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Macron a hérité de la 5ème République, il léguera la 4ème

  • Publié le 8 octobre 2025 à 05:29
  • Actualisé le 8 octobre 2025 à 05:30
Perceval Gaillard

Qui aurait pu imaginer en 2017, lors de l'élection d'Emmanuel Macron, que huit ans plus tard, le pays serait à ce point bloqué sur le plan institutionnel ? Qui aurait pu imaginer qu'en 10 mois : deux gouvernements seraient renversés et que le troisième durerait moins de 24 h ? (Photo : rb/www.imazpress.com)

Héritant d'un régime considéré comme le plus stable d'Europe occidentale (Grande-Bretagne exceptée), Emmanuel Macron a en effet méthodiquement sapé les fondations de la 5ème République pour préserver ses intérêts et ceux de sa classe sociale.

Une crise politique qui se transforme en crise de régime.

La crise politique n'a pas commencé en 2017. Dans son ouvrage paru en 2008 sur l'histoire politique de la Ve République, l'historien Mathias Bernard distingue trois grandes périodes : la République gaullienne (1958-1969), l'apogée de la bipolarisation (1969-1986), puis la crise politique qu'il fait débuter avec la première cohabitation (1986) jusqu'à la période 2002-2007 qui voit l'extrême-droite arriver au second tour de l'élection présidentielle, les deux camps (gauche/droite) exploser sur la question européenne le tout sur fond de référendum volé aux Français, une remise en cause profonde de la représentation politique traditionnelle, un champ politique - de plus en plus éclaté - en perpétuelle recomposition.

Cette crise politique va progressivement se transformer en crise de régime à partir de 2007 d'abord avec l'hyper-présidentialisation du régime : un Président qui ne préside plus mais gouverne (reléguant son Premier ministre à l'état de collaborateur) et se comporte en chef de parti, pour ne pas dire en chef de clan. Puis à partir de 2012 avec un Président qui ne gouverne même plus, se fait marcher dessus par ses propres ministres, fait exactement l'inverse de ce pour quoi il a été élu et se retrouve, in fine, incapable de se représenter.

Par conséquent l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 est d'abord la conséquence de cettre crise de régime et va aussi en constituer un formidable accélérateur. Arrivé au pouvoir par un "hold-up électoral", selon ses propres termes, orchestré par les soutiens (politiques, économiques, médiatiques) du bipartisme déclinant, il a d'abord profité à plein des effets bonapartistes du régime : large victoire au second tour de la Présidentielle sur fond de rejet massif de l'extrême-droite puis large majorité acquise dans la foulée à l'Assemblée nationale. Minoritaire sociologiquement et politiquement dans le pays, il en devient largement majoritaire électoralement par la grâce des institutions.

La Roche Tarpéienne est proche du Capitole

Paradoxalement c'est l'effet "jupitérien" des institutions qui va précipiter la chute de celui, de celles et ceux, qui ont cru à leur propre propagande et aux flatteries des courtisans. Pas du tout préparés à l'exercice du pouvoir, enivrés par leur réussite électorale fulgurante, persuadés d'incarner le "nouveau monde", peu enclins à s'embêter avec le pays réel ; les macronistes et leur chef vont dès lors multiplier les erreurs.

D'abord en pratiquant une politique de classe et de privilèges "chimiquement pure", couplée à une arrogance et un mépris sans fond, ils vont provoquer puis attiser la plus grande révolte populaire depuis 1968 dans notre pays. Révolte stoppée par une répression féroce et qui n'en finit plus de ne pas passer. D'une certaine manière le mouvement des Gilets Jaunes a stoppé net le premier quinquennat dès 2018.

Ensuite en multipliant les erreurs stratégiques et de communication durant la crise Covid : que l'on se souvienne juste de l'épisode des masques (qui étaient dangereux puis ne l'étaient plus) ou du fiasco du vaccin Sanofi. L'incompétence de celles et ceux qui nous gouvernent, leur incapacité à s'extraire de conflits d'intérêt permanents, la vacuité de la communication élyséenne a alors éclaté au grand jour, sapant la confiance dans nos institutions d'une très grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens, en particulier de la classe moyenne plutôt légitimiste qui constituait la base sociologique du régime.

La chute sans fin

Enfin, et c'est là la faute majeure qui a tout fait basculer, en ne tenant pas en compte du résultat des élections législatives de 2022 puis de 2024. Réélu président en passant par un trou de souris, Emmanuel Macron n'a pas tenu compte du résultat des élections législatives qui ont suivi. Sans majorité à l'Assemblée nationale, contre la majorité du peuple français, il a imposé sa politique antisociale à coups de 49.3 jusqu'à la réforme des retraites, rejetée par tous, aussi injuste qu'inefficace, passée au forceps contre la rue et contre l'hémicycle.

Le facteur Néron

C'est là qu'intervient ce que j'appelerais le facteur Néron. Le princeps qui met lui-même le feu à son pays, encouragé par sa cour et les institutions qui lui permettent de le faire. Suite à sa lourde défaite aux élections européennes, contrairement à ce que tout esprit rationnel au service de la bourgeoisie aurait fait, à savoir trouver un accord de gouvernement avec LR qui lui assurait la majorité à l'Assemblée pour continuer sa politique de classe, il a préféré "dégoupiller une grenade", selon ses propres mots, dans les jambes de ses opposants, grenade qu'il s'est vue retourner et qui a finalement explosé dans les siennes.

Vilipendé par les siens, de Gabriel Attal à Edouard Philippe, aveuglé par ses courtisans (les "parasites" selon Bruno Le Maire qui les a vu de près), mis sous pression par les pouvoirs économiques qui n'ont pas du tout apprécié la grenade elyséenne, Néron/Macron a mis le feu à son propre camp puis au pays. Ce faisant il a déclenché une mécanique dont il est prisonnier et qui ne peut que mal finir. Pour lui comme pour le pays.

