La Conférence Péi, réunissant pour la troisième fois une centaine d’acteurs issus des sphères politiques, citoyennes, associatives et syndicales de La Réunion, porte la voix d’une société réunionnaise engagée pour son avenir. Nos travaux du 2 juillet 2025 à Saint-Benoît, structurés autour de douze ateliers thématiques, ont permis d’identifier les dépendances majeures de notre territoire et de formuler des propositions concrètes pour une île de La Réunion plus équitable, durable et responsable (Photo d'illustration sly/www.imazpress.com)
Notre contribution s’inscrit dans le cadre du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) du 10 juillet 2025. Suite au courrier du 26 juin de Ministère des Outre- Mer présentant les modalités d’un CIOM en deux étapes, il nous est apparu indispensable de réagir. En effet, nous sommes surpris par le parti pris d’écarter les instances locales des discussions qui auront lieu ce Jeudi 10 juillet entre Ministères du pouvoir central.
Le fait d’évoquer des sujets aussi cruciaux que la vie chère, la sécurité et la situation mahoraise pour les Outre-mer et ce; sans les Outre-mer semble être une erreur symptomatique de l’état d’esprit qui régit nos relations. De même, le choix de missionner les Préfets, par territoire, pour faire des propositions sur lesquelles les instances locales ne pourraient que réagir ne nous apparaît pas être la bonne méthode pour créer le consensus nécessaire pour la bonne mise en oeuvre des politiques publiques sur nos territoires.
Pour cela, nous prenons l’initiative de vous transmettre une première contribution centrée sur les points à votre ordre du jour du CIOM du 10 juillet.
Nous vous invitons à organiser une Conférence Territoriale d’Action Publique élargie aux acteurs associatifs et citoyens à La Réunion pour préparer le CIOM du quatrième trimestre. Nous nous tenons prêts à y participer avec l’ensemble des composantes de notre organisation.
La première contribution aborde particulièrement les questions relatives à la vie chère et au pouvoir d’achat, les enjeux liés à la sécurité de nos concitoyens ainsi que le partenariat avec le Département de Mayotte. Elle porte la conviction que l’avenir de La Réunion doit se construire sur les valeurs d’équité sociale, de durabilité écologique et d’affirmation de notre identité.
Vie chère, emploi et rémunérations : sortir des injustices structurelles en lien avec notre transition économique
La vie chère à La Réunion n’est pas une fatalité. C’est le résultat de choix politiques et économiques qui ont consolidé des situations de monopole, un manque de transparence sur les marges, et une dépendance excessive aux importations. En 2022, les prix étaient en
moyenne 9 % plus élevés qu’en métropole, avec un écart de 37 % sur l’alimentaire. Cette situation frappe d’autant plus durement que 36 % des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté et que la moitié de la population dispose de moins de 1420 euros mensuels pour vivre.
Le marché du travail réunionnais reste marqué par un chômage massif (25 % en moyenne, 45 % chez les jeunes) et une économie sous perfusion des transferts publics, sans capacité suffisante à générer des emplois pérennes et adaptés aux compétences locales.
Parallèlement, la politique de sur rémunération des fonctionnaires, si elle compense partiellement la vie chère pour une minorité, creuse les inégalités avec la majorité des salariés du privé qui ne bénéficient d’aucun complément de rémunération.
Nos propositions concrètes, issues des ateliers sont les suivantes :
- Instaurer une transparence obligatoire sur les marges des distributeurs et le prix d’arrivée des produits à La Réunion, avec un renforcement de la DREETS, déployée dans chaque zone de l’île, contribuant à la création d’un pôle Concurrence Réunion permettant le renforcement des contrôles sectorisés.
- Lutter contre les situations de monopole et de rente, en favorisant l’émergence de circuits courts, de centrales d’achat mutualisées pour les petits producteurs, et en encadrant les loyers et les frais bancaires.
- Diminuer le plafond de parts de marchés de la grandes distribution de 33% à 25% ;
- Adapter les politiques de soutien au pouvoir d’achat (APL, chèque énergie,...) à la réalité réunionnaise, en les amplifiant et en ciblant prioritairement les ménages modestes notamment par la création d’un revenu complémentaire.
- Favoriser la création d’emplois durables par l’investissement dans les filières stratégiques (agriculture, énergie, économie circulaire, numérique), la formation aux métiers d’avenir et la valorisation des compétences locales.
