Tribune libre de Prosper Eve

À propos de l’esclave Toinette et du cimetière de l’Ouest

  • Publié le 30 mai 2023 à 13:54
  • Actualisé le 30 mai 2023 à 14:18
Cimetière

En 1994, j’ai publié un petit ouvrage intitulé Les cimetières de La Réunion. À la page 83, je signalai l’existence d’une pierre tombale en marbre dédiée par J. Lory et fils à une ancienne esclave, Toinette morte le 30 avril 1860 à l’âge de 68 ans emportant les regrets de ceux qu’elle a servis avec dévouement et fidélité. (Photo Photo RB imazpress)

1994-2022, il a fallu 28 ans pour que les élus de Saint-Denis acceptent de faire leur chou gras de cette esclave et de reconnaître par la même occasion l’existence de ce bien patrimonial rare réalisé par une famille ayant possédé des esclaves.

Puisque les élus de Saint-Denis applaudissent aujourd’hui l’œuvre des esclaves, dans ce même cimetière, un monument a été construit en 1849 par des esclaves affranchis dès qu’ils ont appris la mort à Dzaoudzi (Mayotte) de Monseigneur Alexandre Monnet qualifié de Père des Noirs, conspué par les esclavagistes sur la place du Barachois en septembre 1847, ils se doivent d’honorer cette figure particulière de l’histoire de l’esclavage et d’entretenir ce bien patrimonial rare réalisé par des esclaves affranchis. Ils n’ont hésité à utiliser leurs sous pour inscrire dans le marbre leur reconnaissance envers ce digne prêtre.

Dans ce même ouvrage j’ai dressé un bref historique des cimetières de Saint-Denis et j’ai évoqué le cimetière de l’Ouest, à la page 63.

«  Le cimetière de l’Ouest n’est pas le cimetière de Saint-Denis. Celui-ci se situait primitivement autour de la paillotte-église édifiée en 1670, rue Rontaunay. Lors de la première épidémie de variole en 1728, un nouveau cimetière a été créé à l’ouest de la ville sur le terrain plat sur lequel se trouvaient les batteries de la Rivières au pied du Cap Bernard. Il est béni le 10 juin 1729 par le prêtre lazariste Criais. Une nouvelle église s’élève au lieu où se trouve la cathédrale aujourd’hui. En 1743, en raison de difficultés de communication lors des fortes pluies, mais peut-être aussi pour rapprocher les morts de l’église, le cimetière s’établit derrière le chœur de la nouvelle église, entre la ruelle Edouard et celle du Barachois. En 1784, à cause de son étroitesse et pour ne pas nuire à l’hygiène publique, le cimetière est transféré près du Cap Bernard et l’ancien cimetière de la ville devient place du marché. En 1825, ce cimetière migre pour une dernière fois dans la partie est de la ville, loin du centre et à l’abri des vents pour protéger la santé des Dionysiens. Le cimetière du Cap Bernard tombe quelque peu en désuétude ».

La caserne Lambert est érigée sur le site du cimetière de l’Ouest. Conformément à la législation en vigueur, ce cimetière possédait aussi sa partie réservée aux esclaves. Ceci doit être dit.

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