En ne respectant pas le résultat des élections qu'il a lui-même provoquées, en faisant tout pour les contourner, en continuant comme si de rien n'était la même politique malgré trois défaites électorales majeures : le président a définitivement sapé la confiance dans nos institutions. Personne, plus jamais, ne doit pouvoir se retrouver en position de tels abus de pouvoir : voilà l'opinion désormais majoritaire dans notre pays, par-delà les étiquettes partisanes. La prise de conscience que le problème est à l'Elysée, que le problème c'est l'Elysée, progresse à vitesse grand V.

Le problème c'est le présidentialisme

Crée par et pour un géant, dans des conditions historiques très particulières, la Cinquième République a fait preuve d'une très grande adaptabilité aux circonstances historiques, ce qui lui a permis d'obtenir une longévité exceptionnelle, dépassant même celle de la Troisième République.

Initialement pensée et pratiquée comme une République bonapartiste avec un Président, élu au suffrage universel direct, qui préside et un gouvernement qui gouverne avec une majorité parlementaire, elle est devenue au fur et à mesure de plus en plus bonapartiste et de moins en moins républicaine. Concentration du pouvoir dans les mains de l'éxécutif, et en son sein, toute-puissance du Président de la République, affaiblissement des pouvoirs législatif et judiciaire, mise au pas des contre-pouvoirs organisés, contrôle oligarchique des médias : la nature du régime ressemble de plus en plus au Second Empire et de moins en moins à une République.

Le pouvoir n'arrête plus le pouvoir

"Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir" disait Montesquieu. C'est ce principe qui fait d'un régime une République ou non. Et c'est ce principe que bafouent objectivement ce Président et cette République à bout de souffle. Plus rien ne semble pouvoir arrêter la machine infernale. Ni les élections, ni les records d'impopularité, ni la contestation dans la rue, ni les gouvernements démissionnaires successifs. Le problème c'est Emmanuel Macron, certes, mais le problème ce sont surtout les institutions qui ont permis l'arrivée au pouvoir d'un Emmanuel Macron, son maintien au pouvoir dans des conditions de moins en moins démocratiques, son exercice du pouvoir totalement bonapartiste.

Que faire ?

"Nous avons conquis le suffrage universel, il nous reste à conquérir la souveraineté populaire", cette phrase prononcée par Jean Jaurès résume à elle seule LA question institutionnelle à laquelle nous sommes maintenant confrontés. Comment garantir la souveraineté populaire dans des institutions qui s'en réclament mais la bafouent chaque jour un peu plus ?

La Constituante

Seule force politique à avoir anticipé la crise politique et institutionnelle que nous traversons et avoir agi en conséquence, la France insoumise propose une sortie de crise démocratique : l'élection d'une Assemblée Constituante, composée de personnes qui n'ont jamais été élues, chargée de rédiger une nouvelle Constitution adaptée à la réalité politique contemporaine et au 21ème siècle. Une nouvelle Constitution pour une nouvelle République : sociale, écologique, inclusive et plus démocratique. Une nouvelle République qui empêche à jamais qu'un homme seul puisse se retrouver dans la position de plonger le pays entier dans le chaos.

Que faire à La Réunion ?

Arrivée au bout d'un modèle issu de la Départementalisation et plus encore de la décentralisation mitterrandienne (achevée par Chirac), La Réunion a tout à craindre au maintien de ce régime à bout de souffle qui a déjà enclenché sans le dire, en missouk, le grand larguage.

À contrario cette proposition de Constituante est une opportunité pour nous à condition de nous en emparer. N'oublions jamais que les grandes conquêtes, les grandes avancées politiques et sociales ont toujours été arrachées par le peuple réunionnais au moment des changements de régime : abolition de l'esclavage en 1848 au moment de l'avénement de la Deuxième République, Départementalisation de jure avec la Quatrième République, Départementalisation de facto avec la Cinquième.

Le temps est donc venu pour notre génération d'arracher à la fois l'égalité sociale totale (qui n'est finalement que la traduction réelle de la promesse républicaine) et à la fois l'intégration dans notre environnement régional (qui est la condition de notre développement).

Réfléchir et agir à la fois in the box, à l'intérieur de la boîte (de la politique nationale) et out of the box, à l'extérieur de la boîte, c'est à dire à l'international. C'est autant une obligation qui s'impose à nous qu'une formidable opportunité, ce qui fait fondamentalement notre force et notre singularité, au sein de la République française comme de l'océan Indien.

La France hexagonale a au moins autant besoin de nous que nous avons besoin d'elle, pour ne pas dire plus. La France 2ème puissance maritime mondiale ? C'est grâce aux Outre-mer. La France puissance spatiale ? C'est grâce aux Outre-mer. La France qui abrite 10% de la biodiversité mondiale ? C'est grâce aux Outre-mer. La France puissance géostratégique sur le plan militaire ? C'est grâce aux Outre-mer. Sans les territoires et les peuples ultramarins, la France ça serait l'Italie : une puissance continentale moyenne sans réels moyens d'action en dehors de l'Europe et du monde méditerranéen. Le temps de la relation asymétrique, descendante, postcoloniale est fini.

Comme Rome, qui a survécu à l'incendiaire Néron et a même ensuite prospéré sous les Antonins, la France et La Réunion survivront à l'incendiaire Macron. La question est : dans quel état et pour aller où ? Nous proposons un chemin pour la France : Constituante et 6ème République ; un chemin pour La Réunion : égalité sociale totale et développement économique indianocéanique. Que proposent les autres ?

Perceval Gaillard
Député de La Réunion

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