L’épidémie précédente de « chik » en 2005/2006 avait très fortement marqué la population réunionnaise. Tout d’abord, il avait fallu un certain temps pour identifier la maladie, puis les personnes infectées en très grand nombre, prés de 260 000 au total avaient été très diminuées dans leurs capacités physiques, parfois pendant des mois, et plus de 200 personnes étaient décédées et enfin, un très grand nombre (les proportions varient de 15 à 70% selon les études) présentaient encore des douleurs importantes plusieurs années après. On est donc assez loin d’un rhume (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)
Un retard certain à l’allumage, l’ARS en panne, la communication absente
Dans ce contexte, la résurgence de la maladie en Août 2024 avait de quoi inquiéter, motiver à préparer une mobilisation. Or, rien ne se passe sauf la surveillance épidémiologique. Pas ou peu de moyen pour la lutte anti-vectorielle (moustiquaires, anti-moustiques, brigades de nettoyage et défrichage), pas de réflexion sur l’utilisation d’un vaccin pourtant disponible. Pas de débats publics, pas de réflexion mêlant la population. Pourtant à ce moment là, avec peu de foyers de contamination, une politique publique aurait pu viser l’éradication.
Pourquoi ne pas avoir suivi l’exemple de la Nouvelle Calédonie ?
Dans cette autre colonie française qui est affectée également par le chik depuis 2011, un programme a été lancé permettant en infectant des moustiques tigres par la bactérie Wolbachia de protéger les populations humaines de la transmission des virus du chik, de la dengue et du zika. Cette technique, utilisée également en Australie, au Vietnam ou en Indonésie a certainement un coût, Mais comment comprendre que cette solution n’ai pu faire l’objet dune discussion pour le territoire réunionnais ?
Un accès tardif et inégalitaire au vaccin
Quand la maladie commence à sérieusement se propager, courant janvier 2025, l’ARS commande des doses de vaccin, ce sera d’abord 10 000 doses, Mais il est considéré comme soin de « confort », vaccination du voyageur, et donc non remboursé. Déjà 10 000 doses pour 800 000 habitants, ça paraît léger si l’on veut protéger tout le monde, mais si en plus il est payant, 150 à 180 euros par dose, ça paraît très injuste face à une population dont 40 % vit en dessous du seuil de pauvreté. Pendant ce temps là, de nouveux foyers se déclarent chaque semaine et la bataille pour limiter l’extension de l’épidémie est déjà perdue.
La population réunionnaise réticente, qui doute de son gouvernement
Il faudra attendre début Avril pour que l’ARS offre un cadre de remboursement au vaccin, uniquement pour les personnes de plus de 65 ans souffrant de pathologies chroniques. Dans la foulée, 40 000 doses supplémentaires seront commandées. Mais c’est à nouveau un loupé : les doses ne s’écoulent pas car les publics visés ont soit déjà contracté le virus, soit pas confiance dans ce vaccin. Le doute sur les autorités sanitaires ne date pas d’hier : les scandales à répétition ont marqué les esprits, de la crise du chlordecon jusqu’à la gestion calamiteuse du COVID. Des explications rationnelles des médecins impliqués se heurtent dorénavant aux arguments antivax et complotistes. Les doses qui sont là ne trouvent donc pas preneur : option arrivée trop tard, mal expliquée, et surtout amenées par des autorités qui n’ont plus de confiance acquise.
Les capacités de soin, de la ville à l’hôpital public, en question
Les soins de ville ont pu soutenir cette impressionnante vague de malades mais peinent à trouver des réponses pour les soulager ou les prendre en charge au mieux, d’autant que l’hôpital est lui la tête sous l’eau. A commencer par les services d’urgence qui, depuis longtemps déjà, n’en sont plus à attendre des malades qui auraient besoin de soin. Ce sont bien les malades qui attendent eux que les urgentistes soient disponibles. Eux en sont à réguler un flux toujours plus important, aux limites de leurs capacités, sans avoir cette dotation supplémentaire qui permettrait de faire face aux imprévus. Et le problème est sans doute pire pour les lits que l’on appelle d’« aval », c’est à dire l’hospitalisation complète dans les secteurs de médecine ou de réanimation. Comme dans tous les hôpitaux de France, on est ici en « plan de retour à l’équilibre », c’est à dire que le sous-financement de l’hôpital public conduit à gérer à moyens diminuant et continuer à fermer des lits. Ces politiques d’appauvrissement de l’offre de soin dans le public se font exactement en même temps que les déclarations des macron et consorts qui nous disent réarmer et renforcer l’hôpital.
La perspective d’une épidémie dans l’hexagone ?
Avec le réchauffement climatique, les moustiques tigres sont maintenant présents tout au long de l’année au sud de la Loire, propageant ces dernières années quelques cas de dengue, et un cas de chikungunya, même si à ce jour, la grande majorité des cas est « importée ». Dans l’éventualité d’une épidémie qui toucherait des départements hexagonaux, les réunionnais seront probablement solidaires mais compareront sûrement la vigueur de la réponse de l’état face à ce mal qu’on les a laissé affronter seuls sur leur caillou.