À La Réunion, le gaspillage alimentaire est un sujet préoccupant dans le secteur de la restauration, particulièrement dans les établissements proposant des buffets à volonté. Si ce format attire de nombreux clients, il engendre aussi son lot de dérives. (Photo : sly/www.imazpress.com)
À Saint-Denis, le restaurant Wasabi propose un buffet à volonté tous les soirs du lundi au samedi, au tarif de 28,80 euros. Nommé responsable depuis près de huit ans, Saïd Ali constate que la majorité des clients terminent leur assiette.
Mais le gaspillage n’est jamais totalement évité. "Quand ce n’est pas fini, on jette", confie-t-il. "On fait tout notre possible pour éviter un maximum de le faire".
Pour limiter les abus, des affiches sont en place et le restaurateur privilégie la sensibilisation : "J’essaie toujours de discuter avec les clients, mais je ne vois pas l’utilité de contrôler les gens. On ne va pas surveiller chaque assiette", dit-il.
Côté cuisine, l’équipe anticipe afin de calibrer au mieux la quantité produite. "On ajuste en fonction des réservations. Si on voit qu’il y a du monde, on alimente le buffet progressivement. C’est une question d’équilibre", explique Saïd Ali.
Quant aux invendus, le responsable assume ses limites. "Le personnel peut se servir quand il reste de la nourriture mais le soir, lorsque je vois des gens dans la rue je ne peux pas me permettre de leur donner à manger comme ça. C’est une responsabilité sanitaire. Je ne veux pas prendre de risques", regrette-t-il.
Il lui arrive toutefois de proposer aux clients d’emporter ce qu’il reste en fin de service lorsque les conditions le permettent : "Ça limite le gaspillage, c’est mieux que de jeter."
La rédaction d'Imaz Press a tenté de contacter plusieurs autres restaurants proposant des buffets à volonté. Certains n’ont pas répondu, tandis que d’autres n’ont pas souhaité donner suite à nos sollicitations.
- Facturer les plats non terminés
Dans le restaurat Wasabi à Saint-Denis, en cas d’excès manifeste, une facturation peut être appliquée, bien que cela reste rare. "Le but, ce n’est pas de fliquer, mais de responsabiliser", résume Saïd Ali.
Face à ses comportements, certaines bonnes pratiques émergent : "Il est important d'avoir une personne postée derrière le buffet pour servir les clients. Cela peut limiter les abus", explique Patrick Serveaux, président de l'Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) Réunion.
"C'est le revers de la médaille", observe Patrick Serveaux, président de l'Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) Réunion. "Certains clients chargent leur assiette à outrance, surtout pour les produits coûteux comme le palmiste ou la langouste, sans toujours les finir".
Une attitude qui, en période de tensions sur certaines matières premières, interroge. "La formule du buffet à volonté entraîne parfois des dérives chez les clients qui sont dommageables, notamment pour la gestion de l’alimentaire", estime Patrick Serveaux.
Certains établissements - comme Wasabi - ont également recours à des affiches dissuasives menaçant de facturer les plats non terminés, mais leur portée reste symbolique. "D'un point de vue légal, facturer une assiette non finie est très délicat", précise-t-il.
- Revaloriser grâce au compostage -
Pour accompagner les professionnels, l'UMIH Réunion a récemment recruté une ingénieure en agroalimentaire. En collaboration avec l'Agence de la transition écologique (Ademe), Manon Garnier aide les restaurateurs et hôteliers à mieux gérer leurs biodéchets, conformément à la loi entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Celle-ci impose à tous les professionnels de trier et valoriser leurs déchets alimentaires.
Manon Garnier accompagne actuellement une douzaine d'établissements. "Le tri est souvent bien réalisé au niveau des préparations en cuisine, mais le retour d'assiettes pose davantage de problèmes, notamment en période de rush", souligne-t-elle.
Parmi les solutions pouvant être appliquées à La Réunion, le compostage sur site reste marginal dans les restaurants et hôtels de l'île, faute de moyens humains et logistiques. Tandis que la collecte et le traitement des déchets par des prestataires privés peut tripler les coûts pour les professionnels. "C'est un budget conséquent que tous les restaurateurs et hôteliers ne peuvent pas se permettre. C'est pourquoi ils attendent des solutions des Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de l'île", reconnaît l'ingénieure.