- Repenser la politique complète des rémunérations pour tendre vers une égalité réelle du pouvoir d’achat tout en assurant un coût de salariés acceptable pour les entreprises du privé, ceci afin qu’elle bénéficie aux bas salaires du privé en conditionnant les exonérations sociales à la création d’emplois locaux et à leur juste rémunération..
- Conforter la concurrence en contribuant à la création de centrales d’achat locales autonomes et en motivant l’arrivée sur le marché réunionnais d’enseignes discount répondant aux attentes des Réunionnais.es de modération des prix.
L’objectif est clair : permettre à chaque Réunionnais de vivre dignement, en réduisant les inégalités et en garantissant un accès équitable aux biens essentiels.
La sécurité de nos concitoyens : réaffirmer le rôle de la République dans nos territoires
Les questions relatives à la sécurité des habitants, aux violences urbaines et notamment l’importance du narcotrafic, ainsi que celle liée aux violences intrafamiliales prennent une place de plus importantes dans le quotidien des Réunionnais. Il est impossible d’aborder ces sujets sans s'intéresser à la situation sociale de l'Île, profondément marquée par les disparités de situation, l'extrême pauvreté d’une partie de la population, et les conditions “d’habiter” qui contribuent à la ghettoïsation du territoire.
L’importance des familles monoparentales, les difficultés d’adaptation à l’école et les situations de décrochage scolaire trop fréquente, les situations familiales d’addiction et de santé psychique, l'absence de perspective et le plafond social créent toutes les conditions pour l’émergence, dans les quartiers sensibles de phénomène de bande propice aux situations de violence et d’opposition aux institutions et forces de police.
Comme cela a été le cas dans toutes les grandes métropoles de l’Hexagone, ces situations contribuent au développement de tous types de délinquance et sont propices aux stratégie, de déstabilisation des réseaux de narcotrafiquants.
Cela suppose qu’au préalable, les principes d’égalité réelle soient interrogés au regard des spécificités de chacun de ses territoires sur tous les champs des politiques publiques. La première réponse et non la moindre, réside dans une intégration dans la Nation, complète et adaptée aux spécificités de la Réunion. Ces points ont été abordés lors des trois “Conférence Péi”. Nous ne manquerons pas de contribuer sur ces sujets aux travaux du CIOM de l’automne.
Pour plus spécifiquement la lutte contre les question d’insécurité des habitants et, notamment du narcotrafic, nos propositions concrètes, issues des ateliers, sont les suivantes :
Sur la question de violences urbaines et du développement des bandes de délinquants :
- Donner plus de pouvoir aux maires pour garantir l’équilibre social et fonctionnel des quartiers;
- Renforcer les actions de médiations dans les quartiers sensibles ainsi que les dispositifs de protection de la petite enfance et de lutte contre les violences intrafamiliales;
- Animer et coordonner les dispositifs de médiations avec les réseaux associatifs et scolaires afin d’identifier et de prévenir au plus tôt les personnes en risque de décrochage social;
- Affirmation de la volonté des citoyens et de l’Etat, du respect par tous des institutions et des règles de la République. Cela passe par l’éducation parentale, l'école, la pratique associative sportive culturelle citoyenne.
Pour les questions relatives aux narcotrafics, c’est un sujet très récent à La Réunion. Il est jugé crucial de prendre des mesures radicales et de profiter de notre relative isolement pour combattre le phénomène dès maintenant afin d’éviter que La Réunion, dont une partie de la jeunesse est en grande difficulté, ne connaisse les mêmes difficultés que l’Hexagone :
- Affirmer une volonté forte des citoyens et des élus contre le développement de tous types de drogues sur notre territoire avec :
- une communication à destination des familles qui souligne les risques encourus avec les nouvelles drogues méconnues et les conséquences en matière de santé et en matière pénale. La famille réunionnaise peut toujours jouer un rôle pour freiner le phénomène. Une formation appropriée des forces de l’ordre et pénitentiaire est aussi indispensable pour une meilleure pris en compte.
- une politique préventive en direction des primo-consommateurs, étant la base dynamique du marché. Il est important d’agir avec détermination sur ce levier avec l’ensemble des partenaires capables d’offrir des perspectives attractives aux jeunes en difficulté.
- une politique répressive de l’usage dès récidive avec un volet accompagnement et prise en charge.
