Alors que les Antilles cumulent les postes ministériels, la Réunion, pourtant plus peuplée, reste largement sous-représentée à Paris. Pourquoi ce déséquilibre ? Et surtout, pourquoi si peu de voix réunionnaises osent encore porter les vrais combats ? Une exception persiste : Huguette Bello. (Photo rb/www.imazpress.com)
La comparaison entre les territoires ultramarins de la République met en lumière un déséquilibre frappant. Tandis que la Guadeloupe et la Martinique ont vu plusieurs de leurs élus accéder à des postes de ministre, la Réunion, elle, demeure largement absente de ces hautes fonctions. Ce constat est d’autant plus surprenant que nout Ti Peï est le département d’outre-mer le plus peuplé.
Pourquoi, alors, cette faible représentation ?
Certains y verront un manque de réseaux. Pourtant, historiquement, plusieurs élus réunionnais ont entretenu d’excellentes relations avec Paris. Le problème réside ailleurs, dans une culture politique plus passive, marquée par une tendance à la complaisance envers l’État, voire à la flatterie.
Aux Antilles, les élus montent au créneau, dénoncent les injustices, créent un rapport de force. À la Réunion, rares sont ceux qui osent s’opposer frontalement. Trop souvent, les prises de parole se limitent à des communiqués prudents, des plateformes sans effet concret, ou des jeux d’alliances politiciennes sans impact réel pour la population.
Dans ce contexte, une figure politique se distingue : Huguette Bello.
La présidente de Région incarne une rare voix forte, déterminée, capable de défendre avec fermeté les intérêts des Réunionnais tout en sachant dialoguer avec Paris quand il le faut. Elle ne craint ni la critique, ni la confrontation, ni même de claquer la porte quand les règles du jeu ne respectent pas la démocratie sociale.
Alors que certains élus se contentent de féliciter chaque ministre de passage et être sur la photo, Huguette Bello revendique et agit. Suite au passage du cyclone Garance, elle a annoncé une première série de mesures d’urgence, une enveloppe de 100 millions d’euros. À Paris, elle a rencontré le ministre de la Santé pour défendre la situation du CHU de La Réunion et du GHER durement touchés par le cyclone, et a également abordé la résurgence préoccupante du chikungunya.
Sur le plan social, elle s’est mobilisée pour limiter la suppression des contrats Parcours Emplois Compétences (PEC), n’hésitant pas à claquer la porte de réunions lorsque les syndicats étaient écartés des discussions. Elle a également organisé la 24e Conférence des Présidents des Régions Ultrapériphériques, affirmant ainsi son engagement à défendre les RUP au sein de l’Europe.
Ce courage, ce franc-parler, cette constance dans le combat se font rares aujourd’hui dans la société réunionnaise. La relève tarde à s’affirmer. La jeunesse politique peine à sortir du moule, à s’émanciper des logiques de parti ou des ambitions personnelles. Or, rien ne changera sans un sursaut collectif, sans des voix capables de dire non, de dénoncer, de proposer quitte à en payer le prix électoral.
La République ne donne rien, elle s’arrache. Et sans leaders engagés, audacieux et portés par l’intérêt général, la Réunion restera en marge des grandes décisions.
Il est temps d’oser. Il est temps de porter nos spécificités avec force et dignité.
Il est temps, surtout, que d’autres Huguette Bello émergent pour faire entendre la voix d’un territoire trop longtemps négligé.
Georges Donald Potola