Assemblée nationale

Réforme des retraites : l'avenir du gouvernement suspendu à deux motions de censure

  • Publié le 20 mars 2023 à 05:39
  • Actualisé le 20 mars 2023 à 11:22

Selon les oppositions à la majorité présidentielle, les syndicats et la rue, Emmanuel Macron veut un passage en force de la réforme des retraites rejeté par une grande majorité des Français. Le 49.3 mettant fin au débat et engageant la responsabilité du gouvernement a encore renforcé ce sentiment. Les oppositions, déjà soutenues par quelques élus LR, ont donc déposées des motions de censure. Si elles trouvent une majorité dans l’Hémicycle, le gouvernement d'Elisabeth Borne tomberait. Explications

C’est donc ce lundi, soit 48 heures après le temps limite pour le dépôt des motions de censure, que ces dernières doivent être débattues. Si l’une d’elles est adoptée par la majorité des députés, alors le gouvernement devra démissionner.

- Le gouvernement face à deux motions de censure -

Deux motions de censure ont été déposées par les groupes d'opposition à l'Assemblée nationale, l'une par le RN et l'autre par le groupe LIOT (groupe Libertés Indépendants Outre-Mer et Territoires). Cette dernière a été signée par tous les partis de la Nupes. Les deux textes dénoncent une procédure législative qui bafoue les principes démocratiques.

Dans un texte de deux pages, les élus dénoncent avec l'usage du 49.3 par le gouvernement, "l'apogée d’un déni de démocratie inacceptable dans sa constance et son mépris de nos institutions et de nos corps sociaux".

Un texte suffisamment ouvert pour pouvoir recueillir les votes de l'ensemble des groupes d'opposition, à l'exception des Républicains. Invité de France Inter, Charles de Courson, député LIOT qui portera cette motion, a déclaré : "La défense de la démocratie et de la justice sociale me paraissent être des choses qui peuvent réunir tant des gens de droite, du centre, de gauche, d'extrême-gauche".

Le Rassemblement national a également déposé une motion de censure, signée par les 88 députés du groupe parlementaire. Plus succincte, celle-ci dénonce "une atteinte grave aux principes démocratiques" dans la mesure où "la représentation nationale n’a, à aucun moment, pu voter sur ce texte".

Dans une interview au Parisien, le ministre de l’Économie dénonce « l’attelage clownesque » formé par les Insoumis, le RN et le groupe Liot, « alliés pour faire tomber le gouvernement » grâce à des motions de censure examinées lundi.

« Que chacun prenne ses responsabilités ! » Avant l’étude lundi à l’Assemblée nationale des deux motions de censure déposées après le 49.3 utilisé par Élisabeth Borne sur la réforme des retraites, Bruno Le Maire continue d’afficher un message de fermeté et de défendre le choix du gouvernement. « C’est un outil démocratique », martèle le ministre de l’Économie auprès du Parisien

- Qu'est-ce qu'une motion de censure ? -

Il s’agit de l’arme parlementaire qui peut renverser le gouvernement. Aux termes de l’article 49, alinéa 2 de la Constitution de 1958, l’Assemblée nationale peut mettre « en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure ».

Une fois déposée, la motion de censure doit être examinée dans un délai de quarante-huit heures puis soumise au vote de l’Assemblée nationale. Seuls les députés qui y sont favorables votent, une abstention étant considérée comme un soutien au gouvernement.

Pour renverser le gouvernement, il faut obtenir un vote favorable à la majorité absolue, soit 289 députés. Compte tenu de la composition de l’Assemblée nationale, cela nécessite que la quasi-totalité (88 %) des 327 députés de l’opposition, du RN à LFI, en passant par LR, s’accorde sur ce texte.

Si le camp de la droite est globalement favorable à la réforme, il ne suffirait que de quelques dissidents pour tout faire basculer.

Le président des Républicains Eric Ciotti a affirmé qu'aucun député LR n'irait dans ce sens, pourtant, quatre d'entre eux ont déjà exprimé leur désir de s'opposer à la réforme. Ils voteront contre l'avis de leur chef de groupe.

