À La Réunion, face au déclin des bals la poussière, à la disparition des orchestres familiaux et au silence croissant des varangues, Ludovic Clain, fondateur de l’école de musique populaire WaïoMizik, lance "Mizik An Lèr". Cette nouvelle plateforme, conçue pour les musiciens amateurs de l’île, vise à relancer les rencontres musicales informelles, renouer avec les traditions locales et réinventer la convivialité autour de la musique. Fruit d’une dizaine d’années d’expérience, ce projet indépendant entend redonner aux passionnés leur juste place dans le tissu culturel réunionnais (Photo : DR)
Depuis 2008, Ludovic Clain enseigne les musiques populaires réunionnaises à travers son école WaïoMizik. Il y propose notamment des sessions de "bœufs" mensuels où ses élèves, qu’ils soient débutants ou expérimentés, se retrouvent pour jouer ensemble.
"Au fil des années, il y avait de plus en plus de monde intéressé. Parfois, j’oubliais même d’inviter certains. Je me suis dit : pourquoi ne pas créer un outil collectif pour permettre aux musiciens de s’organiser eux-mêmes ?", raconte-t-il.
Issu d’un parcours classique : conservatoire et musique savante, Ludovic Clain n’a pourtant jamais grandi dans un environnement familial de musiciens.
C’est précisément cette pratique populaire, souvent négligée par les institutions, qu’il souhaite remettre au cœur du paysage culturel local. "Les conservatoires forment des professionnels, mais les pratiques amateurs, elles, ont été peu à peu mises de côté, alors qu’elles constituent la base de la pyramide musicale", souligne-t-il.
- Une plateforme humaine et fédératrice -
Accessible uniquement sur invitation et gratuite, Mizik An Lèr se veut un espace sécurisé, simple et sans algorithmes. Chaque utilisateur peut y créer son profil musical, préciser ses instruments et ses styles joués, rejoindre des groupes par secteur géographique (nord, sud, est, ouest), intégrer ou créer des orchestres familiaux, organiser ou participer à des "rougails musicaux" : ces pique-niques sonores typiques de l’île et publier du contenu (vidéos, articles, partitions, événements).
Le réseau est volontairement limité. Chaque inscrit pouvant inviter jusqu’à cinq musiciens supplémentaires pour garantir une communauté à taille humaine.
Contrairement aux forums nationaux comme EasyZic ou aux groupes Facebook souvent saturés, Mizik An Lèr veut offrir aux musiciens réunionnais un véritable "terrain de jeu" adapté à leurs besoins et à leur réalité locale. "Jusqu'aujourd’hui, il n’y avait pas de plateforme pensée pour nous. Sur les réseaux, c’est souvent fouillis et les échanges sont vite parasités", ajoute le professeur de musique.
Lien vers la plateforme : Mizik An Lèr – Réseau social des musiciens amateurs de La Réunion.
- Un projet citoyen, hors des logiques commerciales -
Mizik An Lèr revendique aussi une dimension citoyenne et militante. "Ce n’est pas un produit, c’est une réponse. Une réponse à la disparition des lieux de répétition, à l’absence de soutien aux orchestres de quartier, au manque de vision des politiques culturelles", affirme Ludovic Clain.
Pensée pour être simple d’usage, même pour les moins technophiles, la plateforme est installable sur mobile (format PWA) et repose sur une charte des rougails fixant les bases d’un cadre bienveillant, inclusif et sans alcool, propice à l’échange et à la transmission.
Au-delà du numérique, le fondateur imagine déjà l’évolution du projet. Pourquoi ne pas envisager, à terme, l’installation de kiosques publics où les musiciens pourraient disposer d’instruments en libre accès, comme les terrains de foot offrent des espaces aux jeunes joueurs ?
Pour l’heure, une dizaine de musiciens ont déjà rejoint l’aventure. Ludovic Clain, lui, préfère rester discret sur l’avenir de la plateforme : "Je propose une boîte vide. C’est à la communauté de s’en emparer et de faire vivre la pratique amateur. Mon seul objectif est que cette musique retrouve ses lettres de noblesse", explique-t-il.
sm/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
Beau projet! ne pas vivre de la musique, mais faire vivre la musique!
initiative réjouissante pour la vivacité de notre culture