Ministère de l'Intérieur

Un rapport met en lumière les discriminations commises, et subies, par les forces de l'ordre

  • Publié le 3 novembre 2022 à 11:49
llustration Police

Dans un article publié ce mercredi 2 novembre 2022, le média d’investigation Médiapart dévoile un rapport interne recensant les discriminations commises, mais aussi subies, par les membres des forces de l’ordre. Commandé par l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, ce rapport réalisé parle déontologue du ministère Christian Vigouroux de détaille les différentes formes de discrimination rencontrées, et tentent d’y apporter des solutions (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com)

« Normalement ce rapport n’aurait pas lieu d’être et pourtant ce rapport a lieu » note en entrée en matière Christian Vigouroux. « Philosophiquement, dans une République et une démocratie, « forces de sécurité » et « discriminations » sont deux concepts incompatibles et contradictoires » écrit-il.
« Il faut admettre et constater que dans l’utilisation de leurs prérogatives légales, les forces de sécurité sont susceptibles de comportements inadmissibles, peuvent commettre des infractions pénales » ajoute-t-il par ailleurs.

« Mais il faut aussi constater et exprimer la réalité des menaces et des actes commis contre les forces de sécurité, y compris par des discriminations fondées sur la couleur de peau, les origines estimées, le sexe, les choix sexuels ou la religion des représentants des forces de l’ordre » insiste le déontologue.

« La personne victime d’injures racistes au cours d’une interpellation ou faisant l’objet d’un contrôle d’identité auquel elle n’aurait pas été soumise si son origine ethnique avait été différente, l’agent victime de réflexions sexistes, de la part de tiers ou d’un de ses collègues, et le policier dont l’adresse personnelle est taguée sur les murs de certains quartiers ont, en effet, en commun d’être pris à parti pour ce qu’ils sont et non en raison de ce qu’ils ont fait. Ils sont ainsi tous victimes, indépendamment de la qualification juridique de tels faits, d’une forme de « discrimination » abonde-t-il.

Ca rapport a été motivé par les manifestations contre les violences policières qui ont eu lieu un peu partout France en 2020, dans la lignée des manifestations états-uniennes qui ont suivies la mort de Georges Floyd. A l’époque, Christophe Castaner souhaite calmer le jeu. Deux ans plus tard, ce rapport a été remis à son successeur, Gérald Darmanin.

A noter que ce document, qui documente 54 pistes de réflexion, a été réclamé par Médiapart auprès de la Commission d’accès aux documents administratifs, après le refus du ministère de le publier.

- Rétablir la confiance entre la population et les forces de l’ordre -

Alors que les forces de l’ordre, en particulier la police, sont régulièrement pointées du doigt par une partie de la population concernant des contrôles au faciès, l’accueil des victimes de violences sexistes et sexuels, ou encore la prise en charge des victimes de discrimination, le déontologue du ministère de l’Intérieur tente d’apporter des solutions.

Il propose par exemple, concernant la question des contrôles au faciès, « une forme de reprise en main générale : le parquet est appelé à mieux circonscrire ses consignes et en contrôler davantage l’application, tandis que les agents et agentes de terrain devraient expliquer verbalement aux intéressés les motifs des contrôles et des éventuelles palpations et fouilles » détaille Médiapart.

Concernant la lutte contre les discriminations, Christian Vigouroux note un manque d’adaptation de l’accueil, majoritairement dans les commissariat. Un manque qui impacterait le nombre de plaintes déposées : seules 1% des personnes qui se sont déclarées victimes de discrimination entre 2018 et 2022 auraient signalé celle-ci aux forces de sécurité intérieure.

« Une meilleure compréhension et prise en compte, au sein des services compétents, de certaines formes spécifiques de discriminations et l’organisation régulière d’échanges avec les associations qui les combattent paraissent ainsi utiles et nécessaires à la prévention et à la répression de ces infractions » avance-t-il.

Le rapport propose donc de créer un Observatoire des discriminations, piloté par les services statistiques ministériels de la sécurité intérieure et de la justice et associant les représentants associatifs, ainsi que d’inciter les services judiciaires à qualifier aussi précisément que possible, par nature d’infractions (NATINF), toutes les procédures présentant un caractère discriminant.