C'est aussi le cas de Maxime Minot, député de l'Oise qui a toujours exprimé son opposition à cette réforme et annonce un vote "sans scrupule" pour soutenir la motion de censure.

De la même manière, l'élu des Ardennes Pierre Cordier confirme à nos confrères de BFMTV qu'il votera pour la motion du parti Liot. 

Auprès de France Info, le député de la Moselle Fabien Di Filippo affirmait lui aussi son soutien à une motion de censure. 

En cas de rejet de la motion, le projet de réforme des retraites est considéré comme adopté.

Une seule motion de censure a été adoptée dans l'histoire de la Ve République. En octobre 1962, le gouvernement de Georges Pompidou avait ainsi été contraint de présenter sa démission au président de la République, De Gaulle. Ce dernier avait rapidement répliqué avec une dissolution de l'Assemblée nationale.

- La dissolution de l’Assemblée nationale, une arme à double tranchant pour Emmanuel Macron -

De son côté, et avec toute sa méprise, Elisabeth Borne déclare, non sans sourire, « qu’un vote aura bien lieu ». « Dans quelques jours, je n’en doute pas, à l’engagement de la responsabilité du gouvernement, répondront une ou plusieurs motions de censure. Un vote aura donc bien lieu, comme il se doit. Et c’est donc la démocratie parlementaire qui aura le dernier mot », a-t-elle dit. Démocratie parlementaire certes, mais que fait-elle de l’avis de Français ?

"Ce vote sera finalement ceux qui sont pour ou ceux qui sont contre la réforme", a assuré sur TF1 Elisabeth Borne ce jeudi soir. "Jusqu'à la dernière minute, nous avons tout mis en œuvre pour réunir une majorité sur ce texte", a insisté à la télévision la Première ministre.

Mais si le gouvernement d'Elisabeth Borne est renversé, Emmanuel Macron aura plusieurs options : nommer Elisabeth Borne à nouveau mais en formant un nouveau gouvernement, choisir un nouveau Premier ministre à la place d'Elisabeth Borne, ou bien dissoudre l'Assemblée nationale.

Pour l’heure, le choix de la dissolution n’a pas été exclu par le président de la République.

En vertu de l’article 12 de la Constitution, le président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale après consultation du premier ministre et des présidents des deux Assemblées (nationale et Sénat). De nouvelles élections sont alors organisées dans les vingt à quarante jours. Pour utiliser à nouveau cette possibilité, le chef de l’Etat doit toutefois attendre au moins un an après les élections législatives suivant la dernière dissolution.

Mais cette « arme constitutionnelle » peut provoquer l’effet inverse de celui escompté. Ce fut le cas en 1997, lorsque le président Jacques Chirac, qui voulait conforter sa majorité à l’Assemblée, provoqua de nouvelles élections – aboutissant au contraire à une majorité de gauche et à une cohabitation avec le gouvernement du socialiste Lionel Jospin.

Lors de la réunion au cours de laquelle s’est décidé le 49-3, selon les informations de nos confrères de BFMTV, la Première ministre Élisabeth Borne aurait d’ailleurs conscience de ce risque, indiquant assumer être un « fusible » en cas de recours au 49.3.

Quoiqu’il en soit, dissolution ou pas, les députés sont prêts à faire face au vote des Français si besoin. Jean-Hugues Ratenon, député l’avait d’ailleurs évoqué, « s’il faut retourner devant les Français nous y retourneront ».

Lire aussi - Retraites : des manifestations éclatent partout en France après l’annonce du 49.3
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2 Commentaires
Jour "J"
Jour "J"
1 an

Un référendum ou rien. Ce passage en force doit cesser. Macron est seul dans son délire et son illégitimité.

Missouk
Missouk
1 an

J'ai regardé et écouté avec beaucoup d'attention la réction de Gilles PLATRET (LR) sur le plateau de LCI. Pleine de bon sens! Et j'espère bien que les élus LR qui hésitent auront compris le message!