Immobilier

Accéder à la propriété : un rêve (de plus en plus) irréalisable pour les Réunionnais

  • Publié le 11 mai 2023 à 04:00
  • Actualisé le 11 mai 2023 à 12:18

Inflation, hausse du prix de l'immobilier, des biens rares à l'achat (et même à la location), taux d'emprunt… voici de nombreux tracas auxquels sont confrontés les Réunionnais en ces temps de crise. Et pour ceux qui caressent le doux rêve d'accéder à la propriété, le projet voulu paraît parfois bien loin de leurs espérances et presque irréalisable

Dans chaque couple, chaque famille, accéder à la propriété, avoir sa petite kaz avec le jardin et imaginer les enfants et le chien courir… Tel est le rêve de nombreuses personnes.

Un rêve qui malheureusement ne se réalise pas en un claquement de doigts. Et encore moins en cette période d'inflation et de hausse du prix de l'immobilier. Non. Pour espérer voir sa maison sortir de terre ou simplement acheter un bien, c'est le portefeuille qui risque de "claquer".

- Des rêves revus à la baisse -

Alors que le prix de l'immobilier grimpe, les taux eux, augmentent également, au détriment des futurs acquéreurs dont les emprunts ne sont pas extensibles.

"Depuis deux ans, il y a une hausse significative des taux qui ont quasiment doublé en 20 mois", explique Cédric Némoz, directeur de l'agence Meilleur taux à Saint-Gilles. "Cela est dû au renforcement des règles du Haut comité de stabilité financière (HCSF) qui impose des règles de calcul d'endettement contraignantes, notamment pour les personnes ayant déjà des crédits à la consommation."

Il ajoute, "aujourd'hui les banques vont reconsidérer les relations commerciales puisque sur les crédits immobiliers elles ne génèrent pas suffisamment d'argent".

Des banques plus frileuses… Cela n'arrange pas les affaires des futurs acquéreurs. "En effet, avant les clients venaient avec une enveloppe de 300.000 euros, mais le temps de la réflexion, que les banques se décident, ils ont dû revoir leur projet à la baisse, faute de financement ou d'épargne suffisamment importante", explique Carole Sautron de Lefinancement.re.

"Beaucoup de clients voient leurs projets à la baisse, repartent sur un autre bien ou alors enlèvent une chambre par exemple", ajoute Cédric Némoz de Meilleurtaux.com

Ce que constate également le gérant de l'agence de Saint-Gilles, "c'est que désormais, les profils qui se présentent sont plus souvent des personnes entre 30 et 40 ans, qui peuvent rembourser un crédit".

"Dans cette période difficile il faut se faire accompagner", note Carole Sautron, gérante-associée de Lefinancement.re. "On peut aider les futurs propriétaires à comprendre comment ne pas dépasser le taux d'usure car on sait comment fonctionnent les banques", dit-elle.

- Des prêts de moins en moins financés -

Justement, si le terme "taux d'usure" ne vous dit rien, les spécialistes nous expliquent. Au 1er mai 2023, le taux d'usure pour les prêts immobiliers est passé à 4,33%. Pour les prêts fixés entre 10 et 20 ans, il est de 4,52% pour les plus longs. Pour rappel, le taux d'usure est un taux d'intérêt maximum, fixé tous les trois mois par la Banque de France.

Il est mis en place pour éviter le surendettement chez les particuliers. En effet, si le taux d'intérêt calculé par les banques (incluant les frais de dossier, le courtage, l'assurance, les garanties…) dépasse le taux d'usure, elles ne peuvent proposer un prêt au particulier.

"Au-dessus de ce taux, un établissement financier ne peut pas financer de prêts", nous explique Carole Sautron. Toutefois, "si ce relèvement du taux permet aux banques d'avoir une soupape, ce n'est pas suffisant car les taux de financement bancaire continuent d'augmenter", ajoute la gérante-associée de Lefinancement.re.

- Prêt en baisse mais immobilier en hausse -

La raison de l'accord moins fréquent de prêt ou alors la difficulté d'accéder à la propriété de son choix est en partie due à la conjoncture immobilière.

D'un côté, le volume de transaction est en baisse. Une baisse qui s’accélère ces derniers mois pour atteindre -3% sur un an en décembre 2022 et janvier 2023, précise la Chambre des notaires de La Réunion.

