Nous savons que la planète est affectée par de nombreuses crises écologiques mais, pour autant, aucune mesure politique n'est prise pour les endiguer. Pour tenter de résoudre ce problème, Pablo Servigne a écrit avec le chercheur indépendant en prospective Raphaël Stevens un livre-manifeste, " Comment tout peut s'effondrer " (Seuil, 2015), dans lequel ils ont introduit le mot " collapsologie ". Les auteurs y définissent un nouvel objet de recherche, l'effondrement, situé au croisement de disciplines différentes. Ils ont publié une suite, avec l'agronome et biologiste Gauthier Chapelle, " Une autre fin du monde est possible. Vivre l'effondrement (et pas seulement y survivre) " (Seuil 2018). (Photo AFP)
Autour de ces chercheurs gravite quelques personnes, dont le géographe Renaud Duterme, auteur du livre " De quoi l’effondrement est-il le nom ? " (Utopia, 2016). L’Institut Momentum participe de la même réflexion. Tous puisent au même corpus : l’œuvre de Ivan Illich, les analyses de Jacques Ellul, les travaux de Nicolas Georgescu-Roegen, le rapport Meadows, rédigé par des chercheurs du MIT pour le Club de Rome (1972), qui analyse le scenario World 3, celui que nous poursuivons actuellement, mais aussi le rapport de la Bundeswehr (2010), le rapport Rocard, Bourg et Augagneur (2011), le rapport Paul et Anne Ehrlich (2013) et le 5ème rapport du GIEC (2014). Belles références, tout de même.
Les collapsologues diagnostiquent un ensemble de crises systémiques interconnectées et globales (environnementale, énergétique, climatique, géopolitique, économique et financière, sociale, culturelle, politique, démocratique…) qui mèneront, au plus tôt en 2030, à l’effondrement de la civilisation mondiale thermo-industrielle et capitaliste. De fait, avec une empreinte écologique croissant de façon exponentielle, l’humanité connaît une " grande accélération " qui bouleverse tous les cycles biogéochimiques du " système Terre " : réchauffement global à cause de l’émission des gaz à effet de serre, extinction de la biodiversité, montée du niveau des mers, accroissement des catastrophes naturelles… On reconnaît les éléments du débat sur l’Anthropocène qui mobilise géologues et biologistes depuis l’an 2000, soit le fait que les activités humaines ont un impact si significatif et généralisé sur la planète qu’elles ont créé une nouvelle ère géologique.
Mais les collapsologues ne se limitent pas à l’Anthropocène : ils cherchent à lister les facteurs " annonciateurs ". D’abord, les ressources naturelles. Alors que la consommation énergétique augmente sans cesse, le pétrole va bientôt manquer, tout comme les autres denrées disponibles (minerais, eau potable…), ce qui nous mènera à un " pic de tout (peak all) ". Les autres facteurs sont hétéroclites : l’augmentation de la population mondiale, les bulles financières et l’économie devenant folle, mais aussi l’accélération du temps social, ou encore, selon Duterme, les guerres de civilisation, les migrations climatiques…On peut y ajouter, et l’actualité nous y invite, les maladies émergentes.
Enfin, ils étudient notre effondrement au prisme de celui des civilisations passées, estimant qu’au-delà d’un certain degré de complexité, ou si elles gèrent mal les ressources écologiques, les sociétés s’effondrent d’elles-mêmes. Des alternatives ? Face à la catastrophe à venir, il conviendrait de se " débrancher " du système industriel : renoncer à l’avance aux produits de grande distribution avant d’être obligés de vivre une pénurie, pour se brancher sur de petits systèmes autonomes " low-tech " et décroissants.
Difficile de situer la collapsologie : un discours réactionnaire remontant aux élites industrielles du XIXe siècle ? Le survivalisme faisant un pont entre la gauche et l’extrême droite ? Cette discipline pose questions. Lorsque Pablo Servigne explique qu’il vaut mieux " croire à l’effondrement ", avoir la " certitude " de la catastrophe plutôt que d’en supposer la possibilité, afin de mieux pouvoir la prévenir, n’est-ce pas pur sophisme ? Et ne joue-t-il pas au prophète en surfant sur le récit catastrophiste, qui concurrence désormais, dans l’imaginaire occidental, le mythologique Progrès ?
Pour Pablo Servigne, " le collapse est évident si on a cette culture scientifique ". Justement, on pourrait lui reprocher de trop s’inspirer de travaux d’universitaires, comme Joseph Tainter, pour qui une société trop complexe sur le plan administratif s’autodétruit automatiquement, et d’ignorer l’état de la recherche sociologique, qui ne fonctionne pas sur le même modèle épistémologique.
Une référence est Jared Diamond, auteur de " Effondrement " (2005). Selon Diamond, les Vikings, les Mayas et les habitants de l’Île de Pâques ont vu leur société s’effondrer à cause d’une surexploitation de leur environnement (en fait 5 facteurs sont intriqués). Cette thèse environnementale a été réfutée par certains archéologues et anthropologues.
En même temps qu’un domaine d’expertise, la collapsologie semble donc être un courant d’écologie radicale (à la racine) et une stratégie visant à sensibiliser le public en dramatisant les faits concernant l’Anthropocène. Mais ce n’est en aucun cas une croyance apocalyptique.
Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
Le réchauffement climatique m'inquiète beaucoup.Je suis persuadé que les mesures à mettre en place pour éviter cela sont hors de portée, dans un monde qui recherche la croissance économique et la rentabilité.Ca me parait impossible à faire.Je milite à mon niveau pour un monde sans argent, qui serait la solution la plus efficace pour lutter contre le réchauffement climatique.Pour deux raisons simples.Si plus personne n'est payé pour travailler, il n'y a plus de bras pour produire des actes néfastes écologiquement, plus personne pour travailler dans le pétrole, plus d'agriculteurs pour pourrir les sols, plus personne pour travailler pour les lobbys nuisibles, plus personne pour ramener des produits du bout du monde, plus personne pour amener des blaireaux passer le week end à Dubaï'.. .L'homme est intelligent, il ne va pas aller se fatiguer en se disant, ce que je fais contribue à pourrir la planète. Si plus personne n'est payé pour travailler, et comme l'homme ne veut pas se fatiguer pour rien, il va se consacrer sur la production essentielle, nourriture, logement, soins, education, services essentiels, industrie produisant des biens qui servent réellement à quelque chose.Une grande partie de la population se retrouve sans emploi, entre les travailleurs qui ont leur travail directement lié à l'argent, caissières, comptables, banques, assurances etc', et les bullshits job qui représentent une part non négligeable des emplois de bureau.Plus les chômeurs.Tous ces gens se réorientent vers des métiers utiles, où il y a des besoins énormes: agriculture, santé, éducation nationale, justice, bâtiment'. .On peut appeler cela de la décroissance, forcée, mais bien plus égalitaire que la décroissance proposée avec le système actuel.Ce paradigme a l'avantage d'être simple à comprendre par l'ensemble de la société, et possible par la voie démocratique.Je cherche à diffuser coûte que coûte cette idée, et j'espère trouver un écho chez les hommes publics. Est ce que le jeu, n'en vaut pas la chandelle' On parle quand même d'une planète invivable pour nos enfants.J'ai fait un petit podcast de 10 min sur youtube, https://youtu.be/txXkdxhQq3g pour expliquer comment peut fonctionner une société sans argent.