Répression

Réforme des retraites : dans l'Hexagone, de troublantes images de violences policières

  • Publié le 22 mars 2023 à 04:59
  • Actualisé le 22 mars 2023 à 17:26

Ce lundi 20 mars, en marge du vote à l’Assemblée nationale, la France est descendue dans la rue. Poubelles brûlées, barricades, manifestations… des mobilisations émaillées de tensions dans plusieurs villes. Des tensions qui ont exacerbé les violences, y compris du côté des forces de l’ordre.

Coups de matraque aléatoires, insultes aux manifestants (« ramasse tes co**lles enc*lé »), attaques contre la presse et entraves à la liberté d'informer, nasses illégales, arrestations arbitraires…C’est un triste spectacle qui s’est affiché ces dernières nuits dans les rues de l’Hexagone.

Alors que de nombreuses manifestations spontanées ont éclaté, la réponse des forces de l’ordre semble aujourd’hui démesurée. Au point d’alerter des ONG telles que Amnesty International, ainsi que les Nations Unies. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la France est dans le viseur de la communauté internationale en matière de maintien de l’ordre, notamment lors de la crise des Gilets jaunes.

Et alors que les vidéos laissent apparaître la violences des forces de l’ordre ces derniers jours, pour Edwige Guesneux d’Unité SGP Police FO, « le problème des réseaux sociaux c’est qu’on n’a parfois pas le début des interventions ». « Après, si une personne est victime de violences elle doit déposer plainte. Il faut savoir que la police est très contrôlée et que les violences policières non légitimes sont sévèrement punies », assure-t-elle. 

Invité à réagir sur l'image d'un policier assénant un coup de poing à un manifestant lundi soir à Paris, le préfet de police Laurent Nunez a indiqué avoir demandé l'ouverture d'une enquête administrative. "J'ai besoin de savoir dans quel cadre ça s'est passé, pour savoir si ce geste était adapté ou pas", a déclaré le préfet, invité de BFMTV.

Mais si seules les enquêtes peuvent le déterminer, on sait que souvent, ces dernières n'aboutissent pas ou peu. Certaines affaires, ayant même résulté par la mort d’une personne, comme Zineb Redouane à Marseille pendant les Gilets jaunes, n’ont toujours pas été résolues.

Edwige Guesneux tient tout de même à rappeler « qu’un policier n’agit que sous l’ordre d’un supérieur ». « Des fois les manifestants vont jeter divers objets vers les policiers et nos collègues tenteront de se protéger avec le bouclier », précise-t-elle. 

« L’usage de la force n’est possible que lorsqu’elle est nécessaire et proportionnée. » « Un fonctionnaire qui fait usage de la force hors du cadre légitime n’a rien à faire dans nos rang », affirme la syndicaliste. 

Pour autant, certaines vidéos sont difficiles à interpréter autrement que par de la violence gratuite. De nombreuses images circulent de jeunes personnes face à un mur, matraquées alors qu’elles ne posent pas - ou plus – de menace. Un homme a été laissé inconscient au sol après avoir été violemment frappé au visage par un CRS. Un policier a été filmé donnant des coups de matraque à une jeune femme qui tente de se protéger la tête.

Les arrestations semblent aussi profondément arbitraires. Alors que jeudi, place de la Concorde à Paris, 292 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue, seules neuf ont été déférées. Comprendre que toutes les autres personnes n’ont perpétré aucun délit identifié pour être présenté à un juge.

Car si le ministère de l’Intérieur aime à rappeler que les manifestations qui ont éclaté n’étaient pas déclaré, la participation aux dites manifestations n’est pas interdite, et ne présente donc pas de justification à une interpellation. Pour rappel, la Cour de cassation a établi en juin 2022 qu’une « personne ne peut se faire verbaliser pour avoir simplement participé à une manifestation non déclarée ».

Concernant les nasses, le préfet de Paris estime que « je peux décider, parce que je considère qu'il y a des troubles qui sont tellement graves que nous avons isolé un groupe et qu'il vaut mieux le contenir que le laisser progresser et commettre de nouvelles exactions ».

Et d'insister: "Ça, le Conseil d'État ne l'a pas interdit. Ce qu'il me demande simplement, c'est de prendre des décisions proportionnées, qui ne soient pas trop liberticides. Ça veut dire que la nasse ne doit pas durer très longtemps ». Pourtant, certains manifestants sont restés plus d’une heure nassés, certains accompagnés de touristes.