Deux raisons expliquent cette situation. La première, "peu de biens en vente et quand ils sont disponibles, ils partent très vite", nous confie un agent immobilier.

De l'autre, une tendance à la hausse observée lors des dernières années qui perdure avec une augmentation de + 7,7% des prix sur un an à fin décembre 2022 pour les appartements anciens, + 11,4 % pour les appartements neufs et + 5,7 % pour les maisons anciennes sur la même période.

Selon les données notariales issues de PERVAL (site de données immobilière pour le notariat), le prix médian des appartements anciens est de 2 400 €/m2, en hausse de 8% dans un marché avec des volumes de ventes encore très importants.

Ainsi le prix au mètre carré pour un appartement ancien a augmenté de 16% au Avirons sur 1 an alors que certaines zones comme Saint-Pierre ne prennent que 4,9%. A Saint-André, le prix au mètre carré baisse même de 4,4%.

Pour les appartements neufs, les chiffres sont en constante augmentation. L’étude montre une forte augmentation des prix (+11%) des prix médians au m2. Il n’est maintenant plus rare de constater des prix de plus de 5 000 €/m2 pour des appartements neufs dans de très nombreuses villes de La Réunion.

Le constat posé pour les appartements peut être étendu aux maisons anciennes qui ont vu leur prix croître de 6% sur un an, de 25% sur 5 ans et de 29% sur 10 ans.

Dans la continuité des précédentes études, les prix au m2 augmentent fortement sur un certain nombre de villes, la croissance des prix pour Saint-Pierre (+9,6%), Sainte-Marie (+6,8%) et La Possession (+7%) est à noter.

"À La Réunion, le marché de l’immobilier est tendu notamment dans certains secteurs très recherchés", explique Maître Pons, présidente de la Chambre des Notaires de la Réunion et Mayotte. "La conjoncture actuelle avec la hausse du coût des matériaux, la hausse des taux d’intérêts entraine une baisse du volume des transactions. Les ventes sont réalisées au profit de surfaces plus petites, dans les secteurs du terrain à bâtir et du neuf."

"Le rêve de devenir propriétaire aujourd’hui pour un plus grand nombre tend à ne plus se réaliser", conclut-elle.

- Les locataires ne sont pas en reste -

Si l'accès à la propriété est particulièrement difficile, l'accès à la location est lui aussi impacté.

Comme l'indique la Fondation Abbé Pierre, quatre Réunionnais sur dix qui sont impactés par la crise du logement. Parmi ces personnes ayant des difficultés, nombreuses sont celles qui n'arrivent plus à financer leur logement. "On le rappelle, la principale dépense dans le budget des ménages c'est le logement. On rencontre des familles qui consacrent 50 à 80 % de leur budget au paiement des loyers", dit-il. "En l'espace de cinq ans, le prix des loyers a pris 21% d'augmentation et 6% l'année dernière. Une situation dramatique."

À La Réunion, le nombre d'impayés concerne 6.000 ménages (soit près de 13.000 personnes). "Un chiffre qui a augmenté de 47% en un an." Ce qui a provoqué 1.600 assignations au tribunal. Mais également, 471 demandes d'expulsion, dont 174 validées par le préfet et 57 mises en œuvre.

Une crise immobilière de ces publics précaires qui s'explique également par la baisse de 38% de la production des logements sociaux en un an avec 1.361 logements livrés en 2022, ce qui représente le plus faible niveau des cinq dernières années. Une chute de production qui inquiète la Fondation et qui risque de ne pas s'améliorer avec la hausse des prix.

La confédération nationale du logement (CNL) dénonce même une politique défaillante et parle d'un recul de 30 ans en arrière. Concernant les logements sociaux, "il faudrait remonter à plus de 30 ans en arrière pour voir des chiffres aussi bas en livraison de logements".

Un parc social où le prix des loyers fait de La Réunion la troisième région de France où le prix du loyer à la surface habitable est le plus élevé. Des loyers inadaptés aux ressources des demandeurs.

En tout cas, de l'avis des associations et professionnels du secteur, la hausse du prix et la galère pour les Réunionnais ne risque pas de disparaître de sitôt.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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