergie.

À La Réunion, la hausse des prix sur un an est tirée en premier lieu par celle des prix des services (+ 2,5 %), qui contribuent pour 1,2 point à l’augmentation annuelle totale, particulièrement les services de transports (+ 37,1 % sur un an).

Dans l’alimentaire, les prix augmentent de 7,1 % sur un an, contribuant à hauteur de 1,1 point à la hausse annuelle totale. Les prix des produits frais y contribuent peu (0,2 point) mais augmentent de 13,9 % sur un an (+ 6,5 % pour l’alimentation hors produits frais)

La hausse des prix des produits manufacturés contribuent pour 0,9 point à la hausse sur an, avec une augmentation de 5,0 % des prix de l’habillement et chaussures et de 3,7 % des « autres produits manufacturés ».

La hausse des prix de l’énergie contribue à hauteur de 0,6 point à l’augmentation annuelle, avec une hausse de 10,3 % des prix des produits pétroliers (+ 18,7 % au niveau national), et de 7,1 % des tarifs de l’électricité.

- Faut-il s'attendre à une poursuite de l’augmentation des prix dans les prochains mois ? -

Les tensions sur les conditions de production persistent dans le monde, même si certaines difficultés d’approvisionnement refluent quelque peu. Ces tensions alimentent l’inflation. Si celle-ci s’est redressée plus précocement aux États-Unis, en lien avec une demande intérieure très dynamique, elle atteint désormais 10 % sur un an dans la zone euro, avec une forte contribution des prix énergétiques et alimentaires, mais aussi un élargissement progressif aux biens manufacturés et aux services.

Au sein de la zone euro, les écarts entre les pays sont relativement importants : ils s’expliquent en partie par la nature des politiques publiques (boucliers tarifaires et/ou soutiens au revenu) mises en place pour limiter soit les hausses de prix, soit leurs effets sur le pouvoir d’achat des ménages.

Sur un an, selon l’estimation provisoire réalisée en fin de mois, les prix à la consommation augmenteraient de 6,2 % au niveau national en octobre 2022, après + 5,6 % le mois précédent. L’inflation pourrait atteindre + 6,4 % en décembre. La réduction progressive de la remise à la pompe tirerait en effet à la hausse les prix de l’énergie, tandis que ceux de l’alimentation et des biens manufacturés continueraient d’augmenter sous l’effet des hausses passées des prix des matières premières et des intrants.

La suppression de la redevance audiovisuelle atténuerait la contribution des services à l’inflation d’ensemble. L’inflation sous-jacente s’élèverait quant à elle à un peu plus de 5 % sur un an en décembre.

En France, après son net repli au premier semestre 2022, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages rebondirait au second semestre, porté par le dynamisme des revenus nominaux du fait notamment des mesures de soutien (hausses de prestations, baisses de prélèvements) et, dans une moindre mesure, par le ralentissement des prix.

Sur l’ensemble de l’année 2022, le pouvoir d’achat serait globalement stable, et se replierait de l’ordre de ½ % par unité de consommation. Les ménages lisseraient néanmoins les effets des fluctuations trimestrielles de leur pouvoir d’achat sur leur consommation et celle-ci serait relativement peu dynamique au second semestre, conduisant à un rebond du taux d’épargne.

- A quels niveaux se situent les écarts de prix entre La Réunion et l’Hexagone ? -

En 2015, l’écart des prix entre La Réunion et la France métropolitaine atteint 7,1 %. Cet écart résulte de deux visions des modes de consommation. Consommer le panier réunionnais en métropole coûte 3,6 % moins cher. À l’inverse, un ménage métropolitain qui fait ses achats habituels à La Réunion, débourse 10,6 % de plus qu’en métropole, soit un écart de prix qui s’est réduit par rapport à 2010.

Cet écart de prix s’explique en premier lieu par la cherté des produits alimentaires: pour un ménage métropolitain, les prix de l’alimentation sont plus élevés de 37 % à La Réunion, un écart stable par rapport à 2010. Les communications et la santé sont également plus coûteuses à La Réunion. Dans certains cas, l’offre de produits disponibles localement converge vers celle proposée en métropole (habillement-chaussures, électroménager, produits technologiques); cela a tendance à coûter plus cher au consommateur réunionnais. En revanche, les transports sont devenus plus abordables qu’en métropole.

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