Lire aussi : Mouvement contre la réforme des retraites: des gardes à vue "arbitraires" vivement critiquées

- Des députés dénoncent les violences -

« Ce n’est pas une surprise. On l’avait dit, à partir du moment où la loi serait votée, il y aurait des problèmes dans les manifestations » estime le député Perceval Gaillard. « Ce qui est plus inquiétant, ce sont les interpellations préventives, c’est une tactique pour effrayer la population », dit-il.

« Désormais les forces de l’ordre utilisent la manière forte, ils vous enferment et vous envoient du gaz lacrymogène. Nos députés, Mathilde Panot et Louis Boyard ont été visés de manière volontaire. Le gouvernement veut jouer la carte de la répression dans la rue » affirme-t-il « Le gouvernement a compris que la majorité de la population est contre lui, donc il lui reste le pourrissement du mouvement mais ça ne marchera pas. »

« L’arsenal répressif utilisé depuis plusieurs jours dans de nombreuses villes de France est le signe d’un pouvoir isolé cherchant à contrôler par la force la colère légitime d’un peuple » estime de son côté la députée Karine Lebon.

« Manifester est un droit inscrit dans notre constitution, il est intolérable que des citoyens ne puissent pas exprimer leur mécontentement pacifiquement de peur d’être arrêté ou blessé. Participer à une manifestation, même lorsqu’elle n’est pas déclarée, ne relève pas d’une infraction. »

"Des images dignes des pires régimes autoritaires" a aussi réagi le député LFI Antoine Léaument. L’ironie étant que même le régime iranien, adepte des répressions sanglantes des manifestations, a condamné les violences policières [article en anglais] en France et a dénoncé « les violations des droits humains, alors que le pays fait la leçon aux autres ». Difficile d'imaginer la réaction du gouvernement français si ces images avaient été tournées dans un pays non-occidental.

- La crainte d'une escalade sans retour -

L’usage de la force de ces policiers fait également remonter une question. Comment, alors qu’eux-mêmes sont impactés et se mobilisent contre la réforme des retraites, peuvent-ils agir ainsi ?

« C’est problématique mais le policier a une obligation de réserve, c’est pour cela que nombreux font partis d’un syndicat », note Edwige Guesneux. « On est la police de l’État, on ne peut pas faire valoir nos idéaux personnels en intervention. »

Unité SGP Police le sait, être sous le coup de l’uniforme et respecter des ordres de l’État, même contre ses convictions est un véritable paradoxe.

Mais c’est justement pour cela que ces violences sont inexcusables. Les forces de l’ordre sont ici pour protéger les biens et les personnes, non pas pour les matraquer et les battre, qu’ils aient dégradé ou pas quelque chose. Les forces de l’ordre sont censées représenter l’ordre et non le désordre, et sont surtout formées – techniquement - à garder leur sang-froid dans des situations tendues.

Mais alors que la mobilisation risque de s’inscrire dans le temps, en Métropole, certains s’inquiètent de la montée des tensions. « On est à la veille d’une insurrection. J’ai peur qu’un de mes gars tue un manifestant », a confié un commandant de compagnie de CRS à Mediapart. Ambiance.

Car les forces de l’ordre n’ont que peu de répit : mobilisées la journée sur les piquets de grève et les blocages, elles sont aussi appelées à gérer les manifestations non-déclarées qui éclatent dans la soirée. Une situation intenable, et qui risque fortement de finir par exploser.

m.ma/as/www.imazpress.com

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3 Commentaires
Missouk
Missouk
6 mois

Quand des policiers peuvent faire quasiment ce qu'ils veulent sans aucun risque d'être poursuivis (merci les casques), nous ne sommes plus dans un état de droit!

Imaz Press Réunion
Imaz Press Réunion
6 mois

Pas de souci Chaban, nous avions compris à qui s'adressait le fidèle lecteur d'Imaz que vous êtes. Belle journe

CHABAN
CHABAN
6 mois

Bonjour,
assez drôle que LA PRESSE se réveille en 2023, la fin de règne doit aider. Une nouvelle petite musique est mise en place depuis le début de l'année.
Bien dommage, car si on mettait sous les images comme date 2018,19,20,21,22, on ne verrait pas de différence. Combien de journaliste, petit, ceux du terrain ont été pris pour cible, dans l'indifférence totale de LA profession?
Bien triste

Imaz, je parle de presse d'une manière générale.