- une politique répressive pour toutes les échelles de l’organisation du trafic avec des peines qui devront être résolument dissuasives, pouvant aller jusqu’à l’interdiction de résidence sur le territoire réunionnais. La question des "mules” et de leur arrivée sur l’île devra donner lieu à une prise en charge particulière pour éviter les récidives et l’engrenage qui fait de cet acte un premier pas parfois anodin dans le cercle vicieux dans les organisations de narcotrafic.
Cette bataille contre ce fléau nouveau ne pourra se gagner que par le renforcement et la coordination des actions des moyens de polices (polices, gendarmerie, polices municipales, douanes) et une meilleure coopération avec les services de médiations et le monde associatif.
Enfin, il nous faut une nouvelle approche plus globale pour contrer le fléau particulièrement destructeur de nos cellules familiales qui continuent à jouer un rôle fondamental dans notre société : celui des violences intrafamiliales. La Réunion est le deuxième département français avec 14,6 (pour 1000 habitants) cas recensés par an mais avec un risque plus important que de nombreux faits se passent sous silence.
Cette approche doit s’appuyer sur une meilleure connaissance des causes de ce phénomène grâce à la mise en commun des expériences et à la recherche universitaire visant à analyser des politiques publiques en lien avec les initiatives nationales, européennes, internationales. Au niveau de notre territoire, un certain nombre d’innovations montrent leur pertinence et il s’agit aujourd’hui d’en accélérer le déploiement.
Ainsi nous demandons à l’Etat en priorité de :
- généraliser rapidement à toute l’île le Pack Nouveau Départ en lui octroyant les moyens nécessaires tant humains qui financiers pour une meilleure prise en charge des victimes et leurs familles.
- renforcer le programme Nouvel Hébergement des Auteurs de Violence Intrafamiliale à la Réunion et généraliser les interventions (soins, responsabilisation, réinsertion, réparation …) avec une articulation des dimensions judiciaires, thérapeutiques et sociales.
- déployer les programmes de sensibilisation et prévention en ciblant les plus jeunes en milieu scolaire ou suivis dans le décrochage et l’ensemble de la population en milieu professionnel.
Enfin, les politiques publiques doivent apporter une attention particulière aux situations impliquant des enfants. Ceux-ci sont confrontés aux violences commises au sein du couple parental mais aussi sont victimes directes de violences. Il convient de judiciariser ces cas aux premiers stades pour une prise en charge sérieuse et totale.
Mayotte : un partenariat solidaire et équilibré, visant la prévention des fragilités et un renforcement commun de nos populations
La situation de Mayotte, aggravée par les crises climatiques et sociales récentes, appelle une réponse solidaire et responsable de la part de l’ensemble de la nation, dans laquelle La Réunion à toute sa place. Notre île, forte de sa proximité, de son histoire, de ses compétences et de ses expériences, peut accompagner le développement de Mayotte, notamment dans la reconstruction post-cyclone, la formation, l’ingénierie territoriale et l’adaptation aux risques climatiques.
Cependant, cet accompagnement ne doit pas se faire de façon isolée et dirigée depuis Paris avec deux écueils à l'oeuvre aujourd’hui : que La Réunion soit écartée des réflexions et actions engagées sur place et à Paris mais qu’en parallèle, et du fait de sa proximité, on assiste à un transfert des fragilités de Mayotte vers La Réunion. Il est essentiel de préserver la cohésion sociale et la sécurité de notre territoire et pour cela de pouvoir contribuer à la stabilité régionale.
Nous proposons de :
- renforcer la coopération institutionnelle et technique entre La Réunion et Mayotte, notamment dans les domaines de l’habitat durable, de la gestion des risques, de la santé et de l’éducation, en impliquant les jeunes et les acteurs locaux des deux îles. Celle-ci pourrait donner lieu à l’organisation d’une Conférence Territoriale de l’Action Publique commune sur ces questions
- accompagner le partage des expériences et savoir-faire en favorisant le travail collaboratif entre les deux territoires par le jumelage d’instances et collectivités, la mobilité des professionnels et des étudiants, l’organisation de plateformes communes d’échanges et de
retours d’expériences.
- plaider pour une prise en compte spécifique des besoins de Mayotte dans la politique européenne de cohésion et dans les fonds de solidarité, afin de garantir un développement équilibré et de prévenir les effets de déstabilisation régionale.
- intégrer pleinement Mayotte dans les dynamiques de coopération régionale, en valorisant les complémentarités et en construisant des réponses collectives aux défis communs (sécurité alimentaire, gestion de l’eau, adaptation au changement climatique).