Le rapport recommande par ailleurs d’améliorer la communication entre les forces de l’ordre et tous les pans sociétaux et institutionnels : presse, parlementaires, avocats, associations…En proposant des visites de terrain, des échanges réguliers ou encore des consultations.

- Les forces de l’ordre régulièrement insultées -

Si les forces de l’ordre peuvent être pointées du doigt, elles subissent elles aussi des discriminations, d’après le rapport. « En premier lieu, la plupart des faits de discrimination dont les agents sont victimes portent sur des outrages ou des violences commises dans le cadre des interventions des forces de l’ordre sur la voie publique, et en particulier des contrôles d’identité. Il a en particulier été fait état d’une banalisation de l’outrage » peut-on lire.

« En deuxième lieu, un nombre croissant d’injures, de menaces, voire même de violences sont exercées à l’encontre des agents dans leur sphère privée, et en particulier à leur domicile. En troisième lieu, ce phénomène de discriminations touche tout particulièrement les minorités ethniques et les femmes. » ajoute Christian Vigouroux.

Le rapport fait par ailleurs état de discrimination sur le lieu de travail, notamment contre les minorités de genre, de race, ou d’orientation sexuelle. Il est recommandé de « prioriser le développement du logiciel Osadis, destiné à améliorer le suivi des procédures disciplinaires au sein de la police nationale. et d’organiser, au sein des services de police et de gendarmerie, la conduite d’une enquête de victimation spécifique au thème des discriminations internes au service ».

Christian Vigouroux préconise par ailleurs de « veiller à une réponse administrative et disciplinaire proportionnée, de nature à réprimer les faits de discrimination interne aux services qui le méritent et à rétablir le bon fonctionnement du service, et veiller à mieux informer les victimes sur les suites données à leurs plaintes ».

Enfin, concernant les violences subies de la part de la population, il avance la nécessité d’« améliorer la protection fonctionnelle des agents, en veillant à une meilleure information des agents sur leurs droits, en incitant la hiérarchie à manifester de façon immédiate et visible son soutien à l’agent concerné ; et en rappelant aux chefs de service sa portée afin de prévenir des refus injustifiés d’octroi ».

- "La Réunion reste la France" -

A La Réunion, ce rapport n’est pour l’heure pas parvenu jusqu’aux syndicats. Idriss Rangassamy, secrétaire départemental d’Alliance Police nationale, estime cependant que « la police est la représentation de la population. Aujourd’hui on parle de racisme dans la police mais le racisme est le reflet de la société entière. Ces cas restent marginaux, chacun est libre en France d’avoir des pensées, du moment que cela n’interfère pas dans les décision prises en tant que policier ».

« Chacun a le droit d’avoir ses positions, maintenant dans la société de tous les jours le racisme existe et cela ne m’étonnerait pas que chez nous dans la police il y ait quelques collègues de ce type-là. La Réunion reste la France, des collègues peuvent avoir leurs opinions. Mais au final, qu’est-ce que le racisme, est-ce le mec anti-zoreil, anti-zarab ? anti-noir ? Le racisme c’est quoi ? » ajoute-t-il.  

« Nous à La Réunion, c’est compliqué de parler sur un tel sujet, au sein de l’institution on est habitué à travailler avec des personnes de toutes origines, mélangées. On est la continuité de la société, il est compliqué de parler de racisme au sein de la police réunionnaise car nous sommes tous d’origines mélangées, il y a un brassage ethnique » avance de son côté Stéphane Lebreton, secrétaire départemental de SGP Police.

« Maintenant il y a la plateforme IGPN où les personnes portent plainte en ligne. Je n’ai jamais eu vent de ce genre de plainte. C’est compliqué de dire que ça n’arrivera pas, c’est vraiment en marge et des cas isolés car des abrutis il y en a partout. La police réunionnaise n’est pas une police spécifique mais nos origines diverses et variées fait qu’on a l’habitude de se côtoyer et que la question ne se pose même pas » estime-t-il.

« Juger ou insulter un policier du fait qu’il porte un uniforme bleu, est-ce que ça peut être apparenté à du racisme ou du simple fait de la fonction ? C’est en tout cas une sorte de discrimination quoi qu’il en soit » conclut-il.

as/m.ma/www.imazpress.com

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