- Ce que dit la loi -
Quant à l'encadrement plus strict des buffets à volonté, le président de l'UMIH Réunion se montre sceptique. "Je vois mal comment on pourrait légiférer sur ce sujet", admet Patrick Serveaux. "Si cela avait été possible, ça l'aurait déjà été. Et puis, ce type de restauration reste minoritaire".
Pour lui, la clé reste la sensibilisation : "Le coût des matières premières ne cesse d'augmenter. Chaque produit proposé sur un buffet a un prix et le gaspillage n'est pas seulement un enjeu écologique mais aussi économique".
"Pour atteindre ces objectifs, le législateur pourrait être amené à étendre la réglementation aux restaurants, y compris aux buffets à volonté", explique la préfecture.
En matière de gaspillage alimentaire, la loi française encadre déjà de nombreux secteurs, mais la restauration commerciale, et en particulier les buffets à volonté, échappent encore à certaines obligations.
Selon la préfecture, le code de l’environnement interdit de rendre impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables, ou de les empêcher d’être valorisés, comme le prévoit l’article L.541-15-4. Cela concerne la grande distribution, les grossistes, l’industrie agroalimentaire ou encore la restauration collective, qui doivent trouver des solutions pour gérer leurs déchets alimentaires comme des réductions sur les invendus (via promotions ou dons), ou encore la transformation (alimentation animale, compostage ou méthanisation).En revanche, la restauration commerciale, dont font partie les buffets à volonté, n’est pas encore soumise à ces obligations.
L’article L.541-15-7 du code de l’environnement oblige, quant à lui, les restaurateurs à proposer des contenants, ou "doggy bags", aux clients qui en font la demande. Mais là encore, cette règle ne s’applique pas aux buffets à volonté, où les clients ne peuvent pas emporter ce qu’ils n’ont pas consommé.
- Valorisation des biodéchets obligatoire -
Enfin, la valorisation des biodéchets est, depuis le 1er janvier 2024, obligatoire pour tous les professionnels générant une certaine quantité de déchets organiques. Cela inclut les établissements de restauration commerciale. Les buffets à volonté sont donc concernés, mais le tri et la revalorisation sont plus complexes à mettre en œuvre, notamment pour les restes d’assiettes touchés par les clients, qui deviennent alors des déchets non récupérables.
La loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC) fixe comme objectif une réduction de 50 % du gaspillage alimentaire par rapport à 2015, d’ici 2025 pour la distribution alimentaire et la restauration collective, et d’ici 2030 pour la consommation, la production, la transformation et la restauration commerciale.
vg / www.imazpress.com / redac@ipreunion.com
Bonjour, ici Manon Garnier,
Petites rectifications :
- je ne suis pas ingénieure mais chargée de mission pour accompagner les établissements hôtels & restaurants (UMIH La Réunion) dans leur gestion des biodéchets parfois complexe (multiples facteurs contraignants).
- les coûts liés à la collecte, ou à la gestion de proximité par compostage ou à la méthanisation à la Réunion sont peu connus ni stables.
(charges potentiellement élevées dans un secteur déjà en tension)
- la sensibilisation de la clientèle peut difficilement se faire par le restaurant lui même au vu d'être mal interprété par la clientèle.
Merci de rendre visible cette thématique ! La filière Café-Hôtels-Restaurants est mobilisée !
Il suffit d 'interdire ce type de restaurant.
Mais éduquer serait mieux, quand on voit les poids lourd avec des assiettes délirantes et leurs petits doigts boudinés ; et dans les vernissages, omg !
J'ai tout compris ; je reste chez moi.
Pas de gaspillage ni de flicage, et vie de famille dans le calme.
"Certains clients chargent leur assiette à outrance, surtout pour les produits coûteux comme le palmiste ou la langouste, sans toujours les finir". ... Du palmiste et de la langouste en buffet à volonté ? Il a vu ça où lui ?
Ce n'ai plus un plaisir "de restaurant" d'aller dans ce type d'établissement c'est de la cantine