- Conclusion -
La Conférence Péi réaffirme que l’avenir de La Réunion ne peut se construire sans une transformation profonde de son modèle de développement, fondée sur la responsabilité, l’équité et la durabilité. Nous appelons le CIOM à entendre la voix des acteurs réunionnais, à soutenir nos propositions et à engager une nouvelle étape de dialogue et de co-construction avec l’État et l’Europe. La Réunion, forte de son identité créole, de ses solidarités et de son engagement citoyen, est prête à assumer ses responsabilités pour bâtir un avenir plus juste, plus résilient et plus ouvert sur sa région et le monde.
GIRONCEL Maurice Président CINOR Maire de Sainte-Suzanne PCR
Ericka BAREIGTS, Maire de Saint-Denis
Patrice SELLY, Maire de Saint-Benoit
Philippe NAILLET, Député de la Réunion
NIOBÉ Eric
MAILLOT Fabrice
ETANG SALE MAx Réunion Culture
DENNEMONT Jean-Michel Educateur Spécialisé
PAYET Bernard Mairie du Port
DALLOU Jean Eudes Place Publique
KICHENIN Virgile Conseiller Départemental PS
NITRAM Virginie Sainte-Suzanne
LEBON Jacky OMS de Saint-Denis
MANGAMAN-MOUNY Willy Ligue de Pelote Basque
BOQUET Stéphan Acteur Associatif Saint-Paul
IVELOU Jean Daniel Acteur associatif
PERSÉE Stéphane, élu à Saint-Denis
DIJOUX Hans, Directeur CCASS de Sainte-Suzanne
DIFFERNAND Olivier PS
VITAL Jean-Louis Conseiller Municipal BANIAN
MATITI Jimmy Association LIBRE
ANNETTE Christian Conseiller Régional PS
CHANE-KAYE BONE Anne Conseillère Régionale BANIAN
PAYET Geneviève Les Ecologiste
GAVARRI Bruno Les Ecologistes
VIRAPIN MODELY Giovani Président d'association
ERAPA Sergio Elu Le Port
SAMBENOUN Hermann, VP Cinor
SAUTRON Rose Marie Sainte-Suzanne
DOBARIA Caprice Sainte-Suzanne
MOUTALOU Clémence Sainte-Suzanne
SERRANO Marie Valentine Saint-Benoît
BOURGOGNE Rémy PS Saint-Louis
ARMOUGOM Faralalaina BANIAN
VOCHRE Frankline PS Saint-André
HASSEN Christelle Elue PS Saint-Denis
GAUDIEUX Aurélie PS
HOAREAU Jean-François Conseiller Départemental
ALAMELOU Daniel Président SYDNE
ORPHE Monique Conseillère Départementale
MORILHAT Fabrice
MAOHOUSA Ericka Mairie de Sainte-Suzanne
PARNY Samuel JCE
RAMALINGOM Agathe Mairie de Sainte-Suzanne
RANDRIAMIHADA Tefy PS
CARADEC Ariane Professionnel de la Santé
MALAGOUAN Lounès Professionnel de Santé
KICHENAMA Guillaume Professionnel de Santé
ANDAMAYE Marie- Annick Elue PS
BARDINOT Sonia Elue PS
LATCHY Mickael PS
DIJOUX CIndy PS
FRANCOISE Gérard Conseiller départemental PS
DULYMBOIS Farel
MORILLAT Muriel Les Ecologistes
POUNOUSSAMY Véronique Elue Saint-Denis
POLEYA Jean Parti du Centre
ORANGE Marie Fabienne PCR
HUGUET Arnaud Elu Saint-Denis
GAUVIN David PCR Saint-André
ESTEVE Christophe Place Publique
FRIGNET Rachel Saint-Benoît
BOYER Frédéric
ELLAMA Patrice
LEPERLIER Gilles PCR
Younous Adame Président ORTPE
Jacques Lowinsky VP CINOR
Corine Bédier Artisane PS
Patrick Verguin Chambre de Commerce
Jérôme Vellayoudom Doctorant en Intelligence Économique
Gilbert Annette élu PS
Ludovic Ramsamy-Dalleau Endemik
Mikael Sihou Endemik
Marine Bègue étudiante en Géographie
Pascal plante
Delgar de l’étang salé
Jacqueline Payet élue de Saint-Denis
Marylise Isidore
Guillaume grondin (ex-case de bois de nèfles)